La crise libyenne avec ses multiples enchevêtrements tend au fil des semaines à se compliquer davantage. La situation sur le terrain vire au statu quo et les Occidentaux semblent vouloir accélérer la cadence vers une action plus vigoureuse contre le régime Kadhafi. Les forces de Kadhafi disent vouloir se retirer de Misrata et confier aux tribus de la région la mission de mettre fin au conflit dans cette ville par le biais de négociations ou par la force. Cette ville, la troisième de Libye, à 200 km à l'est de Tripoli, est le théâtre depuis plusieurs semaines d'une guérilla urbaine meurtrière. L'annonce par le régime de la mobilisation d'habitants des villes environnantes, comme Bani Walid ou Zliten, fiefs de la tribu des Werfella, la plus nombreuse et la plus loyale, vise, semble-t-il, à compliquer la tâche de l'Otan qui tient en tenailles les positions de l'armée loyaliste. Cependant, une telle éventualité ne devrait pas, selon les analystes, apporter de changement majeur sur le front, car une grande partie des tribus est déjà engagée dans les combats. A Misrata, c'est l'enfer. Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a souligné que la situation humanitaire se dégradait dans cette ville où l'accès à l'eau et aux soins médicaux est devenu problématique. A Tripoli, le survol intensif par des avions de chasse de l'Otan est toujours suivi d'explosions et de colonnes de fumées. Dans la région de Zenten, sud-ouest de Tripoli, les accrochages se multiplient avec les insurgés qui tiennent plusieurs localités de la région. Dans cette zone montagneuse où les combats ont fait des dizaines de morts depuis une semaine, les insurgés ont réussi à prendre le contrôle de l'un des principaux postes frontières avec la Tunisie. Au fil de l'évolution de la situation, la Libye est en train de vivre une situation humanitaire complexe. Ces deux dernières semaines, 15 000 Libyens ont fui vers la Tunisie et le Haut-Commissariat de l'ONU aux réfugiés redoute un exode massif. Selon le HCR et l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), plus de 550 000 personnes ont déjà fui ce pays déchiré par la guerre. L'OIM a déjà évacué de Misrata plus de 3 100 réfugiés de 21 nationalités. Vendredi dernier, le sénateur américain John McCain, en visite à Benghazi, un millier de kilomètres à l'est de Tripoli, a réclamé l'intensification des raids de l'Otan et appelé le monde à reconnaître et à armer les insurgés. McCain, la plus haute personnalité américaine à s'être rendue en Libye depuis le début du soulèvement populaire contre Kadhafi, a appelé à reconnaître le Conseil national de transition (CNT) comme «la voix légitime du peuple libyen». Il a aussi plaidé pour l'envoi d'armes à l'insurrection. Washington semble participer de nouveau au conflit en lançant les premières attaques avec des drones armés. Un moyen militaire qui s'est caractérisé par des «bavures» sanglantes en Afghanistan et au Pakistan. M. B.