Photo : A. Lemili De notre correspondant à Constantine A. Lemili Des architectes d'une demi-douzaine de bureaux d'études se relayent quasi quotidiennement à hauteur des salles An-Nasr et, plus particulièrement, Cirta pour visualiser les lieux, prendre des notes, des mesures, des photos, poser des questions et surtout noter toutes les réponses, quelle que soit leur valeur, des agents des deux salles.Il est vrai que ces agents sont tout ce qui peut rester de la mémoire de deux espaces qui ont leur histoire et font l'histoire même de la ville sur le plan culturel et également social. Les informations qu'ils fournissent aux architectes contribuent énormément à reconstituer cette sorte de puzzle qu'est le cinéma Cirta notamment, un joyau architectural ravagé par un incendie au cours de l'été 95 et fermé depuis.Sa réhabilitation a fait l'objet de tant de palabres depuis une dizaine d'années que d'aucuns, face à des engagements non honorés à chaque fois, n'auraient jamais pensé que les pouvoirs publics matérialiseraient enfin les déclarations pompeuses faites à répétition.Mais pouvait-il être réellement attendu des responsables tapis à hauteur des alcôves ministérielles un trait de génie, fût-il fugace, quant à leur perception de la situation des salles en question et des voies, moyens et procédures de réhabiliter des salles et au minimum celle de Cirta selon la conception originale qui faisait sa particularité.Et c'est le plus grand paradoxe auquel font face les architectes des bureaux d'études retenus pour la faisabilité du projet. Ils se disent étonnés à la seule idée que le cahier des charges ne fournit aucune indication, voire ne pose aucune exigence quant à la nécessité de redonner aux salles leur cachet originel et surtout d'y apporter, sur tous les plans, le confort obligatoire en tenant compte de l'évolution technique des équipements, de l'acoustique et surtout de l'implantation en plein centre urbain de l'un des espaces, en l'occurrence Cirta et, par voie de conséquence, l'agression d'heure en heure, de minute en minute due à l'activité extérieure. Autrement dit, le trafic automobile régulier et les comportements tonitruants des conducteurs, une foule compacte omniprésente, la proximité de mosquées et les décibels déversés au cours de l'appel à la prière, les travaux à répétition des entreprises de prestations de services comme la Seaco, la SDE, A-Télécom et autres. Dans le cahier des charges, l'insistance sur le seul aspect financier auquel sont invités et astreints les soumissionnaires est à la limite de l'obsession. Or, la culture dont on connaît l'état de décrépitude ne se suffit pas uniquement des coûts qui pourraient concerner tout projet mais plutôt de la valeur artistique que peuvent lui accorder les prestataires conviés à faire profiter de leur expérience et leur professionnalisme un secteur en déshérence. L'indigence du cahier des charges est criante et nous avons appris auprès de certaines de personnes gravitant autour du secteur de la culture le désappointement des équipes représentant les bureaux d'études qui avaient une tout autre approche des procédures. Unanimement, ils auraient souhaité être «jugés d'abord sur la qualité du travail proposé, des détails des prestations, le volet financier ne serait discuté qu'une fois le choix fait sur le bureau qui aurait fait l'unanimité», dira un spécialiste des questions du cinéma. Ce qui n'est évidemment pas le cas, et le risque de répéter ce qui s'est déjà passé avec la salle de répertoire An-Nasr, réhabilitée pour une enveloppe de plus de deux milliards de centimes, n'a jamais fonctionné pour subir un deuxième lifting sans que la chaîne administrative située en amont et en aval du projet ait jamais eu à rendre des comptes. L'entrepreneur, qui a été payé rubis sur l'ongle, n'a jamais obtenu de certificat de conformité pour cause de non-conformité des travaux réalisés notamment la prévention contre les incendies et la présence de sièges inflammables en contradiction du cahier des charges de l'époque.