Par Amine Echikr La tripartite qui s'est tenue jeudi dernier n'était pas conforme au format habituel. La nouveauté introduite par le gouvernement en invitant, en sus des acteurs habituels, des membres de la société civile, des «experts» et le président du Conseil national économique et social a fait de cette réunion une agora pour tous les avis. Une dizaine de personnes ont eu à intervenir pour expliquer leurs visions, leurs positions et leurs craintes pour l'avenir économique de l'Algérie. Alors que tout le monde pensait que cette Tripartite allait déboucher sur une «charte pour l'entreprise», un «consensus pour l'industrialisation» ou une «feuille de route» pour améliorer le climat des affaires, le gouvernement Sellal a préféré botter en touche et annoncer l'installation de 5 groupes de travail autour de diverses questions qui demeurent posées depuis des lustres. Les 5 groupes de travail auront donc à se pencher sur «le pacte économique et social de croissance», «les modalités de contribution du Fonds national d'investissement (FNI) au financement de l'investissement national public et privé», «l'encouragement de la production nationale, dont le crédit à la consommation pour les produits locaux», «l'encadrement des actes de gestion» et «les modalités facilitant l'intervention des entreprises nationales du Btph dans la réalisation du programme national d'équipement». Rien ne laissait présager un tel dénouement pour cette 15e Tripartite. Dans son discours d'ouverture, le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, a tenu à exprimer le souci du gouvernement de faire de la réindustrialisassion le moteur d'une croissance «forte et saine» préalable à la création de la richesse et de l'emploi. Pour le gouvernement, l'industrie «doit être obligatoirement le moteur d'une croissance forte et saine qui nous permettra de créer de la richesse et notamment de l'emploi durable et participer ainsi au PIB, au moins, à hauteur de 10%». Il fixera d'ailleurs le doublement de la part de l'industrie dans le produit intérieur brut comme un des objectifs que se fixe le gouvernement et constitue «la seule manière de valoriser le potentiel industriel du pays pour pouvoir créer la richesse et l'emploi durable qui sont les garants de la prospérité». Abdelmalek Sellal, qui reconnaît que cette «mission» est difficile, n'a pas réellement ébauché de feuille de route ou une ébauche de la vision gouvernementale pour le faire. Pour lui, la croissance tirée par la dépense publique ne peut pas être viable aussi il pense que doter le pays d'une industrie moderne et compétitive est la meilleure manière pour une meilleure diversification des exportations et réduire les importations. Il estime même que l'Algérie peut faire un saut qualitatif technologique qui permettra de surmonter les retards accumulés depuis quelques décennies. Dans ses réponses aux intervenants, Abdelmalek Sellal aura fait montre d'une pensée décousue et d'une vision non maîtrisée de la chose économique. Selon lui, un proverbe japonais affirme qu'il «n'est pas important de savoir où on va mais l'essentiel réside dans le fait que nous y allons ensemble». Cet adage japonais résume très bien la vision gouvernementale. Le gouvernement sait qu'il faut diversifier l'économie. Il sait également que, pour cela, l'industrie doit prendre sa part. Mais le gouvernement ne sait pas dans quel secteur ni dans quelle filière. L'impression générale était que le gouvernement veut tout faire mais en le faisant faire par les investisseurs privés, publics et étrangers tout en demandant au syndicat de les soutenir en évitant les mouvements sociaux et les grèves. N'étant ni malthusien ni keynésien, Abdelmalek Sellal se dit pragmatique. La doctrine de son gouvernement n'est donc basée sur aucune théorie économique, même si la politique que mène le gouvernement depuis des années est de type keynésien basé exclusivement sur la relance par l'augmentation de la dépense publique. Il dira que la politique qui devra être mise en œuvre est un mix entre la politique de substitution aux importations et celle de promotion des exportations. Un mélange qu'aucun pays n'a pour l'instant tenté mais qui pourrait entrer dans les annales des politiques économiques s'il venait à réussir. Le Premier ministre expliquera également que le développement de l'Algérie se fera avec les hydrocarbures et avec une politique sociale forte. A certaines revendications du patronat, le Premier ministre affirmera que le gouvernement essayera de tout faire pour y apporter satisfaction tout en rejetant les demandes concernant l'annulation du Credoc comme seul instrument de paiement pour le commerce extérieur. Parmi les ministres ayant eu à intervenir en réponse aux préoccupations des patrons, Amara Benyounès, ministre du Développement industriel. Ce dernier affirmera que son département est prêt à travailler sur une dizaine de revendications parmi les plus urgentes mais pas sur 200 mesures. Il expliquera également que son ministère travaille actuellement sur une réforme des statuts de l'Agence en charge de l'investissement et celle du foncier. De son côté, M. Benbada a expliqué les démarches entreprises par son département en vue de moderniser le Centre national du registre de commerce (Cnrc) et le fonctionnement de la Chambre algérienne de commerce et d'industrie (Caci). Il est à noter que les groupes de travail auront à rendre leurs conclusions dans un délai de trois mois, soit courant janvier 2014 en pleine campagne électorale pour la présidentielle. A. E.