La persistance de la crise dans la zone euro et l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels ont eu un impact non négligeable sur les comptes extérieurs de l'Algérie. Le gouverneur de la Banque d'Algérie (BA), dans sa note concernant les tendances monétaires et financières du premier trimestre 2013, fait un constat mitigé et alerte les membres du gouvernement quant à d'éventuelles conséquences si des mesures ne sont pas prises. Pour le gouverneur de la BA, «l'année 2012 a été marquée par un nouveau ralentissement de la conjoncture économique mondiale, lié à l'acuité de la crise de confiance notamment en ce qui concerne la zone euro, malgré un redressement de l'activité économique au troisième trimestre où les pays émergents ont joué un rôle important. La demande extérieure de certains pays émergents et en développement a subi l'effet de la contraction de l'activité dans la zone euro, en situation de baisse des cours des matières premières (hors combustibles). Parallèlement, sous l'effet principalement des mesures non conventionnelles de politique monétaire, le quatrième trimestre 2012 a été marqué par une stabilisation de la situation sur les marchés financiers, alors que la volatilité des taux de change a repris». Dans sa présentation de la situation économique et financière internationale, et malgré le fait que «les indicateurs du premier trimestre 2013 montrent des signes d'amélioration graduelle des perspectives de l'économie mondiale et de la stabilité financière, soutenues par les mesures adoptées au niveau des pays avancés et la forte performance des pays émergents et en développement en contexte de reprise du commerce mondial. Si les banques centrales dans les principales économies avancées ont maintenu leurs politiques monétaires très accommodantes pour soutenir la reprise, en situation de faibles taux d'inflation au premier trimestre 2013, les crédits à l'économie progressent faiblement et les petites et moyennes entreprises font face à des conditions financières difficiles». Aussi, des risques considérables continuent de peser sur les perspectives à court terme de l'économie mondiale, particulièrement au vu de la situation encore difficile dans la zone euro, entrée en récession au premier trimestre 2013, avec des taux de chômage historiquement élevés et à la hausse pour la plupart des pays de cette zone. «Il en résulte des incertitudes en ce qui concerne la consolidation budgétaire dans certains pays de l'Europe, dont il importe d'en minimiser les effets négatifs sur la croissance à court terme. Par ailleurs, il s'agit d'accélérer la ‘‘réparation'' des bilans des banques et des entreprises pour rétablir la croissance du crédit -les crédits aux entreprises se sont contractés récemment-, et d'améliorer l'accès au crédit pour les PME, pour lesquelles le financement bancaire (hors autofinancement) est la principale source de financement», estime le rapport. La situation n'est pas aussi bonne qu'on le pense chez certains pays émergents. «Des risques apparaissent également (…), y compris en relation à la croissance rapide du crédit et des prêts transfrontières, facilités par la recherche de gains dans l'environnement actuel de faibles taux d'intérêt mondiaux.» Aussi, «l'économie nationale qui est à l'abri de la volatilité des flux de capitaux qui affecte certaines économies émergentes, subit l'effet des autres risques pesant sur les perspectives à court terme de l'économie mondiale à travers notamment le prix du pétrole. Sa position financière extérieure reste solide au premier trimestre 2013, malgré l'impact négatif de très faibles taux d'intérêt mondiaux».
Des importations en forte hausse La note de conjoncture, bien que rédigée sans alarmisme, montre une très forte progression des importations et une quasi stabilité des exportations. Ainsi et après le «choc externe» de l'année 2009, une viabilité renforcée de la balance des paiements extérieurs a caractérisé les années 2011 et 2012, portée par le raffermissement du prix du pétrole, dont le niveau annuel moyen s'est établi respectivement à 112,94 dollars/baril et 111,05 dollars/baril, contre 80,15 dollars/baril en 2010. «Le prix moyen mensuel du pétrole a fluctué entre 108,29 et 115,79 dollars/baril au premier trimestre 2013, soit 112,51 dollars/baril en moyenne trimestrielle contre 119,31 dollars/baril au premier trimestre de l'année passée, qui correspondait à un haut en rythme trimestriel». Il aura perdu près de 7 dollars par rapport au premier trimestre de 2012, soit 5,70% avec un «fort recul des quantités d'hydrocarbures exportées (- 8,86%)». En valeur, les exportations d'hydrocarbures se sont contractées de 13,9 % au premier trimestre 2013 par rapport au même trimestre de l'année 2012, reculant de 20,378 milliards de dollars à 17,536 milliards de dollars. La comparaison avec le premier trimestre 2009 fait dire que «cela peut s'interpréter comme un choc pour la balance des paiements extérieurs en 2013». Cette baisse des revenus des exportations impacte «d'autant plus négativement la balance commerciale que les importations de biens poursuivent leur hausse au premier trimestre de l'année en cours». Les importations de biens (12,610 milliards de dollars) ont progressé de 8,6 % au premier trimestre 2013 par rapport au même trimestre de l'année précédente. Cela est dû essentiellement à la poursuite de la forte expansion des importations des biens de consommation non alimentaires (83 %) et à la progression de celles des biens alimentaires (15,1%). Les importations de biens d'équipement industriels, quant à elles, ont reculé de 22%, confirmant la contraction enregistrée en 2012 par rapport à l'année 2011. Une analyse plus fine de la structure des importations révèle une croissance significative des importations des produits pétroliers au premier trimestre 2013, confirmant la tendance haussière des deux années précédentes et qui est fortement corrélée aux importations de véhicules (touristiques, utilitaires et autres). Pour le gouverneur de la BA, il est important de souligner que les importations de véhicules «se sont emballées entre 2008 et 2012». Malgré une baisse des importations de «services hors revenus des facteurs» au premier trimestre 2013 (-10,5%), essentiellement sous l'effet de la contraction de celles au titre des services «bâtiment et travaux publics» (-46,8%) et «services techniques» (-9,7%), le déficit du poste «services hors revenus des facteurs» est estimé à environ deux milliards de dollars. Sous l'effet d'un élargissement du déficit des «revenus des facteurs» et d'une diminution des transferts nets, conjugué à la forte contraction de l'excédent commercial, l'excédent du compte courant de la balance des paiements extérieurs a enregistré une baisse substantielle. En conséquence, et malgré la stabilisation des investissements directs étrangers (nets), le solde global de la balance des paiements est en léger excédent au premier trimestre 2013 comparativement au rythme trimestriel des deux dernières années. Au total, les données de règlement des banques indiquent que les transferts vers l'étranger ont enregistré une hausse globale de 6,7% par rapport au premier trimestre 2012. «Cette situation n'est pas soutenable, d'autant qu'elle constitue une vulnérabilité pour la balance des paiements extérieurs.» En conséquence, le solde global de la balance des paiements est estimé à seulement 0,846 milliard de dollars au premier trimestre 2013, contre un excédent de 4,164 milliards de dollars au premier trimestre de l'année précédente. Avec le flux de réserves et l'effet de valorisation négatif, l'encours des réserves de change (or non compris) est évalué à 189,768 milliards de dollars à fin mars 2013, contre 190,661 milliards de dollars à fin décembre 2012 et 182,224 milliards de dollars à fin décembre 2011. Cependant, la position financière extérieure nette de l'Algérie reste solide. La Banque d'Algérie a poursuivi au premier trimestre 2013 la gestion prudente des réserves officielles de change en mettant de plus en plus en avant le suivi rigoureux et la gestion des risques, au moyen notamment de mesures de prudence appropriées pour préserver le capital des investissements de toute perte. A fin mars 2013, les emprunts publics à 10 ans aux Etats-Unis affichaient un rendement de 1,9%, contre 1,4% pour les titres publics allemands de même maturité. Pour mémoire, les investissements effectués par la Banque d'Algérie dans les titres souverains des pays de la zone euro portent sur les titres les moins risqués, pendant que les dépôts sont orientés plus vers les banques centrales pour endiguer tout risque de contrepartie. Cette «gestion prudente des réserves officielles de change par la Banque d'Algérie contribue à la stabilité financière externe, en contexte de conduite flexible de la politique de stabilisation du taux de change effectif du dinar». Le cours moyen du dinar par rapport au dollar américain pour le trimestre, sous revue, a enregistré une dépréciation de 4,02% par rapport au premier trimestre 2012, soit un cours de 78,1783 DA. Le cours moyen trimestriel du dinar par rapport à l'euro est de 103,2113 DA au premier trimestre 2013, stable par rapport au premier trimestre 2012. Sous l'effet de l'amenuisement du différentiel d'inflation entre l'Algérie et ses 15 pays partenaires commerciaux et de l'augmentation des prix relatifs, le taux de change effectif réel du dinar s'est déprécié de 0,15% en moyenne sur les trois premiers mois de 2013 par rapport à la même période de 2012, et il s'est apprécié de 1,25% par rapport au quatrième trimestre de la même année, après une appréciation de 5,8%, en moyenne annuelle, en 2012. Il reste, cependant, apprécié par rapport à son niveau d'équilibre déterminé en fonction des fondamentaux. Ce tableau de la situation des comptes externes de l'Algérie n'est pas sombre mais contient une série d'alertes. Des alertes que le gouvernement Sellal semble prendre en compte. Une revue de toutes les politiques publiques est en cours. Elle a encore pour but de sortir l'économie algérienne de sa dépendance aux hydrocarbures. A. E.