Aïssa Menadi, qui table sur un retour triomphal à ses anciennes fonctions de secrétaire général du syndicat d'entreprise ArcelorMittal, soutenu par les nombreux ouvriers qui lui sont restés fidèles, s'était autoproclamé porte-parole des travailleurs dimanche 20 mai, avant de prendre d'assaut et occuper le siège du syndicat. D'un ton menaçant et s'adressant, le 22 mai, à près de 200 de ses partisans rassemblés devant ledit siège, il exhiba une plateforme de revendications en 17 points, qu'il comptait soumettre à la direction du complexe pour approbation. La plateforme en question, qui a réussi à mobiliser encore plus d'ouvriers qui y ont souscrit, revendique, entre autres, une augmentation des salaires, une révision des indemnités, l'assiette de calcul de la prime de 45%, l'intégration des 370 travailleurs de la sous-traitance et, surtout, le retrait de confiance au syndicat d'entreprise actuel.Menés par Aïssa Menadi, les travailleurs ont observé un sit-in devant la direction du complexe, qui avait refusé de recevoir leurs représentants. Suite à cela, des menaces avaient été proférées à l'encontre des expatriés français, mais aussi du staff dirigeant algérien, qui n'a pas réagi sur le moment mais qui, le lendemain, ne s'est pas présenté sur les lieux de travail. Hier encore, Aïssa Menadi campait, avec ses partisans, à l'intérieur du complexe, refusant d'évacuer les lieux avant que le syndicat légitime ne démissionne. Dans le courant de l'après- midi de jeudi, une rumeur avait fait état de la démission du bureau syndical, sous la pression des ouvriers. La nouvelle avait circulé au sein de tous les ateliers et unités du complexe. Contacté, le secrétaire général du syndicat, M. Smaïn Kouadria, a nié catégoriquement cette information, affirmant que cela tient de l'intox : «On veut faire croire aux travailleurs que le bureau syndical s'est débiné et a abandonné la lutte, pour faire basculer la masse des ouvriers du côté de Menadi ; cela ne marchera pas, nous avons été élus par les travailleurs, ils ont placé leur confiance en nous et nous ne les lâcherons jamais. Quant à la plateforme de revendications présentée par ce monsieur qui ne fait plus partie des effectifs du complexe, c'est juste un leurre, pour tromper les travailleurs et les amener à le suivre. De toute façon, d'ici dimanche tout sera réglé, la Gendarmerie nationale prendra toutes les dispositions nécessaires pour ramener l'ordre et la sécurité à l'intérieur du complexe. La loi doit être appliquée dans toute sa rigueur et nous y croyons. Sinon, qu'est ce que ça serait si chacun rassemble une soixantaine de personnes et occupe, de manière illégale, les installations d'un complexe aussi important que celui d'ArcelorMittal ?» Dans la soirée d'avant-hier, alors que la situation allait se dégradant, les ouvriers, désorientés par des informations contradictoires, ne savaient plus où donner de la tête. La nouvelle de l'élection de Smaïn Kouadria à l'hémicycle a été annoncée à la Télévision nationale. Ce dernier s'était présenté sous les couleurs du PT, à Guelma, et n'avait pas été élu. Entretemps, il avait introduit, auprès du Conseil constitutionnel, un recours dans lequel il avait dénoncé des dépassements et des irrégularités. L'instance de recours l'a rétabli dans ses droits et a validé son élection comme député à l'APN. Cette nouvelle, qui peut changer la donne dans un sens comme dans l'autre, a encouragé les partisans de Menadi, qui pensent que Smaïn Kouadria va lâcher prise étant, maintenant, député et donc le champ est libre pour qu'ils reprennent en main le syndicat. Pour les fidèles de Kouadria, bien au contraire, cette élection tombe à pic et l'homme aura beaucoup d'influence pour défendre encore plus les travailleurs et, donc, il est temps que les partisans de Menadi déposent les armes et se rangent du côté de la légitimité.Smaïn Kouadria, que nous avons contacté hier, nous a affirmé qu'il n'a encore rien décidé et qu'il réfléchit à la question : «D'ici dimanche, les choses s'éclairciront. Je ne peux pas vous en dire plus pour l'instant.» De son côté, Joe Kazadi, directeur général du complexe sidérurgique ArcelorMittal d'El Hadjar, qui, il y a trois jours, avait quitté l'usine accompagné de tout le staff dirigeant (principalement des expatriés), a adressé, avant-hier, en fin d'après-midi, un message aux travailleurs dans lequel il dit vouloir tenir informés les personnels de la situation qui prévaut actuellement. «Nous sommes confrontés, depuis dimanche 20 mai 2012, à un envahissement de l'extérieur, auquel participent certains salariés de l'entreprise. Cet agissement illégal, qui perturbe le bon fonctionnement de l'entreprise, a donné lieu à des plaintes auprès de la gendarmerie et de la Justice», est-il souligné dans le document, dont La Tribune détient une copie.Le directeur général du complexe, qui revient sur les circonstances qui l'ont amené à plier bagages, affirme ne pas abandonner ses fonctions. «Suite aux menaces proférées par les meneurs du mouvement contre les dirigeants de l'entreprise, locaux et expatriés, j'ai décidé hier de continuer nos activités de management en dehors du complexe, pour une durée limitée, le temps que la situation se normalise», écrit-il. Evoquant le comportement des travailleurs du complexe pendant ces événements, Joe Kazadi a «félicité l'ensemble des directeurs et des salariés, qui ont continué à exercer leurs activités pendant cette période de troubles». A la fin du message, le directeur général prévoit «une reprise normale des activités de la direction dès que la situation le permettra. Pour concentrer toutes nos forces sur la réalisation de nos objectifs», conclut le message.