Alors qu'une semaine n'était pas encore bouclée depuis son investiture du 15 mai, les roquets de l'UMP, qui venaient de creuser le tombeau de Sarkozy, les mêmes porte-voix attaquent -déjà !- le Président fraîchement élu sur un bilan. Et lequel ? Celui de sa participation, les 19 et 20 mai, au Sommet du G8, réuni à Camp David, sous la houlette du président Obama. En résumé, il est reproché au successeur de Sarkozy de n'avoir rien ramené de ses déplacements, pour la croissance, ni de Berlin ni de Washington.La réalité est beaucoup moins simpliste et infantile. Plongés dans une crise économique et financière sans précédent depuis 2008, les pays de l'Union européenne peinent à retrouver le cercle vertueux d'une relance génératrice d'emploi et de revenus pour les Etats et les citoyens. D'autres pays la subissent de plein fouet et d'abord les Etats-Unis, où elle a pris naissance, avec la fameuse crise des Subprimes, dès 2007. Mais avec cette différence notable et lourde de conséquences graves que les pays de la zone euro sont dans une relation d'interdépendance, du fait d'une monnaie unique, qui impose de faire transiter par les institutions et instances de l'UE (Union européenne) toute solution qui doit passer par les leviers monétaire et financier. Les traitements nationaux, seuls, se sont révélés insuffisants et, dans la plupart des cas, incapables de freiner la progression de la crise. C'est pourquoi le Président français, bien avant son élection, n'avait cessé de plaider pour une réorientation totale de la politique de l'Union vers une croissance, à retrouver coûte que coûte pour que la gestion de la dette souveraine se fasse sans pénaliser l'économie. En un mot, tout ce qui sépare la chancelière allemande, qui ne veut rien céder de l'orthodoxie financière, depuis le Traité de Lisbonne, d'un François Hollande persuadé, lui, que les «fondamentaux» d'Angela Merkel (lire encadré ci-contre) ne feront qu'autoentretenir la crise et mèneront droit au mur. L'axe Merkel- Sarkozy, cassé par le changement de présidence française, la chancelière, malgré quelques efforts pour afficher une certaine compréhension, continuera à s'enferrer, pour l'essentiel, dans la même attitude de refus : «Pas touche à la rigueur budgétaire» ! C'est tout juste si elle condescend à tolérer l'ajout au pacte de stabilité/rigueur budgétaire d'un volet sur la croissance. Mais son homologue français s'était préparé, avant de prendre place à l'Elysée, aux atermoiements, voire à une mauvaise volonté, avec lesquels serait accueillie sa proposition, outre Rhin. Avant de s'envoler pour Berlin, le soir de son investiture, pour y rencontrer Merkel, il avait déjà engrangé sinon l'appui, du moins le consentement tacite, de partenaires européens de poids, même s'ils ne sont pas du même bord politique que lui.On saura, plus tard, si cette stratégie aura été payante, mais le Sommet du G8 de Camp David a plus mis en valeur François Hollande, avec qui Obama était aux petits soins, que la chancelière, qui s'était sentie bien isolée, dès lors que la position française venait d'obtenir un soutien appuyé du chef de la première puissance mondiale. Le communiqué final sanctionnant la réunion du G8 place la croissance au cœur de la nouvelle problématique européenne : «Notre impératif est d'encourager la croissance et les emplois», affirme le G8. «Nous sommes déterminés à prendre toutes les mesures nécessaires pour renforcer et revigorer nos économies» et «nous saluons la discussion en cours en Europe sur la manière de créer de la croissance», ajoute-t-il, non sans préciser que les solutions peuvent être différentes d'un pays à un autre et sans manquer d'appeler au respect de la rigueur budgétaire. Après ce plaidoyer réussi auprès des grands de ce monde, il restera à Hollande à continuer à faire la démonstration de son habileté diplomatique, en obtenant de ses pairs de la zone euro une adaptation des structures de l'UE aux objectifs de la relance économique. Ce sera plus difficile, mais il a déjà remporté la manche politique du combat. A. S.
Pangermanisme économique Economistes et politiques acquis aux thèses du libéralisme économique n'arrêtent pas de s'extasier devant le modèle allemand, le citant volontiers comme modèle d'inspiration pour les «mauvais élèves» de l'Union européenne. Sans fausse honte, la nouvelle Dame de fer du vieux continent voit dans la rigueur budgétaire de son pays une solution tout à fait valable et applicable pour le canasson grec. Pris dans le cercle diabolique d'un endettement excessif, pour lequel il devra emprunter à 10% sur le marché financier, et de l'impossible croissance qui en résulte, il ne restera alors aux Grecs qu'à hypothéquer ou vendre aux riches Allemands leurs légendaires îles touristiques. Il n'y a pas de quoi sourire, mais l'offre en a été faite il y a deux ans quand la Grèce était apparue comme le maillon le plus faible de la zone euro et qu'on avait commencé à parler de faillite et de «défaut de payement». Quatrième puissance économique mondiale derrière les Etats-Unis, la Chine et le Japon, première en Europe devant la France et la Grande-Bretagne, l'Allemagne est certes un modèle. Mais, c'est surtout une mentalité et une politique qui n'exclut pas la prestidigitation. Souvent cité comme locomotive de son dynamisme économique, son commerce extérieur est impressionnant par sa progression et son volume. Mais ses chiffres cachent des réalités dont se gardent de parler les dirigeants allemands qui, pour ne rien devoir à leurs partenaires européens, mettent cette prospérité aux allures insolentes dans un continent en quasi récession, sur la commande des pays émergents. Tendance confirmée en 2011 et 2012, les chiffres de l'Office fédéral allemand des statistiques pour 2010 plaident pour le contraire. La zone euro représentait 55% de l'excédent commercial de l'Allemagne et l'Europe 80%.Pour 2010, l'Allemagne a exporté pour plus de 959 milliards d'euros et a importé pour plus de 806 milliards. Elle a donc réalisé un solde positif de plus de 153 milliards d'euros dont 85 milliards «pompés» chez les partenaires européens à qui il est demandé et redemandé avec insistance par Angela Merkel de suivre l'exemple de son pays. La chancelière veut-elle vraiment voir diminuer notablement les exportations de son pays, résultat inévitable auquel aboutirait donc une compression de la demande intérieure des partenaires européens suivie d'une augmentation de leur commerce extérieur ? De forts soupçons pèsent, par ailleurs, sur la sincérité des chiffres officiels allemands du chômage, et même sur ceux de la croissance. Les emplois précaires, souvent à 400 euros par mois, ne sont pas pris en compte alors que les seniors sans emploi, très nombreux dans un pays vieillissant, ne sont parfois comptabilisés nulle part. A. S.