Photo : S. Zoheïr Par Fodhil Belloul Jeudi dernier et pour la deuxième fois depuis le début du Ramadhan, la Tribune organisait une conférence en marge de sa kheïma de solidarité qui honorait une gloire de l'OMR, Berroudji Kamel avec en prime un récital Chaâbi de Madjid Benzidoun. Si la semaine dernière Kamel Bouchama avait exploré la question de la foi et de son rapport au progrès, l'invité de ce jeudi a tenté quant à lui, de traiter la question autrement, en évoquant la place de la spiritualité dans le monde contemporain. Question épineuse et urgente, au vu des différentes crises, morales ou autres qui secouent le monde d'aujourd'hui et des alternatives possibles que peut apporter la spiritualité. L'effort de pensée venait ce jeudi de la part d'un homme d'une grande érudition dont la production intellectuelle prolifique n'est plus à présenter. Gaïd Tahar, en islamologue de renom, a su exposer à son auditoire les tenants et aboutissants du problème, en ouvrant des pistes de réflexion qui, si elles ne sont pas inédites, ont été très peu prospectées. Il fallait bien sûr, en préambule, rappeler à l'assistance si besoin est, les éléments marquant du parcours du conférencier. Ce fut à M. Kamel Bouchama de le faire. Il a évoqué l'engagement précoce de Gaïd Tahar pour la cause de l'Indépendance, à Tighenif (Palikao anciennement), ses annéesd'emprisonnement à partir de 1956, et le parcours de médiéviste et d'islamologue à partir des années 80, après une carrière diplomatique. Nous étions donc entre de bonnes mains. Gaïd Tahar a entamé son propos par un constat. Celui de l'échec de la pensée matérialiste et de ses néfastes répercussions dans le monde musulman. Nous avons reçu selon lui, par les vicissitudes de l'Histoire, une pensée venue d'un Occident, dont nous n'aurions «aucune leçon de spiritualité à recevoir», et qui, de par son antagonisme avec nos propres valeurs, et la spiritualité inhérente à la religion, serait en majeure partie responsable d'une crise éthique chez nous. Mais surtout d'un profond malentendu quant à la définition et la place de la notion de spiritualité dans nos sociétés. Le rapport au divin, consigné et enseigné dans le Coran, est prévu par des pratiques cultuelles il est vrai, mais cette présence de l'élément spirituel n'aurait de sens que si elle se manifestait concrètement dans l'espace public, autrement dit dans le rapport à autrui. Au lieu de cela, nous assistons, toujours selon Gaïd Tahar, à un enfermement de la spiritualité dans le culte, phénomène aux multiples conséquences : Une certaine «hypocrisie» dans la religiosité. «Aller à la mosquée cinq fois par jour, et une fois sorti s'empresser d'augmenter les prix», il n'est pas nécessaire d'être plus explicite. En second lieu, cette absence d'une spiritualité «dynamique» qui inclut dans le projet humain, et donc profane, comme la construction d'un projet de société, le «projet divin», par le rappel constant des valeurs morales, conduit inéluctablement au «vide spirituel et culturel», ouvrant la porte à toutes les «invasions», celle, plus imminente et néfaste, de la pensée matérialiste qui, plus que jamais, prouve son échec. La boucle était donc bouclée. Ne reste plus qu'à agir dans le sens que Gaïd Tahar nous a indiqué.