Le Forum économique international de Saint-Pétersbourg organisé les 20 et 22 juin apporte une promesse qui risque de surprendre : celle d'une amnistie à des milliers d'entrepreneurs russes emprisonnés. Par ailleurs, le forum en question remet en question le monopole de Gazprom en matière d'exportation de gaz russe. Le Forum a entamé ses travaux sur fond de préoccupations suscitées par le ministre russe des Finances, Anton Silouanov, qui avait indiqué vouloir procéder pendant l'été à des achats de devises étrangères pour remplir ses réserves. Les déclarations de Silounaov ont immédiatement fait chuter le rouble et ont fait l'objet d'intenses débats parmi les participants au Forum. Pour sa part, Elvira Nabioullina, nouvelle gouverneure de la Banque centrale de Russie, citée par l'agence Rianovosti, a qualifié de telles déclarations «d'inacceptables» et lourdes de «conséquences négatives». Le vice-chef du gouvernement, Igor Chouvalov, a quant à lui qualifié les propos de M. Silouanov de «fantaisistes». Conformément aux attentes, la stagnation économique a fait le principal sujet de discussions menées dans le cadre du Forum. Le ministre du Développement économique, Andreï Beloussov, a expliqué l'absence de croissance par le niveau élevé des taux d'intérêt et la politique tarifaire appliquée en Russie, ainsi que par le renforcement du rouble. Dans le même temps, les participants au Forum ont été unanimes quant aux moyens de remédier à la situation: selon eux, la Russie n'a pas d'autre choix que de stimuler les investissements dans son économie. Le Forum a apporté une nouvelle, longtemps attendue, aux producteurs indépendants de gaz russes, le président Poutine ayant promis une libéralisation imminente des exportations de gaz naturel liquéfié (GNL), ce qui devrait faire une brèche dans le monopole des exportations de gaz russe détenu actuellement par le Groupe Gazprom. Au total, 102 contrats pour un montant de 9 600 milliards de roubles (près de 220 mds eur) ont été conclus dans le cadre du Forum de Saint-Pétersbourg. Le Groupe pétrolier Rosneft a quant à lui signé un contrat sans précédent portant livraison de pétrole à la Chine évalué à 270 mds usd. La compagnie pétrolière Rosneft a en effet annoncé vendredi dernier qu'elle doublerait ses livraisons de pétrole à la Chine à 600 000 barils par jour, dans le cadre d'un accord dont le montant global est estimé à 270 milliards de dollars (205 milliards d'euros), selon Reuters. L'accord, qui porte sur une période de 25 ans, à partir de la deuxième moitié de la décennie en cours, doit alléger la dette de Rosneft, qui a été accrue cette année par l'acquisition du producteur russo-britannique TNK-BP pour 55 milliards de dollars. «La valeur de l'accord est estimée à 270 milliards de dollars», a annoncé Igor Setchine, Président-directeur général de Rosneft et proche du président russe, Vladimir Poutine, cité par Reuters. Rosneft pourrait obtenir jusqu'à 30 milliards de dollars d'avance de la Chine, premier consommateur mondial d'énergie, selon des sources proches des milieux industriels. Le quotidien économique Vedomosti estime même que ce montant pourrait doubler, se faisant ainsi l'écho de propos de Vladimir Poutine, qui a estimé, jeudi dernier, que l'accord avec la Chine représenterait 60 milliards de dollars. «C'est l'un des éléments de l'accord», s'est contenté de dire Igor Setchine à propos de ce montant, sans s'attarder sur les détails du contrat. Côté politique, et comme cité plus haut, le Forum dont il s'agit a été marqué par l'appel de Vladimir Poutine à décréter avant le 14 juillet prochain une amnistie pour les personnes emprisonnées pour des crimes économiques. Le chef du Kremlin avait rejeté le projet initial d'amnistie présenté par le délégué russe aux droits des entrepreneurs, Boris Titov, le qualifiant de «pas mûr». Amendé par la communauté d'affaires et les députés de la Douma, le projet actuel concernera entre 5 000 et 6 000 entrepreneurs, dont probablement l'ex P-dg du Groupe pétroler russe, Ioukos Mikhaïl Khodorkovski, et son associé, Platon Lebedev, qui pourraient bénéficier de cette amnistie pour les crimes économiques acceptée la veille par le président, Vladimir Poutine, estime le délégué russe aux droits des entrepreneurs, Boris Titov. «Il faut mener une analyse juridique, je ne suis pas en mesure de dire exactement si le fait qu'ils ont été condamnés à deux reprises pourrait empêcher leur libération», a déclaré Titov dans une interview à la chaîne de télévision Russie 24. Titov rappelle que le projet d'amnistie approuvé par le chef du Kremlin concernerait les personnes condamnées pour la première fois. Mikhaïl Khodorkovski et son associé Platon Lebedev ont été arrêtés en 2003 et condamnés en 2005 à huit ans de prison ferme pour évasion fiscale. En décembre 2010, à l'issue d'un second procès intenté pour détournement de pétrole et blanchiment d'argent, cette peine a été portée à 14 ans. Le 24 mai 2011, après avoir examiné l'appel interjeté par les avocats des intéressés, la Cour municipale de Moscou l'a réduite à 13 ans. De nombreux responsables politiques et analystes occidentaux considèrent que les procès contre Khodorkovski et Lebedev sont politiquement motivés, mais les autorités russes rejettent ces affirmations. Amnesty International a reconnu en 2011 Khodorkovski et Lebedev prisonniers de conscience après leur condamnation pour de nouveaux chefs d'accusation. Le projet d'amnistie a été amendé par la communauté d'affaires et les députés de la Douma. C'est un projet qui est acceptable et certains souhaitent que le Parlement l'examine. Et cela serait fait dans les plus brefs délais. Conformément au projet, l'amnistie concernera ceux qui ont commis des crimes dans le domaine des activités entrepreneuriales, mais avaient un casier judicaire vierge, et qui ont remboursé les dommages aux victimes ou sont prêts à le faire, a expliqué un dirigeant russe. Début mai, le délégué russe aux droits des entrepreneurs, Boris Titov, a annoncé son intention de proposer à la Douma de décréter une amnistie à l'occasion de la prochaine Journée de l'entrepreneur, célébrée le 26 mai. Le parti au pouvoir Russie unie a alors soutenu l'initiative de Titov. Cependant, fin mai, Vladimir Poutine a rejeté le projet initial d'amnistie, le qualifiant de «pas mûr». Pendant ce temps, le géant russe, Gazprom continue à étendre ses ramifications en Europe, il a toujours le monopole des livraisons gazières et est en train d'investir dans d'autres créneaux. Le groupe public russe a signé, vendredi dernier, avec l'italien Enel un protocole d'intention en vue d'acquérir sa centrale de Marcinelle, située en Belgique. Le document ad hoc a été signé dans le cadre du Forum économique mondial de Saint-Pétersbourg par le P-dg du géant gazier, Alexeï Miller et le chef d'Enel, Fulvio Conti. La veille de la signature, Conti a fait savoir que l'accord définitif devait être conclu en septembre ou octobre prochain. Gazprom a en outre signé avec EDF un accord portant sur les conditions de base du contrat de livraison du combustible bleu via le gazoduc South Stream. Y. S.