C'est au moment où les partis affiliés à la confrérie des Frères musulmans accédés au pouvoir dans le monde arabe, depuis fin 2011, que leurs représentants en Algérie se mettent à surfer sur la vague. Sans succès. Les islamistes algériens ne manquent pas de dire leur déception sur la place qu'ils occupent dans les institutions du pays. Même l'Alliance de l'Algérie verte, contractée par trois formations islamistes, à l'orée des législatives de mai 2012 n'a pas donné les résultats escomptés. La stratégie s'est avérée infructueuse. Loin de perdre espoir, le courant des Frères musulmans s'est mis, depuis quelques mois, à réunir ses forces pour réussir dans les futures échéances électorales. Sur le terrain, ils font visiblement preuve d'un activisme soutenu. A telle enseigne que, vu sous l'angle des élections présidentielles d'avril 2014, il n'est guère incongrue d'évoquer des efforts combinés dont l'objectif serait les présidentielles du printemps prochain. Pour y arriver, les Frères musulmans veulent combiner des facteurs régionaux et des donnes internes. Sous l'angle régional, il est question de réunir les conditions qui permettrait à un parti de ce courant d'accéder au pouvoir comme cela a été le cas en Tunisie, en Egypte, en Libye et au Maroc. Sur le plan interne, les islamistes, de toutes les obédiences, veulent mettre à profit la disparition de l'Alliance présidentielle que composait le FLN, RND et MSP. Et si on intègre, dans cette configuration, la mise en veilleuse du FLN et du RND, sans directions depuis plusieurs mois, l'on peut dire que les islamistes évoluent sur du velours. Ses militants ne retiennent plus leur optimisme. Ils sont désormais à la conquête des espaces perdus, une bataille dans laquelle les disciples de l'école des Frères musulmans veulent en être leaders. Une ambition qui a débordé, tout récemment, à l'occasion du colloque sur Mahfoud Nahnah organisé à Alger avec la présence de nombreuses figures de cette école. Parmi elles : Rached Ghannouchi, chef d'Ennahda de Tunisie, le Pakistanais Abderachid El-Tourabid, le Koweitien Nour Sanaâ, secrétaire adjoint du Congrès islamique mondial, Oussama Hamdane du Hamas palestinien, Cheikh El-Djabri du Liban, le représentant du parti turc des Frères musulmans… Les Frères musulmans algériens ont tenté, à l'occasion, de vendre l'image d'une famille politique soudée. Plusieurs figures de ce courant prenaient place au premier rang : Mokri, Menasra, Ghoul.. Mais la réalité est tout autre. Car, dans le fond et sans cette hypocrisie politique -les islamistes n'en détiennent pas le monopole-, la réunification des rangs des islamistes ne peut pas signifier plus qu'un vœu pieux. Elle se décline en une chimère que la realpolitik réprouve. A bien y regarder, si la confrérie des Frères musulmans présente aujourd'hui plusieurs sigles, c'est en fait la conséquence d'une série de dissidences et de fractionnements des premiers nés islamistes du multipartisme politique en vigueur en Algérie depuis 1989, à savoir le MSP, présidé par le défunt Mahfoud Nahnah, puis Bouguerra Soltani, remplacé depuis mai 2013 par Abderezak Mokri. Le MSP présente, à ce titre, la force motrice et dérivative d'une très large partie de la mouvance islamiste, qui se reconnait, théoriquement, de l'école de la «modération» inculquée par cheikh Mahfoud Nahnah. A partir de l'ex-Hamas sont nés trois partis politiques venus affaiblir sérieusement l'ancrage et la représentation du parti-père. Le premier à quitter la maison du MSP était Abdelmadjid Menasra, qui a cru en sa bonne étoile loin du parti. Il créa, début 2012, le Front du changement (FC), qui prendra part aux élections législatives de mai de la même année. Les résultats décevants réalisés à l'occasion semblent, a priori, refroidir les ambitions de l'ex-ministre, Abdelmadjid Menasra, revenu à de meilleurs sentiments...Hamasistes. C'était la première dissidence au sein du MSP, qui connaîtra une seconde signée Amar Ghoul, par ailleurs ministre des Travaux publics, soupçonné d'avoir reçu des pots-de-vin et de malversations dans la réalisation de l'autoroute Est-Ouest. Cette fronde est venue néanmoins après les élections législatives dans lesquelles Amar Ghoul avait conduit la liste de l'Alliance de l'Algérie verte (AAV) à Alger, coalition initiée avec El Islah et Ennahda. Au lendemain de cette échéance, Ghoul claqua la porte du MSP pour créer son TAJ (Tajamoua Amel El Djazaïr). Du MSP est né aussi le mouvement El Bina (la construction), lancé par Mustapha Belmehdi, ancienne figure du parti qui bénéficie de l'appui de l'organisation des Frères musulmans à l'international. Mais plus que la multiplication des sigles au sein de la famille des Frères musulmans, certaines figures, pourtant issues de ce courant, se distinguent par le discours qu'ils tiennent en matière d'appartenance idéologique. La palme de l'hypocrisie revient, sur ce registre, à Amar Ghoul, pur produit du MSP, qui, au moment de lancer son TAJ, déclara «la fin des idéologies» et que son parti «n'est pas islamiste». Un triste signal pour la politique ! A. Y.