Le théâtre va mal. Les différentes tentatives de lui redonner son âme d'antan ont finalement échoué. Un échec que la dernière édition du Festival national du théâtre professionnel a mis à nu de façon éclatante. Un festival qui a coûté des millions de dinars au contribuable a accouché de pièces théâtrales d'une médiocrité «remarquable», que même la ministre de la Culture ne s'est pas privée de critiquer. Est-elle cependant la mieux «placée» pour pourfendre une manifestation culturelle qui n'est que le résultat d'une politique culturelle. La sienne. Le tout-Etat a pratiquement tué le théâtre en Algérie après une période durant laquelle l'aisance financière a donné le sentiment que le renouveau du théâtre était en cours de construction. Le manque de volonté politique de libérer le théâtre en particulier et la culture en général a fini par faire fuir tous ceux capables et susceptibles de donner un plus aux activités culturelles et artistiques. Le travail bâclé a pris le dessus dans une course effrénée à l'argent distribué comme on distribuait l'huile et le café dans les différents Souk el fellah durant les années du socialisme spécifique. Le tout-Etat a embrigadé l'activité théâtrale à un moment où il fallait la libérer au profit de la société. Du mouvement associatif. Les plus naïfs des hommes de culture ont un moment cru que les pouvoirs publics se réappropriaient l'activité culturelle pour mieux la libérer dans une meilleure organisation. Beaucoup d'autres y ont cru. Aujourd'hui, l'on a l'impression que l'Etat va vers le contrôle total de l'activité culturelle. Rien ne peut se faire sans l'Etat et ses démembrements locaux. Ou presque. Certaines associations réussissent tout de même à organiser des activités même quand l'Etat refuse de les aider, mais elles restent rares. Les responsables de l'Etat n'ont pas encore compris que tant que l'activité culturelle, particulièrement le théâtre, n'est pas libérée au profit de la société civile, la médiocrité persistera même avec des milliards à dépenser. A jeter par la fenêtre. L'Etat, qui a ressuscité le théâtre à coup de milliards risque de tuer ce même théâtre parce que ses responsables ne veulent pas lâcher du lest. Il y a sûrement une arrière-pensée politique derrière le verrouillage imposé autour du théâtre. Cette discipline culturelle qui a toujours été considérée comme subversive, risque de «desservir» le pouvoir. Pourtant, pour de nombreux hommes de théâtre et de culture, subversif n'est pas nécessairement anti-Etat, ou même anti-pouvoir. «Même si le théâtre est considéré comme subversif, il n'est pas spécialement contre x ou y. Il joue plutôt un rôle dans l'éveil des consciences», affirme un animateur culturel et associatif, pour qui «il ne peut y avoir de création en dehors de la liberté». Un autre animateur n'a pas manqué de souligner la gestion politique de l'activité théâtrale, reprochant aux responsables de l'Etat en général et à ceux du secteur de la culture en particulier de «ne pas confier la gestion à des professionnels, seuls à pouvoir être percutants dans l'activité culturelle et la création artistique». Cette situation s'applique sur la totalité des wilayas du pays. A Tizi Ouzou, le Théâtre régional Kateb -Yacine de la ville, réhabilité à coup de millions de dinars, reste sans directeur depuis trois longues années. Pourtant, la nouvelle vie de cette infrastructure a bien été entamée par des professionnels à sa tête, notamment Fouzia Aït El Hadj qui a jeté l'éponge quelques mois à peine après l'inauguration de cette infrastructure qui porte le nom d'un monstre du théâtre algérien. Ahmed Khoudi, un autre professionnel spécialisé dans la mise en scène, mais aussi enseignant à l'Institut supérieur des métiers et arts de la scène (Ismas) de Bordj El Kiffan, n'a pas tenu plus longtemps. Depuis, le théâtre régional est sans directeur, les responsables du secteur se contentant de nommer des gestionnaires pour éviter que la structure ne ferme ses portes. Nous avons appris récemment que l'ex-directeur du Théâtre régional Kateb-Yacine, Ahmed Khoudi, s'occupe de la formation de dix comédiens pour le compte de la Ligue des arts dramatiques et cinématographiques (Ladc) de la wilaya de Tizi Ouzou. Selon l'un de ses membres, une école de formation en théâtre a été créée par la Ladc avec l'aide de la Fondation de France, qui a lancé un appel à projet auquel la Ladc a souscrit. Cette association de wilaya a réussi à arracher une aide pour son projet de formation et a jeté son dévolu sur la personne d'Ahmed Khoudi pour mener la formation au profit de dix jeunes (entre 15 et 35 ans) choisis, notammen, dans le monde du théâtre amateur, après un casting organisé par Khoudi himself. C'est ce genre d'initiative qui maintient encore l'espoir quant à une réelle renaissance de la culture en général et du théâtre en particulier. M. B.