La vidéo peut-elle protéger les arbitres de la contestation de joueurs et d'entraîneurs quand il s'agit de valider un but «litigieux» ? La vidéo est-elle une garantie de justice ou le signe d'un renoncement au jugement et à la responsabilité humaine ? Le débat est vieux. Il est devenu persistant depuis la «main de Dieu» de Diego Armando Maradona lors du Mondial mexicain de 1986, au cours de la demi-finale Argentine-Angleterre. Le but de Maradona avait donné raison à ceux qui défendaient l'intégration de la vidéo dans l'arbitrage d'un match de football. Mais pour Sepp Blatter, le président de la Fédération internationale de football (FIFA), il n'y a pas raison de «révolutionner» le mode d'arbitrage dans le football. Le premier responsable de la discipline a été constamment formel. «Les règles du football doivent rester simples, compréhensibles et valables pour le monde entier, donc pas simplement pour une petite élite», soutenait-il. Cette opposition à l'option de réduction du pouvoir de décision dont jouit l'arbitre central n'a jamais été la bienvenue chez les dirigeants des différentes instances de football. Les adeptes de l'arbitrage classique ne veulent pas de technologie dans les décisions de l'arbitre. «L'arbitrage vidéo, même et surtout limité aux actions litigieuses, affaiblirait la confiance entre les joueurs et les arbitres, et l'autorité de ces derniers, réduits au rôle de chambre d'enregistrement des décisions de la machine», font-ils remarquer. Aujourd'hui, la polémique est relancée de plus belle. De grands messieurs du football sont les acteurs principaux du scénario. Michel Platini et Arsène Wenger. Le premier, président de l'UEFA, est fermement opposé à l'arbitrage vidéo. Le second, manager du club anglais d'Arsenal, y est, quant à lui, favorable. Face à la proposition du second d'installer des caméras vidéo pour aider l'arbitre à trancher et éviter de prendre une décision qui pénaliserait une des équipes en compétition, le premier invite les footballeurs à valider un renforcement de l'arbitrage humain. Un arbitrage, deux approches Pour l'ancien meneur de jeu de la Juventus et de l'équipe de France, il serait plus adéquat et judicieux de placer deux autres arbitres assistants pour éliminer tous les soupçons qui entoureraient certaines actions qui se déroulent souvent dans la surface des 18 mètres. Pour Michel Platini, la présence d'un arbitre assistant sur la ligne des 18 mètres –entre le coin du corner et le poteau des buts-, est suffisant pour que la décision la plus juste soit prise. Le reproche retenu contre cette suggestion a trait au champ de vision du gardien de but. Ce dernier serait, estime-t-on, gêné par la présence d'un élément du jeu sur son flanc. Platini est décidément contre un football à deux vitesses. Mais, à bien y regarder, nous sommes bien dedans. Car ne la qualité de l'arbitrage, avec les belles prestations des uns et les maladresses des autres, nous sommes bien loin de la justice du métier. Cependant, l'insistance de Wenger ne manque pas de pertinence dans la mesure où les buts litigieux sont de plus en plus nombreux. Pour le président de l'UEFA, «il s'agit plutôt de trouver une façon humaine pour les résoudre. On est le plus grand terrain de sport avec le moins d'arbitres. Essayons de trouver les moyens humains pour limiter le nombre d'erreurs. Je ne préconise rien. Il y a des tests qui ont été acceptés par l'International Board, comme celui d'essayer un arbitre supplémentaire dans les dix-huit mètres ou à côté. Ils vont commencer à faire des essais. Il faut trouver les bonnes solutions. On prend un drapeau ou pas, on met des oreillettes ou pas, on se met à côté du gardien ou derrière le but. C'est sérieux, ce n'est pas de la rigolade.» Arsène Wenger n'adhérera certainement pas à cette idée. Le match Arsenal-Chelsea fera-t-il changer d'avis Wenger ? Le dernier but litigieux que les footballeurs retiennent en mémoire a été inscrit, caprices de circonstance, par un joueur d'Arsenal, Van Persie, contre Chelsea dans le match phare de la sixième journée du championnat anglais. La vidéo montre que l'international néerlandais était en position de hors-jeu, que l'arbitre assistant n'a pas signalée. Le but a été validé. Si l'option défendue par Wenger était de mise, son équipe n'aurait pas battu Chelsea dans ce qui peut s'avérer comme étant le match de l'année. Wenger se montré convaincu : «Je suis effectivement un partisan de l'assistance vidéo aux arbitres, comme tous les techniciens, et j'estime que l'UEFA a un rôle important à jouer là-dedans. Je suis pour la justice sportive, et l'UEFA doit en être le garant», avait déclaré le technicien des Gunners. Pour Lizarazu, l'ancien arrière gauche des Bleus, «la vidéo paraît être une solution évidente pour juger du franchissement du ballon sur la ligne de but. Mais seulement si l'on doit fixer un cadre à cette assistance technologique. Il me semble impossible de l'utiliser sur l'ensemble du terrain». Pour Jean Damien Lesay, l'auteur du livre A mort l'arbitre, la problématique est plus complexe. Il a estimé que «la vidéo ne va pas les sauver, mais les éliminer». Il ajoute que «la question n'est pas de sauver les arbitres mais le foot ! Le problème de l'arbitre est qu'il aime le pouvoir. Une des solutions serait la collégialité [on y vient d'ailleurs doucement], ce qui a le don d'irriter les arbitres qui verraient alors leur pouvoir diminuer». Parole de supporters A partir des gradins et devant les écrans de télévision, les amoureux et passionnés du football ne manquent pas de livrer leurs avis. L'un d'eux n'a pas hésité à donner à la haute instance de ce sport son opinion à ce sujet : «Je demande comme bon nombre de supporters de clubs de foot, l'instauration de l'arbitrage vidéo. Beaucoup de matches sont touchés par des problèmes d'arbitrage. Même la présence des meilleurs arbitres sur les terrains de foot ne garantit en rien le bon déroulement d'un match. Dans notre ère technologique, tout le monde peut voir les images d'un match à la télé, les ralentis ou même dans les stades, grâce à des écrans géants. Tout le monde, sauf les arbitres, lesquels observent les matches qui sont de plus en plus rapides, difficiles à juger et dont les règles ne sont pas toujours très claires. Comment la FIFA peut-elle laisser cette situation empirer ? Pourquoi la FIFA reste-elle bornée à ne rien changer alors que tout démontre que les matches sont régulièrement faussés par des jugements hasardeux ? Je demande, en tant qu'amateur de football, l'instauration de l'arbitrage vidéo, rapidement, pour que la justice du sport puisse être rendue équitablement», a-t-il écrit. Retenons, en définitive, qu'aucun pays ne peut valablement soutenir qu'il a subi plus d'erreurs d'arbitrage dans l'ensemble de son parcours même lors des grands événements footballistiques. Rappel de quelques cas. L'Argentine a injustement éliminé l'Angleterre en demi-finale de la Coupe du monde 1986. L'Angleterre avait également eu beaucoup de chance, vingt ans plus tôt, face à l'Allemagne, qui avait marqué un but valable mais qui n'a pas été accordé. Cette même Allemagne profitera à son tour lors de la finale de la Coupe du monde 1990, d'un penalty pour battre l'Argentine. Les appréciations de l'arbitre punissent tout le monde. Même avec la vidéo, le meilleur ne gagne pas toujours. C'est ce qui fait le charme de ce sport. Vidéo ou pas, le football se jouera toujours sur des coups du sort. La volonté générale d'instaurer cet outil répond à la rage de maîtriser les aléas de ce sport, d'en faire une science exacte, ne serait-ce que pour les sommes d'argent qui sont investies. A. Y.