Le grand écrivain Yasmina Khadra cumule les prix à l'étranger, juste après la clôture du dernier Sila qui s'est déroulé comme les précédents avec son lot de petites péripéties et de grandes censures. Le Festival arabo-africain, lui aussi, a épousé à Tizi Ouzou les rituels administratifs et même diplomatiques. On a consulté les «organisateurs» pour que le jury assure des équilibres entre des pays (Syrie, Sénégal) et une ville Mascara. Et ce n'est pas une de ces blagues qui font une réputation à cette dernière ville. Les autorités locales et des diplomates ont assuré «l'officialité» d'une rencontre à l'origine culturelle. En 2009, nous dit-on, va se créer une zone de libre-échange arabe, non pas des œuvres et des créateurs, mais plutôt celui du commerce. A chaque zone ses impératifs culturels ! Et Yasmina Khadra comme l'immortelle Assia Djebar font bien de garder leurs distances avec les commandeurs des rites administratifs qui tournent en rond en assurant le service minimum pour ce qui est des «activités culturelles». Les commissariats qui dirigent les festivals appliquent un plan de charges, surveillent celui d'une carrière à l'ombre des «tutelles» qui remplissent les pages du Journal officiel sans qu'aucune ombre d'une industrie culturelle ne pointe à l'horizon. De rares films se font au goutte à goutte, et chaque tournage fait déplacer la presse, les médias et des officiels pour donner l'illusion du mouvement, d'une production florissante et largement exportable. Imaginons que l'Algérie rejoigne le trio des plus grands producteurs de films que sont l'Inde, les Etats-Unis et la France. Comment feront les officiels pour honorer de leur présence chaque début de tournage ? Ils n'auront pas une minute à consacrer à leur travail, à leur bureau, sachant que l'Inde produit 800 films et plus par an et que la France en réalise entre 120 et 140, en dehors des productions destinées exclusivement aux chaînes de TV. Les professionnels du cinéma et de l'audiovisuel, dispersés, l'œil aux aguets pour les petites subventions du CNCA qui sont plutôt gérées par la tutelle autour d'un groupe réduit, directement intéressé par l'une ou l'autre de l'activité cinématographique, pour l'apport que peut accorder la chaîne unique, et… pour des accords d'Etat à Etat. Et à ce niveau, c'est la sempiternelle rêverie diurne. Celle-ci part d'une méconnaissance absolue de l'évolution mondiale de la production-diffusion du cinéma. Avec les nouvelles technologies de consommation des œuvres filmées (Internet, DVD, téléphonie mobile…), une production épouse des complexités inouïes pour la répartition des recettes des salles, de la diffusion sur les autres supports, en plus de la traditionnelle sur petit écran. Les derniers accords signés avec la France viennent s'ajouter aux dizaines sur le papier depuis 1962. Dans une économie de marché comme la France, toutes les industries du film relèvent du secteur privé qui n'obéit à aucune injonction gouvernementale. L'intelligence et surtout le travail et l'imagination pousseraient d'abord à générer des PME/PMI privées qui se répartiraient des secteurs d'activité et des implantations géographiques propices aux tournages, à l'implantation des studios, de laboratoires, de sites d'effets spéciaux, de magasins de décors et d'accessoires. Une deuxième étape consisterait à faire naître une institution financière spécialisée dans le financement de films et d'œuvres audiovisuelles qui aurait comme partenaire son équivalent dans certains pays d'Europe et ailleurs, là où existe ce type de banques. Les conventions et accords seraient ensuite signés entre des partenaires privés, avec des commissions de lecture haut de gamme, mixtes selon les pays avec un calendrier de tournage à parité égale ; par exemple, cinq films réalisés en Algérie et cinq autres avec les partenaires signataires. Si les accords et conventions d'Etat à Etat peuvent être nécessaires, ils ne sont pas suffisants pour produire. Ils peuvent être utiles pour la coopération en matière de formation pour la restauration et la conservation des films, l'érection de bunkers spéciaux, de techniques de numérisation, etc. A. B.