De Sétif à Kherrata, de Guelma à El Eulma, des dizaines d'activités sont organisées. Pas seulement dans les localités touchées par les désastres mais dans toutes les régions du pays. De témoignage en éclairage, les festivités seront, bien entendu, plus folkloriques que politiques. Mais ce qui va le plus singulariser l'anniversaire de cette année est la relance de la polémique sur la responsabilité de l'Etat français dans ces massacres. La controverse, lancée depuis des dizaines d'années, continue d'alimenter les débats des deux côtés de la Méditerranée. Que ce soit chez les historiens ou chez les politiques, tout le monde converge vers la responsabilité directe de l'Etat français dans ces massacres. Et le débat, puisque c'en est un, a été relancé par l'ambassadeur de France à Alger, Bernard Bajolet, au début du mois de mai à Guelma, lors d'une rencontre consacrée à l'occasion, en avouant que l'Etat français «a une responsabilité» dans ces «massacres abominables». Mais, en fait, comment ne pas qualifier de massacres des crimes qui avaient coûté la vie à des milliers de personnes –le chiffre de 45 000 étant difficile à vérifier tant le désastre était grand- dont le seul tort était de revendiquer leurs droits, notamment celui de pouvoir bénéficier de la liberté pour laquelle ils avaient combattu aux côtés de la puissance coloniale. Parce que le jour du 8 mai signifie, pour tous les peuples qui avaient vécu l'une des guerres les plus meurtrières de l'histoire de l'humanité, la délivrance d'un drame. La mise au pas d'un systèmenazinégationniste, inhumain et destructeur. Mais le peuple algérien, lui, n'avait pas droit à ce privilège. Il décide alors, comme les autres peuples, de sortir dans la rue. D'abord pour fêter la paix retrouvée, et puis, et c'est l'essentiel, pour réclamer, à son tour, sa libération du joug colonial. La réponse a été brutale. Inhumaine, encore une fois. Parce que l'armée coloniale, aux côtés de laquelle des milliers d'Algériens avaient sacrifié leur vie, avait utilisé des procédés des plus abominables. En plus des tueries collectives et des exécutions sommaires, l'administration française avait mis en place des fours crématoires, notamment à Guelma, pour y jeter les corps de tous ceux qui ne faisaient pas partie des serviteurs dusystèmecolonial.Des historiens, y compris français, racontent que des rues et des champs entiers étaient jonchés de cadavres qui n'ont, certainement, jamais été recensés à ce jour, d'autant que la restitution des archives à l'Algérie ne semble pas pointerencoreà l'horizon. L'autre fait ayant fait réagir violemment la France coloniale était l'apparition, pour la première fois, du drapeau algérien aux côtés des drapeaux des pays alliés qui avaient gagné la guerre. Et le premier jeune qui l'avait porté avait laissé sa vie sur le champ après un tir des gendarmes français. Il s'appelle Bouzid Chaal. D'autres martyrs tomberont par la suite. Les Français de la métropole, eux, ne savaient pas grand-chose sur ce qui venait de se passer. Le général de Gaulle avait ordonné une commission d'enquête, dénommée commission Tubert, dont les conclusions ne sortent que… cette année. Le rapport, qui ne fait pas trop cas des crimes et de la férocité des massacres, parle cependant de revendications politiques qui, bien entendu, n'ontjamaisété entendues. «[...] La commission a constaté que bon nombre de manifestations se sont déroulées en Algérie les 1er et 8 mai. Toutes ces manifestations étaient à caractère exclusivement politique et avaient pour but de réclamer la libération de Messali et l'indépendance de l'Algérie», lit-on dans ce rapport dont des extraits ont été publiés par l'APS. Cela ne suffit certainement pas à rétablir la vérité. C'est pour cela, d'ailleurs, que beaucoup de voix se sont élevées ici pour demander plus de recherches sur toute l'histoiredel'Algérie. Pas seulement le 8 Mai 1945. A. B.