Robinets à sec en pleins mois de juillet-août. L'année 2012 est difficile pour les jeûneurs. Alger, Oran, Annaba, Bordj Bou Arréridj, Tizi Ouzou, Tipaza, Blida…presque toutes les wilayas du pays connaissent des coupures répétées d'eau. Parfois même, son absence des foyers des jours durant. Cela se passe dans les régions reculées du pays mais aussi dans des endroits bien connus de tous dans les grandes agglomérations urbaines. L'eau minérale, un fardeau ! A la rue Ferhat Boussaâd (ex-Meissonnier), dans la commune de Sidi M'hamed, au cœur de la capitale, tout un bâtiment crie sa détresse. Manque d'air, d'eau…et de considération. Le calvaire au quotidien à cause des travaux de revêtement (ou autre) sur lesquels les habitants sont très peu informés. Des aménagements engagés sur décision des hautes autorités publiques et confiés aux soins des représentants du peuple sans forcément avoir l'accord du peuple. Laisser faire, laisser aller! Quand les autorités publiques travaillent, il ne faut surtout pas les déranger. Elles savent ce qui est bon pour la communauté et elles le font bien. S'il y a désagrément, c'est que c'est un mal nécessaire mais que ça va bientôt passer. En attendant, le quartier est en chantier. Des familles dépensent sans compter pour avoir un minimum de «fardeaux» à la maison. Cette eau minérale qui sert à tout : boire, préparer à manger, prendre son bain, nettoyer le parterre…etc. «Moi, je travaille pour payer les fardeaux d'eau!» lance, sur un ton désespéré, une femme, la cinquantaine, mère de trois enfants, secrétaire dans une petite boîte privée. Une source d'eau à côté ? Non, pas du tout. Alger ce n'est pas la Kabylie. C'est une grande ville, c'est la capitale. De toute façon, les femmes à Alger ne vont pas à la fontaine et ne portent pas de cruches. Ni d'ailleurs en Kabylie depuis bien des années. Cela grâce au «développement» qui a ramené des robinets dans les maisons et de l'eau avec. Quand l'eau arrive à manquer, les jerrycans en plastique font bien l'affaire. Alors un camion-citerne envoyé par l'APC de Sidi M'hamed? La daïra ou un quelconque organisme représentant l'Etat? «Il n'y en a pas. Certains de mes voisins vont en voiture s'approvisionner en eau chez des proches et/ou des amis. Celui qui n'a pas de voiture vide ses poches chez le magasin de l'alimentation générale. C'est tout près de la maison», poursuit la dame, préoccupée davantage par la cherté des prix des produits nécessaires à la préparation de sa table du f'tour. «On dirait que tout est planifié. Tout est fait exprès pour démobiliser les populations à travers le pays. Au lieu de s'investir dans des actions concrètes qui engagent l'avenir de toute la nation, les sujets de la vie présente et les enjeux futurs, l'Algérien passe son temps à faire la queue devant le boulanger, le guichet de l'APC, de la poste…et cerise sur le gâteau, devant le robinet d'eau à attendre quelques gouttes pour un petit stock de plusieurs jours», commente une autre femme, d'un autre quartier à Alger, vivant le même problème et endurant la même souffrance et la même humiliation, selon ses propres dires.
Colporteur d'eau, un métier qui perdure A Aïn Benian, à l'ouest de la ville, les habitants des cités Aadl crient au scandale. Ils suspectent les conduites d'eau de contenir une matière pouvant entraîner le cancer. C'est comme ou pire que l'amiante, pensent-ils. Dans les bidonvilles, ceci est un problème secondaire. Ce n'est même pas un problème, diront certains. Pourvu qu'il y ait de l'eau. Propre ou non propre, c'est à consommer sans modération. Et c'est encore mieux quand elle n'est pas acquittée. C'est cela un bidonville; l'illégalité, l'anarchie et le risque. Tant qu'il n'y a pas où aller. L'Etat, par son laxisme est responsable de cette situation. Les responsables à tout les niveaux n'exercent aucun contrôle et ne font pas respecter la loi, restent dans leurs bureaux, le salaire versé chaque mois sans problème,. Branchements anarchiques et préjudiciable au réseau d'AEP et/ ou aux sources autorisées ou non autorisées, c'est l'affaire des consommateurs. Majeurs et vaccinés, ils assument la responsabilité de leurs actes.A Bordj Bou Arréridj, cité Mohamed Khemisti, bâtiment C. Bientôt quinze jours depuis que le précieux liquide ne coule plus des robinets, au quatrième étage. Elle a déserté les lieux sans prévenir. Ammi Larbi, sexagénaire à la retraite, pense que c'est dû à des travaux au niveau d'un autre quartier de la ville. C'est ce qui se dit à l'APC. Il se laisse convaincre sans toutefois se laisser faire. La situation est trop dure pour être supportée par un vieil homme, en pleine période de jeûne et de chaleurs caniculaires. A la vue de sa femme, plus jeune de quelques années mais tout aussi vulnérable, peut être même malade, et de l'une de ses filles, l'aînée ou la plus jeune, les yeux se remplissent de larmes. C'est l'une ou l'autre, parfois les deux ensemble, qui passent des nuits entières près du robinet. Elles n'attendent pas l'eau, elles la guettent. Un jeu de cache-cache. Au chat et la souris. Une goutte, deux gouttes et puis rien. Au moment de fermer l'œil, une autre goutte annonce son arrivée. A peine l'œil ouvert, l'eau disparaît. «Cette année, le jeûne tombe mal». C'est triste de parler ainsi d'un visiteur (Ramadhan) qui mérite tous les égards, déplore un autre habitant mais «c'est malheureusem ent le cas». Les résidants de la cité Khemisti, dans la commune de Bordj Bou Arréridj, souffrent le martyr. Des camions-citernes sillonnent les quartiers de la ville. A première vue, l'eau est bonne. Les prix sont abordables, c'est selon. Hommes, femmes et enfants à la tâche. Les bidons remplis, la maison rafraîchie, des questions taraudent l'esprit : d'où vient cette eau ? Provient-elle de sources autorisées ou de nappes phréatiques sorties de nulle part et exploitées sans autorisation des services habilités? Un vrai danger pour la santé des citoyens. Peut être que le liquide est le même que celui qui arrivait habituellement dans les foyers avant le début de la crise. En termes plus clairs, les vendeurs d'eau s'approvisionnent à partir des distributeurs de l'ADE, situés en dehors du quartier ou de la ville.
Des vacances ratées pour les émigrés Le malheur des uns fait le bonheur des autres. Dieu en a voulu ainsi, dira un ancien locataire du bâtiment, à la fois avec ironie et désolation. La fatalité pour justifier la démission des responsables en charge du secteur. «Un gagne-pain pour les marchands ambulants. C'est mieux que de se lancer dans des activités frauduleuses ou de rester carrément au chômage», lancera un autre, non sans pointer du doigt les plus hautes autorités de l'Etat. «Drôle de manière de résoudre leproblème du chômage en Algérie !», poursuivra-t-il. Une phrase qui en dit long sur son refus de cautionner une telle «dérive». Une «dérive» qui en engendre une autre : la spéculation. Doublement pénalisés, les habitants de la cité Khemisti crient leur colère et condamnent l'autorité publique : «Les pouvoirs publics doivent assumer leur entière responsabilité dans le désordre et la spéculation entraînés par un tel problème.» Les émigrés sont prévenus. Malheur à ceux qui se pressent de rentrer chez eux, au bled! La phrase est lancée par un résidant d'une ville du Royaume-Uni, installé de longue date, avec femme et enfants. Originaire d'une petite contrée montagneuse de la wilaya de Tizi Ouzou, il est revenu au pays, retrouver les siens et la terre qui l'a vu naître. Le voilà déjà songer sérieusement à reprendre ses bagages et repartir chez lui. Chez lui, c'est ici ou là bas ? il ne sait plus. C'est peut être là bas! Au village, il ne se retrouve pas. Le Ramadhan en pleine canicule, plus ou moins supportable et coupures d'eau pendant des jours, ceci est insoutenable. En 2012, le village est à la traîne en matière de développement. Tout se gère mais pas cette pénurie d'eau qui, selon ses proches, remonte à des années. Pourtant, l'origine du problème est bien connue des citoyens et des représentants des autorités locales. C'est la vétusté des canalisations. Rien n'est fait pour remédier à la situation. Sollicité par des amis et des proches, Belkacem Amarouche, en sa qualité de député FFS, élu de la zone Amérique, Canada et Europe hors France, se retrouve dans l'embarras. Indigné, il affirme: «Je suis consterné par les multiples crises que rencontrent nos concitoyens, particulièrement cette crise d'eau qui sévit dans différentes régions du pays, spécialement Oran, Tigzirt à Tizi Ouzou et au cœur même de la ville de Bordj Bou Arréridj». Et le représentant du FFS et de la communauté algérienne résident à l'étranger de s'inquiéter: «Comment voulez- vous améliorer l'image de l'Algérie, alors que nos concitoyens sur place ou ceux établis en Europe ou ailleurs et qui sont en vacances ne trouvent pas une goutte d'eau dans leurs robinets ? Même si le peuple algérien par son génie trouve toujours des solutions, des réseaux spéculateurs de vente d'eau jaillissent dans touts les coins. Est-ce une méthode pour légaliser un nouveau commerce? Cette eau commercialisée est-elle contrôlée par les autorités sanitaires? » Et notre interlocuteur de relever que «c'est frappant pour un pays si riche comme le nôtre de laisser les choses se faire de cette manière au su et au vu de tous! Je me demande si ce n'est pas une nième manière et façon de gérer la société par la violence!». S'adressant aux pouvoirs publics, il dira: «Je demande aux autorités locales de chaque région en Algérie de prendre les mesures adéquates pour répondre efficacement aux cris d'alarme de nos concitoyens. L'eau est la source de toute vie sur notre Terre-Mère. Cessons de toucher à la vie des Algériennes et des Algériens. Œuvrons ensemble, toutes et tous pour une Algérie heureuse.»
Feux rouges Des cris de détresse et des appels à la sagesse et au travail bien fait fusent de partout. La souffrance des citoyens est grande, celle du pays l'est encore davantage. C'est toute l'image de l'Algérie qui est ternie par ces problèmes qui n'en finissent pas. Des coupures d'eau, d'électricité, absence de gaz dans les foyers, saturation des services de l'état-civil, de ceux des cartes grises…jusqu'à la crise du logement et du chômage pesant. Le pays entier risque l'explosion. Des décisions urgentes, concrètes et efficaces, doivent être prises au plus haut niveau de l'Etat pour prévenir le pire. K. M.