La crise au sommet de l'Etat tunisien ne connaît toujours pas son épilogue. Une semaine après l'assassinat de l'opposant tunisien Chokri Belaïd, la situation semble se compliquer davantage. Le semblant de consensus qui avait été trouvé entre les partis de la troïka, a bel et bien volé en éclat. Le Premier ministre, Hamad Jebali, se cramponne à son gouvernement de technocrates soutenu depuis hier par le parti Ettakatol, présidé par Mustapha ben Jafar, président de la Constituante. Le troisième personnage de l'Etat a affirmé «mettre à disposition du chef du gouvernement» tous les postes ministériels contrôlés par son parti, soit les ministères des Finances et du Tourisme, de l'Education, de la Lutte contre la corruption et des Affaires sociales. «Ça passe ou ça casse, mais nous ne voulons pas que ça casse», a-t-il ajouté, se disant «sûr» qu'Ennahda, qui s'oppose jusqu'à présent à un cabinet de technocrates, «mettra l'intérêt national au dessus des intérêts partisans». En face, Rached Ghannouchi, chef du parti islamiste, soutenu par le Congrès pour la République (CPR) du président Moncef Marzouki, a entrouvert la porte, hier, en proposant un compromis pour que le futur gouvernement allie technocrates et personnalités politiques. «Le gouvernement qui peut sauver la situation dans le pays est un gouvernement (...) de coalition nationale», a-t-il déclaré, insistant cependant pour que le cabinet «représente aussi les forces politiques». Cinquante-huit membres de l'Assemblée nationale constituante (ANC) ont, en revanche, décidé de suspendre leur députation à l'ANC, en attendant la tenue d'une séance plénière consacrée à la discussion de la situation politique dans le pays et l'élaboration d'un agenda politique pour la prochaine période. Ils ont demandé au président de l'ANC de fixer urgemment une date pour la tenue d'une séance plénière dédiée à la discussion de la question de la lutte contre la violence politique, la définition d'une approche claire concernant la formation du prochain gouvernement, la mise en place d'un calendrier précis pour les élections et l'achèvement de la rédaction de la Constitution, la loi électorale, les instances de l'information et de la magistrature. Meherzia Laabidi a assuré que jeudi 14 fevrier 2013 sera une séance plénière afin de discuter de la violence et de la situation politique en Tunisie. Côté enquête, selon l'hebdomadaire tunisien arabophone Akher Khabar, un enregistrement d'une caméra fixée sur le chemin conduisant à la demeure de l'opposant devrait être soumis à la police judicaire. Il pourrait aider à identifier les auteurs de l'assassinat de Chokri Belaïd. Le journal, qui détient une copie de cet enregistrement, affirme qu'une analyse a été réalisée pour déterminer une partie de la vérité au moment des faits. Selon la même source, la caméra a enregistré la présence de 8 voitures faisant le va-et-vient dans la rue menant à la maison du martyr et près de la place où a eu lieu l'assassinat, ainsi que la présence de 6 personnes passant juste à côté de ce lieu et deux personnes portant des tenues de sport identiques faisant de la marche du côté du Monoprix vers la maison du martyr. Le journal ajoute que ces deux personnes sont arrivées au moment des tirs soit à 8 h 9 mn, se sont arrêtées, puis se sont montrées indécises, en avançant et en reculant, avant de s'approcher du lieu de l'assassinat. Le journal a ajouté, dans sa livraison d'hier, quelques autres détails. Des anomalies précédant l'assassinat ont eu lieu comme la coupure de courant électrique dans la rue où habitait le défunt pendant une semaine et à chaque fois que les riverains réclament auprès de la Steg (société tunisienne de distribution du gaz et de l'électricité) les agents interviennent et réparent, mais le courant est de nouveau coupé. La Steg a confirmé à nos collègues ces multiples interventions et le constat de la coupure du câble par un outil tranchant.Par ailleurs, le journaliste Soufiane Ben Farhat a déclaré, hier, sur les ondes de Radio Express FM, qu'il dispose de nouveaux éléments sur l'assassinat du leader Chokri Belaïd, et qu'il les révèlerait ultérieurement. Soufiane Ben Farhat était convoqué, hier, par le juge d'instruction du 13e bureau afin d'être écouté en tant que témoin dans l'affaire de l'assassinat de Chokri Belaïd. Un autre journaliste a été également entendu hier. Il s'agit de Zied El Henni. Ses avocats ont indiqué que Zied El Henni a révélé des informations extrêmement graves concernant cet assassinat et a avancé des noms de personnalités connues dans l'actuel gouvernement. Des accusations qui pourraient lui être fatales. Pour rappel, Soufiane Ben Farhat, avait rendu public la réception, la veille de l'assassinat de Chokri Belaïd, d'un SMS d'un commissaire de police l'informant de l'existence d'une liste de personnes à assassiner. Interrogé sur son intention de révéler au juge le nom de son correspondant, Soufiane Ben Farhat a indiqué qu'il n'en révèlerait jamais le nom car il y va de la vie de sa source. «C'est une question de vie ou de mort pour mon correspondant qui a été déjà menacé de mort», a-t-il dit.