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De la responsabilité du syndicalisme algérien
Otage des hydrocarbures, l'économie algérienne croule sous les scandales
Publié dans La Tribune le 22 - 02 - 2013


Photo : Riad
Par Hasna Yacoub
L'union fait la force. Cette vérité universelle ne s'applique pas seulement au mouvement syndical, mais aucune autre institution n'en dépend plus que les syndicats. La capacité des travailleurs à négocier, promouvoir et défendre leurs droits et leurs conditions de vie et de travail dépend dans une large mesure des opportunités et de leur capacité à se rassembler. La mission fondamentale d'un syndicat est de défendre en toute circonstance les intérêts matériels et moraux des travailleurs, faire contrepoids au pouvoir de décisions patronales et à celui des directions d'entreprises ou d'administrations, quant celles-ci ne sont pas dans l'intérêt du travailleur. Le syndicat doit forcément avoir une vision globale des choses afin de réussir à protéger les intérêts des travailleurs tout en préservant l'outil de travail. Car, le syndicaliste sait qu'il faut investir, produire des richesses et c'est à partir de là qu'il peut récolter les fruits : des augmentations de salaires et de meilleures conditions de travail. Cela est valable dans tous les domaines, même celui de l'Education ou encore de la santé. Eduquer des enfants ou encore sauver des vies permet de préparer les personnes qui produisent les idées et les richesses.
Il s'agit là de la théorie. Quelle a été sa pratique en Algérie ? Le syndicalisme dans le pays a-t-il réussi sa mission ? Les augmentations de salaires ont-elles réussi à amoindrir l'effet des multiples inflations connues par le pays ? Y a-t-il eu une amélioration des conditions de travail ? Une préservation de l'outil de travail et son développement ?
Un état des lieux de l'économie nationale permet de répondre à ces questions : l'Algérie est toujours dépendante du seul secteur des hydrocarbures, elle est passée par une décennie où de multiples entreprises publiques nationales et locales ont fermé leurs portes et de nombreux secteurs porteurs n'arrivent toujours pas à démarrer.
Le mouvement syndical algérien et ce, depuis son apparition jusqu'à ses récents développements, est passé par plusieurs phases, étroitement liées aux conditions historiques dans lesquelles ce mouvement a pris naissance et a évolué. Pendant l'époque coloniale, le mouvement syndical algérien se confondait entièrement avec le mouvement national dans sa lutte pour l'indépendance. C'était le syndicalisme patriotique. Faut-il rappeler que c'estau sein du mouvement syndical que naquit en 1926 le premier parti nationaliste algérien : l'Etoile Nord Africaine (ENA). Le 24 février 1956, un mouvement clandestin a donné naissance à l'Union générale des travailleurs algériens (Ugta). Contraints à l'activité clandestine, plusieurs syndicalistes ont connu la répression. Beaucoup ont connu
l'emprisonnement, la torture et même la liquidation physique dans les geôles coloniales, comme cela a été le cas pour Aïssat Idir après son arrestation au mois de mai 1956. Ainsi, et pour les syndicalistes de 1954, c'est la lutte armée qui remplaçait l'activisme syndical et ce, jusqu'à l'Indépendance nationale.
De 1962 jusqu'au années 80, le syndicalisme patriotique s'est transformé en syndicalisme militant.
Sous le règne du parti «unique», le FLN, l'Ugta est progressivement mise sous contrôle. Elle a acquis le statut d'«organisation de masses» mais sans perspectives syndicales réelles. A partir de 1980, le libéralisme a commencé timidement dans le pays mais l'Ugta en tant que centrale syndicale n'a pas suivie même si les velléités d'autonomie syndicale se sont exprimées à travers le mouvement de réforme que beaucoup de syndicalistes ont mené, mais en vain. Et alors que progressivement la production des entreprises reculait, les pénuries se répétaient et que la crise s'aggravait, l'Ugta continuait à encadrer les travailleurs et surtout à prévenir les conflits. Les travailleurs étaient en plein désenchantement : chômage, licenciements collectifs, pénuries incessantes... Les émeutes d'Octobre 1988 vont donner naissance à un nouveau paysage politique et syndical. La chape de plomb imposée aux syndicalistes a éclaté après 1989, permettant au pluralisme syndical de prendre forme avec l'émergence du mouvement syndical autonome. Même si la division et l'éparpillement de la force collective affaiblissent la position du syndicat, pour le cas du syndicalisme algérien, c'était un mal nécessaire. Mais, la dynamique syndicale qui a vu le jour en 1989 n'a pas réussi à s'orienter vers un projet global des luttes syndicales. Le pluralisme syndical a plutôt favorisé le corporatisme et la structuration verticale.
Manque d'expérience des nouvelles figures syndicales ? Absence de vrais leaders ou est-ce la mentalité des syndicrates qui a refait surface ?
Avec le terrorisme, le syndicalisme est revenu à son attitude patriotique qui l'a caractérisé pendant la guerre de libération. Citant à titre d'exemple la création du Cnsa par Abdelhak benhamouda, avant que ce dernier ne s'engage pour le lancement d'un parti politique social démocrate qui s'est transformé, après son assassinat, en RND.
A cette époque, de nombreux travailleurs ont tenté, au prix de leur vie, de sauver leur outil de travail des flammes du terrorisme. D'ailleurs, sous forme de «coordinations», les travailleurs ont organisé de nombreuses protestations, se démarquant et de l'Ugta et de tout autre syndicat. C'était le début de la défiance des travailleurs de leurs représentants syndicaux.
Des syndicalistes qui au fil du temps ne mobilisaient les travailleurs que pour certaines conjonctures, ne revendiquant à chaque fois que des augmentations de salaires au détriment de l'outil du travail. D'ailleurs même dans la revendication des augmentations,
l'échelle mobile des salaires n'a jamais été avancée ! Les syndicats ne remplissaient plus leur principal rôle à savoir protéger le travailleur et son outil de travail.
La preuve ? Les multiples scandales qui ont éclaté dans les grandes entreprises publiques, les faillites d'autres entreprises causées par les détournements et souvent avec la complicité active (de nombreux syndicalistes ont été au cœur des scandales) sinon passive des syndicats, qui n'ont pas joué leur rôle de garants de l'outil de travail.
En plus quel syndicat en Algérie a fait du développement de son entreprise sa principale revendication en exigeant la mise sur pied d'un laboratoire de recherche et de développement ?
Parce qu'il faut le rappeler, les syndicats doivent avoir aussi des idées pour la sauvegarde de leur outil de travail. Loin de remplir donc réellement leur rôle, les syndicats algériens regardent aujourd'hui passivement l'état des lieux de l'économie algérienne, trébuchante, toujours prisonnière de la seule rente de Sonatrach. Le syndicalisme algérien est donc autant responsable que les pouvoirs publics de la dépendance de l'économie algérienne, un demi- siècle après l'indépendance.


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