Par des chemins détournés, «spécifiques» à notre pays, les meilleures intentions, les décisions les plus justes et les propositions les plus pertinentes peuvent sans coup férir être parasitées, vidées de toute substance, pour grossir la liste des échecs plus ou moins attendus. Dès le matin du jeudi 23 juin, la commission dite Bensalah avait quitté les «unes» des principaux quotidiens du pays. Ce jour-là, ces dernières étaient réservées à la fronde des avocats, au projet Desertec, aux relations algéro-britaniques et au lobby de… la fripe. Exit les discussions politiques qui portaient pourtant sur des dossiers les plus lourds possibles pour le présent et l'avenir de l'Algérie, pour voir l'ombre portée de la fripe asséner un jugement sans appel sur l'utilité, l'intégrité, la qualité d'une APN mise aux enchères par l'ordre dominateur des fripiers. Un cas unique : une assemblée nationale qui légalise l'informel, assassine les velléités d'un textile national sans que le gouvernement tape sur la table, lui qui a toujours refusé la moindre proposition émanant des députés. Même l'EN de foot a été supplantée dans la presse par la fripe. Tout un symbole ! La commission Bensalah va rendre sa copie «à qui de droit», dans l'indifférence générale, le tumulte des émeutes qui balisent le territoire national et avec les visites tournantes d'hommes politiques de droite et de gauche venus d'Europe réchauffer les relations entre l'Algérie et le Vieux-Continent. Ce dernier a réussi à trouver la panacée politique en direction des pays arabes, là où ces derniers ont un blocage systémique, une répulsion indépassable, une volonté hégémonique désastreux pour leurs intérêts. L'Europe, selon le pays visité, envoie des hommes de gauche, de droite, du centre, d'anciens hauts responsables de tous bords, parce que les dirigeants d'Europe (de gauche et de droite) sont légitimes, patriotes et défendent les intérêts de leur pays. Les nôtres sont, formellement, à peine nationalistes étroits, farouchement fermés aux thèses qui ne sont pas les leurs quand ils sont au pouvoir. C'est toute la différence, marquée du sceau de la fripe. Des esprits sereins estiment que la commission Bensalah n'a pas bénéficié, avant de commencer, de négociations préalables avec les véritables opposants, les personnalités et courants crédibles et respectés. Elle a mélangé les genres dans une parfaite cacophonie dans une auberge espagnole où chacun a ramené son plat préféré, consommé jusqu'à la lie par les citoyens. Pour ouvrir l'appétit, crédibiliser, bien avant l'entame des travaux, la TV par exemple aurait été inspirée de s'ouvrir à de vraies représentations en direct. Ce «gage» préalable aurait atténué les méfiances et les suspicions qui ne profitent qu'aux minorités radicales et aux routiers du système qui semblent pleinement satisfaits de cette «pause» politique après y avoir participé pour certains. Ils ont pu, à l'abri de protections et de conteneurs, légaliser l'informel, la contrebande au profit de la fripe. L'argent ainsi gagné n'est pas assuré d'être dépensé en Occident. Les tribunaux et les ONG sont désormais lâchés. Des terres agricoles sont «constructibles», donc à détruire par le béton. Des hôpitaux ressemblent de plus en plus à des dépotoirs. Avec les grèves, la chaleur, le Ramadhan (mois de repos), les vacances légales, il ne fait pas bon de tomber malade dans le pays. Al Jazzera, la reine mère, à partir d'un minuscule pays, colonise les esprits arabes et achète le foot européen pour, éventuellement, le revendre à l'ENTV. Les avocats prennent la rue pendant que les commissaires politiques des mœurs comptent les bars encore ouverts et pourchassent les différences, au mépris de la constitution en vigueur. M. Bensalah a écouté beaucoup de monde, y compris des experts qui évitent depuis des décennies de dire publiquement leur point de vue sur les domaines de leur «spécialité», les organisations ex-de masse et ses alliés dans l'Alliance éclatée. Mais tout le pays attend beaucoup de M. Bouteflika qui se serait bien passé de l'intrusion des fripiers à l'APN à ce moment précis de l'histoire de l'Algérie. A. B.