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La musique traditionnelle targuie est-elle menacée de disparition ?
Un festival national lui a été dédié pour la première fois à Djanet
Publié dans La Tribune le 27 - 11 - 2008


De notre envoyée spéciale à Djanet
Mekioussa Chekir
Dorénavant, la musique targuie a droit à son propre festival national. Et c'est la capitale du Tassili N'Ajjer, Djanet, qui a abrité récemment la première édition du festival qui lui est dédié. Cette manifestation a eu le mérite, avant toute chose, de mettre en lumière, sur fond de compétitivité, les principaux artistes et troupes exerçant dans les régions à populations targuies, Illizi,
Tamanrasset et Adrar, en l'occurrence. Cette première édition aura aussi démontré un fait : celui de la prédominance du style
moderne sur le traditionnel.
Une tendance qui caractérise en réalité tous les aspects de notre vaste patrimoine culturel, matériel et immatériel. Un fait qui est différemment apprécié par les uns et les autres.
Par ceux qui estiment que tous les styles doivent suivre leur temps et s'adapter aux exigences de l'heure et par ceux qui pensent qu'au contraire il faut que tout héritage ancestral garde ce cachet qui fait justement sa particularité et qui ne doit pas être altéré par les influences qui lui sont étrangères. Une troisième version, qui concilie les deux, ne considère pas mal venus les apports modernes au traditionnel, pour peu que l'âme de celui-ci soit préservée. C'est le cas de ceux qui estiment qu'il faut explorer la voie suivie par le célèbre groupe malien, Tinariwen, dont la notoriété n'est plus à considérer à l'échelle locale ou régionale mais mondiale. «Ce groupe a su comment sauvegarder l'identité de la musique targuie tout en l'adaptant aux exigences rythmiques modernes. C'est ce que devraient s'essayer à faire les nombreuses troupes locales que compte notre Sud», nous dira Ahmed Chakali, lauréat du premier prix d'interprétation lors du concours organisé à l'issue de ce festival. C'est, à sa manière, ce qu'avait aussi réussi à faire le défunt Athmane Baly, de son vrai nom Othmani, qui avait affranchi le patrimoine musical targui de ses limites géographiques originelles.
Et c'est ce à quoi tentent de parvenir ceux qui peuvent sérieusement représenter sa relève parmi les jeunes musiciens de la région de Djanet. C'est le cas de notre lauréat qui tient à travers sa récompense à rendre hommage à l'apport considérable du défunt Baly aux côtés duquel il s'initia et s'abreuva en conseils aussi précieux que judicieux. D'autant plus que Baly a su «réorienter» la musique targuie sans recourir à la guitare électrique qui pèse de ses notes très cadencées sur les autres sonorités traditionnelles. Cet instrument, faut-il le noter, a été introduit en Algérie par les Maliens qui seraient nombreux à figurer dans la composante des troupes représentant notre Grand Sud. Cette nouvelle donne n'est pas sans attirer la majorité de la jeunesse locale en mal d'exutoires et de loisirs, se détournant, du coup, de plus en plus des registres hérités de leurs aînés. D'où la problématique de la sauvegarde de ce patrimoine identitaire. Une question qui a d'ailleurs fait l'objet d'une journée d'étude organisée durant ce festival. «La musique targuie étant de tradition orale, se pose le problème de l'oubli et de la mémoire. Ces musiques se perdent, donc il faut les écrire, mais là il faut faire attention car noter, écrire et transcrire la musique, ce n'est pas comme la parole. La musique est faite de sons musicaux, d'où la difficulté de la mettre sous forme d'images. C'est ça le fond du problème !» peut-on résumer de l'intervention de l'un des intervenants, en sa qualité d'enseignant à l'Ecole supérieure de musique (ESM) de Kouba (Alger). «L'essentiel ne se transcrit pas en fait», ajoute ce dernier qui rappelle que l'outil de notation appartient à une autre culture, citant l'exemple du solfège. Quant à savoir s'il faut impérativement transcrire la musique, notre interlocuteur déclare : «Pas forcément. Il y a d'autres moyens de la sauvegarder, comme l'enregistrement audiovisuel, la diffusion, l'enseignement. Plus on joue cette musique, mieux on la sauvegarde.»
Une organisation hasardeuse
On retiendra de cette première édition une organisation pour le moins hasardeuse que les personnes en charge de ce volet veulent bien attribuer au peu d'expérience en la matière. «C'est la première fois, il est donc prévisible qu'il y ait des manquements à certains niveaux, on tentera de faire mieux à chaque prochaine édition», entendrons-nous nous répéter en guise d'explication de la part des différents responsables locaux. En fait, si l'enveloppe financière a été débloquée pour les besoins de cette manifestation, celle-ci aurait pu être plus réussie si certains aspects, évidents et simples au demeurant, avaient été pris en considération. C'est le cas du lieu choisi pour certaines représentations des troupes qui concouraient. Le comité d'organisation n'a pas trouvé mieux que l'exiguë et suffocante salle de cinéma de la ville pour abriter un monde fou de jeunes qui voulaient à tout prix se déhancher sur les rythmes entraînants de la musique électrique. «Ils auraient pu prévoir cela en plein air, ça aurait arrangé tout le monde», nous dira l'un des habitants de Djanet, habitué par le passé à contribuer à l'organisation de spectacles, de circuits touristiques pour les étrangers… «Nous avons l'expérience nécessaire pour ce genre de choses, ils auraient pu associer les natifs de la région qui la connaissent mieux.» Le chef de daïra nouvellement installé Abdelkrim Benkouider se défend de ces accusations et assure que les concernés ont été consultés. «Il y a toujours des mécontents dans ce genre d'événements», explique-t-il. Autre grief retenu lors de cette manifestation, la composante du jury dont certains membres ne connaissaient pas la langue targuie. «Comment voulez-vous dans ce cas qu'ils puissent évaluer les troupes s'ils ne comprennent pas la langue. Il n'y a pas que la musique mais aussi les paroles à noter», s'indigne, à juste titre, l'un des participants.
Autre mécontent de la manière dont s'est déroulée ce festival, Mohamed Choughli, l'un des noms les plus connus de la jeune génération qui chantent le tindi à Djanet. Il estime préjudiciable la programmation d'une pléthore de troupes modernes en ce sens que la chanson traditionnelle n'a plus la place de choix qu'elle mérite. Cela, même s'il considère que la manifestation en elle-même s'impose dès lors qu'elle représente un espace d'expression et de compétition aussi bien pour les troupes connues que pour les moins connues.


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