De notre correspondant à Constantine Nasser Hannachi
Le pianiste Chucho Valdes a emporté mercredi passé lors de la septième soirée le public de Dimajazz dans son univers, puisé dans l'aria traditionnelle cubaine. Quelques opus de «Border free» ou « Sans frontières», le dernier né du pianiste, ont été interprétés devant une assistance nombreuse qui est venue déguster les percussions et les airs de ce pays. Accompagné de Gaston Joya, contre basse / basse, Yaroldy Abreu Congas, Dreiser Durruthy (Batas et chœurs), Rodney Baretto, batterie, et Reinaldo Melian à la trompette, le pianiste a le sens de l'illimité dans son imagination pour faire éclore des thèmes aux mélodies polyvalentes effleurant les prouesses de compositeurs classiques et les grands standards du jazz, en passant par l'ancestralité. Le tout tolérant et surtout répondant rythme et harmonie. Le résultat est perceptible. Telle son agilité à dominer les douze octaves : accrocher ses auditeurs. Cuba est évoqué sans cesse au cœur de son spectacle. Congadanza , Pilar. Outre quelques titres dédiés à son jeune fils Juliane et à sa grand-mère, joués dans une culture pianistique presque classicisme où l'on ressentait une intervention «discrète» de la batterie. Ce qui ajoutait de l'essence à ces compositions. «La musique rapproche les peuples», devait-il souligner. L'artiste n'a pas omis de rendre hommage à la population nigérienne dont la présence est forte dans son pays. Parfois il glissait des fragments de thèmes standards de jazz comme «Take five» du saxophoniste Paul Desmond. Et pour faire de Cuba et de l'Afrique une véritable entité indissociable, «Afro-cubaine», il invita Aziz Sahmaoui à clore la fête avec un «Abdel» aux rythmes et influences maghrébines. Grand par sa taille, Chucho a livré l'autre grandeur celle de son génie dans ses compositions offertes à Dimajazz. Sa réceptivité et ouverture au monde lui confère toute cette étendue même s'il a vécu le début de son jazz à Cuba. «Je me suis procuré un CD de malouf (un bachraf, selon un organisateur) je vais l'écouter…», a révélé Chucho, qui pourrait bien s'attaquer à un autre registre puisqu'il insiste sur le «Border free». Comme il n'a pas écarté un éventuel projet avec Aziz.
Aziz Sahmaoui, réceptacle des musiques du terroir Festive pleine de variations stylistiques (marocain, gnawa, chaâbi et des airs de l'andalou) que cette ouverture de la soirée par Aziz Sahmaoui et university of Gnawa. L'ex-membre fondateur de l'Orchestre national de barbes (ONB) a tout simplement mis en danse un théâtre plein à craquer. Ce qui vient confirmer l'engouement de la jeunesse locale pour ce genre musical fort prisé. Il a exploré divers styles. Guembri et mandole s'alternaient. Des sonorités purement africaines se propageaient de la «kora», instrument purement du terroir joué dans une intro par le claviériste Cheikh Diallo. Soutenu par une percussion ininterrompue d'un accompagnement à la guitare électro-acoustique signé Hervé Samb, Aziz a chanté des airs Constantinois en faisant des éloges, à travers des improvisations, à la cité millénaire et illustrera un titre de son prochain album. Khat el ma (filet d'eau). «C'est la première fois que je chante ce morceau avant même qu'il ne soit sorti dans les bacs», devait il indiquer au public. Et d'en raconter le thème au cours du point de presse : «J'imagine qu'il existe des terres et des déserts dépourvus d'eau. Si j'avais des ailes pour voltiger et atteindre un nuage pour trouver de l'eau qui soit pure, je m'en servirais pour une ablution avant de prier. Et le vent survint. Je lui demande de transporter ces nuages au Sahara(…)». Une manière de dire, de creuser des puits. «Ma prestation du soir évoque diverses influences qui traduisent les écoles par lesquelles je suis passé. Chaâbi, avec notamment l'influence algérienne qui est présente. Cela donne ces couleurs différentes.» «Il faut toujours ouvrir le circuit des rentes musicales et ne pas le restreindre», a-t-il révélé. «Cette idée de mélanger ces deux cultures, sénégalaise et algérienne, ça fait finalement une force», soutient de son côté le guitariste Hervé, qui s'est donné à fond au point de bousiller son ampli au terme d'un solo electrique ! «Cela fait du bien de voir un public qui réagit à notre musique.» Le violoniste M'kakiche s'est intégré à la formation à la demande du « bon vivant» sur scène, Aziz. Le violon s'est vite adapté à l'ambiance et les solos à l'unisson avec le mandole et la guitare coloraient des interprétations à la forme et aux styles musicaux fusionnés. Mais puisant dans le continent. «Chercher dans sa culture et la travailler. Il existe des recherches à explorer dans notre patrimoine. Dès lors, s'imposeront d'autres investigations dans les styles à appliquer. Rock, jazz,… Quand on connait les deux, on les associe. Quelle joie que le public comprend notre musique.» Ce qui lui tenait à cœur : cette révolution du Jasmin qui a pris les allures d'un rendez-vous manqué ! «Je parle d'un printemps qui n'arrive jamais on l'annonce mais on l'attend.» «J'allais interpréter un morceau qui relate ce rancard raté. Mais faute de temps, on ne l'a pas fait. Mais ce ne sera que partie remise», a-t-il promis. N. H.