La Syrie continue d'être au centre d'un bras de fer absolument complexe depuis plus de huit mois. En plus d'une situation sur le terrain caractérisée par la confusion et l'opacité, une guerre médiatique sans merci est en cours entre un régime qui n'entend rien concéder et une opposition qui paye le prix de sa mobilisation au quotidien. Depuis le début novembre, la Ligue arabe dans une posture étrangement offensive redouble de pression contre le régime syrien. Ce dernier qui joue sa survie dans la plus grande crise politique depuis la création du parti Baath au pouvoir s'est caractérisé par un louvoiement symptomatique de la gravité de la situation. Réunis au Caire, les ministres des Affaires étrangères des pays arabes décident de suspendre la participation de la Syrie à la Ligue arabe. Damas réagit promptement à la sentence des instances de la Ligue, approuvée par les chefs de la diplomatie de 18 des 22 pays membres affirmant que de telles décisions ne peuvent être prises qu'à l'unanimité et accusant l'organisation d'appliquer un programme anti-syrien et pro-occidental. La crise politique ayant aussi son pendant de difficultés sur le plan économique serrant davantage l'étau sur le régime. D'autant plus que le pays doit déjà subir cette année un sévère retour à la baisse de son économie, que les recettes du tourisme se sont asséchées, que le commerce a drastiquement chuté. Et des sanctions commerciales globales seraient dévastatrices pour la Syrie, même si elles seraient aussi difficiles à appliquer, selon les observateurs. Damas avait pourtant accepté «sans réserves» un plan de sortie de crise proposé par la Ligue arabe, qui prévoyait l'arrêt des violences, la libération des prisonniers et l'ouverture du pays à des observateurs arabes et à la presse internationale. Face à l'absence de mise en application du plan, la Ligue arabe a adopté, le 27 novembre, une série de sanctions qui comprend notamment d'un gel des transactions commerciales avec le gouvernement syrien et de ses comptes bancaires dans les pays arabes. La décision est inédite à l'encontre d'un Etat membres de la ligue. Le CNS et le risque d'égarement D'un autre côté et dans une atmosphère de crise complexe l'opposition dite de l'extérieur dont une partie se range derrière le conseil national syrien CNS semble depuis quelque temps face à un dilemme. Etre favorable à l'intervention étrangère au risque de paraître comme un instrument dans les mains des ennemis traditionnels du pays ou refuser l'ingérence et conforter le régime en place. Bourhane Ghalioun a récemment affirmé dans une interview accordée au Wall Street Journal qu'il couperait toute relation avec l'Iran et le Hezbollah si le CNS prenait le pouvoir. L'éminent professeur de la Sorbonne, probablement sous la pression médiatique continuelle, s'est laissé aller à un égarement politique certain. Annoncer des décisions engageant le pays sur le plan géopolitique, alors que l'opposition milite pour la chute du régime et l'instauration d'un régime démocratique est un fourvoiement. Le responsable du CNS aurait été mieux inspirés s'il avait esquivé ce genre de questions piège et donné rendez-vous à l'intervieweur pour une futur Syrie où la décision reviendrait au peuple. Selon l'ONU, la répression a fait jusque-là 4000 morts en huit mois et demi. Damas a été invité à signer un protocole sur l'envoi d'observateurs chargés de surveiller les faits sur le terrain et éviter davantage de sanctions. Le régime syrien avait demandé de «nouveaux éclaircissements au protocole d'accord» qui lui est proposé. La venue d'observateurs en Syrie est toujours mal vue par Damas. La Syrie est dans la ligne de mire d'Israël et des Etats-Unis. Une acceptation de cette mesure, même avec des «réserves», est un gage de bonne volonté de la part de Damas. Après les sanctions occidentales la Ligue arabe a accru encore l'isolement du régime de Bachar al-Assad en prenant à son tour des sanctions. D'autres mesures décidées fin novembre, établissant en particulier une liste de 19 personnalités syriennes interdites de voyage dans les pays arabes et dont les avoirs seront gelés dans ces pays. Cette liste comprend les principaux chefs des services de sécurité, dont le frère du président Maher al-Assad, son cousin l'homme d'affaires Rami Makhlouf et les ministres de la Défense et de l'Intérieur. Les Etats membres de la ligue arabe ont également et de façon inédite prévu d'interdire toute vente d'armes à la Syrie et de réduire de moitié les vols avec la Syrie à partir de la mi-décembre. Une commission technique est même chargée de dresser une liste d'hommes d'affaires syriens en vue de les sanctionner. Ces pressions grandissantes contre le régime syrien semblent avoir marqué leurs premiers résultats. Le gouvernement syrien semble opter pour d'autres stratégies en acceptant la demande de la ligue arabe d'envoyer des observateurs sur place. La crise syrienne et le bras de fer entre le pouvoir et l'opposition seraient-il en train de prendre d'autres formes ? M. B.