La détermination du peuple tunisien a eu raison de Ben Ali, le vent de révolte qui a commencé à souffler au milieu du mois dernier a fait chuter un Président qu'on croyait «indéboulonnable» et a déraciné un pouvoir corrompu et corrupteur qui a régné par la peur. Près d'un mois d'émeutes sanglantes pour balayer vingt-trois années d'un régime répressif qui a régenté la vie des Tunisiens et pour éliminer un clan qui a sucé leur sang et exploité leur sueur. Ceux qui formaient ce régime et qui s'ingéniaient à inventer toutes les formes d'oppression étaient loin d'imaginer que leur fin viendrait de ceux qu'ils croyaient avoir écrasés. Longtemps muselés et tyrannisés, les enfants de ce pays ont fini par casser leurs chaînes et se soulever pour chasser leurs tyrans. Ils sont désormais les maîtres de leur vie et ont déjà commencé à tracer leur avenir. L'admiration pour ce peuple a succédé à la stupeur - au moment où les chaînes de télévision annonçaient la fuite de l'ex-Président -, même si l'on savait que les heures de Ben Ali étaient comptées. Aujourd'hui, il est clair que le monde arabe a changé. Il n'est plus celui d'avant la révolution tunisienne qui a balayé un système totalitaire. Les dirigeants arabes l'ont certainement compris. Il leur reste à réfléchir sur l'incontournable mutation générée par le vent de démocratie né dans le pays de Bourguiba et sur un nouveau mode de gouvernance pour être en phase avec les nouvelles donnes. Ce qui s'est passé en Tunisie ne peut pas ne pas avoir de répercussions sur les pays arabes qui doivent absolument s'arrimer au train de la démocratie. Ils n'ont pas d'autre choix que celui d'affranchir leurs peuples de la peur, de les hisser à la citoyenneté et de leur donner plus de liberté. L'ouverture du champ médiatique et la libération de l'expression constituent un préalable à la démocratie et un premier pas dans tous les changements qui devraient intervenir et que l'intelligence recommande. Les dirigeants arabes doivent cesser de croire que leurs peuples manquent de maturité - c'est d'ailleurs là tout le drame dans ces pays jusqu'à ce jour. Le contraire a été prouvé par le peuple tunisien, par tous les Mohamed Bouazizi qui se sont levés un jour pour changer leur destin. R. M.