Les huit candidats à la présidentielle iranienne passent demain leur premier grand oral lors d'un débat télévisé, sur fond de campagne électorale étroitement surveillée et dominée par la crise économique qui frappe le pays en raison des sanctions internationales. Soupçonné de chercher à fabriquer l'arme atomique sous couvert de son programme nucléaire civil, Téhéran est sous le coup de plusieurs sanctions de l'ONU, renforcées depuis l'été 2012 par un embargo bancaire et pétrolier de l'Union européenne et des Etats-Unis. Ces sanctions ont fait plonger les exportations de brut et perturbé le rapatriement de ses pétrodollars par Téhéran, provoquant une sévère crise économique marquée par une inflation officielle de plus de 30% et par un effondrement des investissements étrangers. Sept conservateurs, dont plusieurs proches du Guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, et deux modérés, et un seul réformateur ont été autorisés à se présenter pour le scrutin du 14 juin. Mais ils sont restés jusqu'à présent vagues sur leurs solutions pour résoudre la crise. Ali Akbar Velayati, ancien chef de la diplomatie, a promis de contrôler l'inflation en 100 jours. Mohammad Bagher Ghalibaf, actuel maire de Téhéran, veut ramener la stabilité économique «en deux ans». Saïd Jalili, chargé des négociations sur le nucléaire et l'un des favoris en raison de sa proximité avec le Guide, veut mettre en place une «économie de résistance». Les candidats font front commun sur le droit «légitime» de l'Iran à l'énergie atomique civile. Mais les tactiques diffèrent sur les négociations avec les grandes puissances du groupe 5+1 (Chine, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Russie et Allemagne) pour réduire l'impact des sanctions. Les échanges pourraient être rudes à ce propos entre M. Jalili, dont l'intransigeance dans les discussions est saluée par les ultraconservateurs, et Hassan Rohani, négociateur nucléaire entre 2003 et 2005. M. Rohani, un conservateur modéré et le seul candidat issu du clergé, a notamment été critiqué pour avoir signé en 2003 un moratoire des activités nucléaires de l'Iran. Les négociations sur le dossier nucléaire sont cependant sous l'autorité directe du Guide, et le prochain président aura peu de marge de manœuvre dans ce domaine. En 2009, la télévision avait organisé pour la première fois des face-à-face entre les quatre candidats. Les débats avaient été houleux, notamment entre Mahmoud Ahmadinejad, qui se présentait pour un second mandat, et les deux réformateurs Mir Hossein Moussavi et Mehdi Karoubi, aujourd'hui en résidence surveillée. Cette année, les candidats devraient répondre à tour de rôle aux questions d'un commentateur. Deux autres débats sont prévus les 4 et 7 juin et chaque candidat a aussi droit à 11 heures d'antenne à la radio et la télévision. Les médias ont déjà rapporté des accusations de censure. Une partie d'un discours télévisé de Mohsen Rezaie, conservateur et ancien commandant des Gardiens de la révolution, aurait été coupée au montage. Il évoquait un homme, dont trois fils avaient été tués pendant la guerre Iran-Irak (1980-88), acculé au suicide par la crise économique. Un commentaire de M. Rezaïe sur les «discriminations ethniques» en Iran aurait également été censuré. La campagne est restée largement cantonnée aux médias, les autorités ayant interdit les rassemblements de rue et dans les principales villes du pays, aucune affiche de campagne ou slogans n'orne les murs. En 2009, les manifestations contre la réélection controversée de M. Ahmadinejad avaient provoqué l'une des plus graves crises qu'a connue le régime, qui avait sévèrement réprimé la contestation. Les candidats semblent aussi bouder les réunions publiques dans le pays, alors que près de 50,5 millions d'électeurs sont appelés aux urnes. M. Ghalibaf est le plus actif avec déjà trois déplacements en province.