«Il ne faut pas trop demander à Ziani qui est l'un des meilleurs centreurs au monde et que je compare à Beckham» L'ancien sélectionneur national, Jean-Michel Cavalli, qu'on a joint hier en début d'après-midi par téléphone, a gentiment accepté de nous faire une large analyse de la participation de l'EN au Mondial sud-africain et d'évoquer avec nous les raisons de l'élimination au premier tour. Il pense que les Verts avaient les moyens de faire mieux et de marquer les esprits. Il estime que des erreurs stratégiques ont été commisses et qui ont fait que l'équipe n'a pas su comment passer aux 8es de finale. C'est d'autant plus regrettable dit-il lorsqu'on voit que l'EN était dans l'un des groupes les plus faibles de la Coupe du monde. Il n'a pas voulu s'exprimer en revanche sur le maintien ou non de Saâdane, préférant laisser le soin aux responsables de la FAF de prendre la décision la plus adéquate. Entretien exclusif aux lecteurs du Buteur. Tout d'abord, quelle évaluation faites-vous du parcours de l'équipe d'Algérie au Mondial sud-africain ? Dans un premier temps, il y a eu confirmation de ce que je pensais de certains joueurs qui ont tenu leur rang comme il le fallait dans cette compétition mondiale. Ensuite, je pense qu'il y a un certain regret à avoir après cette élimination au premier tour, car je reste persuadé que l'Algérie aurait pu faire mieux, d'autant qu'elle était dans un groupe plutôt faible. Il y a eu une belle résistance face à l'Angleterre, mais cela n'a malheureusement pas suffi au final. Ce qui est dommage, c'est que l'équipe a raté son entrée en lice dans ce tournoi, après sa défaite concédée, disons-le, un peu bêtement face à la Slovénie. Dans ce genre de compétition de haut niveau, débuter par une victoire demeure capital. Selon vous, le parcours de l'EN est-il positif ou négatif ? Moi, je dis que c'est toujours une riche expérience que de jouer une Coupe du monde. On y gagne des points positifs, ça c'est évident. Il faut dire que l'équipe algérienne renferme de jeunes joueurs qui ont du potentiel et qui peuvent encore progresser. Cette participation au Mondial va donner aux joueurs justement de l'assurance et de l'expérience qui leur sera très utile. Cela dit, et comme je vous l'ai dit tout à l'heure, je regrette que l'équipe n'ait pas pu aller loin dans cette compétition. On n'a pas vu malheureusement le véritable jeu de l'Algérie qui consiste à jouer court et surtout à aller vers l'avant. En regardant l'équipe évoluer, on a vite senti qu'elle ne jouait, à vrai dire, que pour éviter la défaite, non pas pour décrocher une victoire. C'est vraiment regrettable. J'aimerais ajouter une chose… Allez-y… Quand on a une équipe qui arrive à battre la redoutable formation de l'Uruguay, qui réussit à marquer 3 buts à l'Egypte et 3 autres à l'Argentine, c'est regrettable qu'elle finisse le Mondial avec 0 but d'inscrit. C'est surtout par rapport à tout ça qu'on peut nourrir des regrets. Tout à l'heure, vous aviez dit que l'équipe d'Algérie était dans un groupe plutôt faible dans ce Mondial. Pensez-vous qu'elle était en mesure de passer au second tour, si elle avait osé un peu plus ? Quand on voit aujourd'hui les statistiques, on peut dire que l'Algérie pouvait être la meilleure équipe du groupe. Elle a tellement joué pour ne pas perdre qu'elle a fini à la fin par sortir toute petite. Face aux Etats-Unis, heureusement que le gardien était là. Sinon, l'addition aurait été salée. L'équipe, ce jour-là, a joué trop bas et n'osait pas trop vers l'avant. Il y avait beaucoup de joueurs à vocation défensive dans le onze rentrant et cela, il faut le dire, n'est pas le jeu de l'Algérie. On peut jouer avec des organisations différentes, en 4-4-2, 4-4-3 ou même 5-3-2. Le plus important, c'est d'avoir une animation dans le jeu et de mettre les joueurs qu'il faut pour développer un jeu offensif. Malheureusement, cela n'a pas été le cas. L'inefficacité de la ligne offensive dans ce Mondial s'explique-t-elle selon vous par le manque d'attaquants de très haut niveau dans l'équipe ou bien par le système trop défensif mis en place par le sélectionneur national lors des trois matchs joués ? Je pense qu'il y a des joueurs de talent qui n'ont, malheureusement, pas été utilisés et d'autres aussi qui n'ont pas été alignés à leur véritable poste. Vous faites allusion à quels joueurs plus particulièrement ? A Kadir qu'on a vu jouer lors dans le couloir droit, presque en tant que défenseur, alors que ce n'est pas du tout son poste. Je pense que ce joueur est plus apte à faire jouer l'équipe qu'à défendre. Aussi, un élément comme Zarabi Abderraouf, je pense sincèrement que sa présence aurait beaucoup apporté à l'équipe. Il aurait en fait libéré Belhadj sur son couloir gauche. Ce dernier justement a fait une excellente Coupe du monde, mais il a été obligé de trop courir. C'est dire que s'il y avait eu un joueur expérimenté derrière lui comme Zarabi, Belhadj aurait certainement joué plus à l'aise et aurait été beaucoup plus tranchant dans ses offensives. C'est dommage. Pensez-vous que le 5-4-1 souvent adopté par Saâdane au Mondial était le plus approprié ? Moi personnellement, je respecte les choix du coach. Chaque entraîneur a sa vision de voir les choses. Mais ce que je peux dire, c'est que moi je n'aurais pas joué de cette manière. Quel dispositif auriez-vous mis en place ? J'aurais sûrement joué avec deux attaquants de pointe systématiquement. Maintenant que ce soit en 3-5-2 ou 4-4-2, cela dépendrait des données du match à jouer. Des éléments tels que Djebbour et Matmour étaient trop esseulés devant. Il leur fallait plus de soutien, c'est évident. Les Algériens ont longtemps regretté la blessure du meneur de jeu Mourad Meghni surtout que Ziani n'était pas au mieux de sa forme. Qu'en pensez-vous ? Ecoutez, Ziani est peut-être l'un des meilleurs côté droit au monde. Durant le Mondial, il a été obligé de tout faire et c'était trop lui demander. Je ne dis pas qu'il n'a pas les moyens de tenir ce rôle de meneur de jeu, mais ce qu'il y a, c'est qu'en Coupe du monde, il faut limiter les joueurs à des rôles précis. Karim peut jouer en tant que meneur, mais il faut reconnaître qu'il est plus efficace à droite. C'est comme si on demandait à Belhadj d'occuper le couloir droit, alors qu'on sait pertinemment qu'à gauche, il peut beaucoup plus être utile. Pour l'avoir eu sous ma coupe, je peux vous assurer que Karim est l'un des meilleurs centreurs au monde. Il me fait penser à Beckham et je ne rigole pas. Quand ce dernier est allé au Real Madrid, il y a quelques saisons de cela si vous vous rappelez, l'entraîneur d'alors a voulu au départ le faire jouer au milieu du terrain. Mais le joueur n'a finalement pas réussi à bien tenir son rôle. Il s'est retrouvé donc sur le banc, alors qu'il était le meilleur centreur de la planète. Tout ça pour dire qu'on ne doit pas trop demander à Ziani. Quels sont les joueurs algériens qui vous ont le plus impressionné durant cette Coupe du monde et ceux qui vous ont déçu ? Je ne parlerai pas des joueurs qui m'ont déçu. Je vais me contenter de citer les éléments qui ont, à mon sens, fait un bon tournoi. Il y a Anthar Yahia, Bougherra, Belhadj, Matmour, Ziani. Je regrette aussi que Kadir n'ait pas joué dans son véritable registre, car il aurait sans doute fait grosse impression et donné une impulsion offensive à l'équipe. La surprise de l'équipe d'après-vous ? La grande surprise, s'est incontestablement le gardien M'bolhi qui a fait vraiment bonne impression au cours des deux matchs qu'il a joués. Je dois avouer qu'au départ, je ne le connaissais pas du tout. Pensez-vous que cette sélection algérienne a une marge de progression devant elle ? Oui, énormément. Elle est encore jeune, elle a de l'avenir et peut encore progresser. Avec le retour de certains anciens joueurs comme Hameur Bouazza, Amri Chadli et autres, l'Algérie deviendra encore plus forte, c'est certain. Justement, pensez-vous qu'il est nécessaire que de nouveaux joueurs intègrent la sélection à l'avenir ? Il faut toujours s'appuyer sur une assise de joueurs expérimentés qui ont fait une bonne Coupe du monde. Mais il faudra penser à ramener les nouveaux talents qui émergent pour viser le Mondial 2014. Vous savez, l'équipe d'Algérie d'aujourd'hui n'est pas celle que j'ai connue. A mon époque, il m'a fallu tout rebâtir. Là maintenant, la sélection algérienne a une image de marque à défendre et de plus, les gros moyens financiers existent. Les joueurs sont à présent beaucoup plus intéressés par l'Equipe nationale. Je me souviens qu'il m'avait fallu aller chercher des joueurs aux quatre coins du monde et user de beaucoup de diplomatie pour les convaincre de venir. Des éléments comme Matmour, Chadli, Bouazza et autres, je me souviens les avoir ramenés en sélection, alors que beaucoup ne les connaissaient pas. Peut-on dire alors que cette participation de l'Algérie au Mondial, c'est aussi le fruit de votre labeur, vous qui aviez drivé cette sélection avant Saâdane ? Non, on ne peut pas analyser les choses sous cet angle. Je suis très attaché à cette sélection parce que les garçons à qui j'ai donné la chance par le passé ont prouvé aujourd'hui que je ne me suis pas trompé sur eux et qu'ils ont réellement du potentiel. Je suis attaché à cette sélection aussi, car elle a un public en or qui reste le meilleur au monde en compagnie de celui de l'Argentine. Il est toujours derrière son équipe et fait tout pour la pousser à la victoire. Les supporters algériens sont extraordinaires et on ne doit pas oublier leur apport. Face à l'Egypte à Khartoum, c'est grâce à eux essentiellement que les Verts ont pu avoir cette hargne pour se qualifier au Mondial. Actuellement, le débat fait rage en Algérie concernant celui qui prendra en main la sélection nationale. Pensez-vous qu'il serait préférable de garder Saâdane ou de ramener un nouveau coach ? Ecoutez, moi personnellement, je n'ai pas d'avis à donner là-dessus. Ce que je peux faire, c'est de faire mon analyse par rapport à ce que j'ai vu en Coupe du monde, voilà tout. Les responsables qui sont à la tête de cette sélection savent ce qu'ils font et c'est à eux que revient le dernier mot. Pour permettre à l'Algérie d'intégrer la cour des grands de manière régulière, pensez-vous qu'il y a nécessité de lui ramener un entraîneur étranger ? Vous m'excuserez, mais je ne pourrais pas vous parler de cela. Ça me dépasse et ça ne me concerne pas. C'est aux dirigeants du football algérien de voir. Cela dit, je voudrais signaler une toute petite chose. Allez-y… Au fait, ce que je regrette, c'est qu'actuellement, on ne voit plus de joueurs du cru dans la sélection algérienne. Les joueurs du championnat local disparaissent et ne se font plus appeler en EN. C'est vraiment dommage. Lorsque j'étais le sélectionneur, je me souviens avoir fait appel à Deham et je pense que dans cette Equipe nationale actuelle, il manque un joueur du Mouloudia d'Alger. Vous parlez de quel joueur plus précisément ? Non, je ne vise pas un joueur en particulier. C'est juste que je trouve anormal que le MCA, champion d'Algérie, ne dispose d'aucun joueur en sélection. C'est vraiment bizarre. Concernant votre avenir à présent, allez-vous continuer votre aventure avec Nîmes Olympique cette saison encore ? Cette saison oui, certainement. Je compte terminer le travail que j'ai entamé depuis quelque temps maintenant et après on verra. On terminera par cette question. Supposons que la FAF vous propose de revenir travailler en sélection, accepteriez-vous le challenge ? Je répondrais par la même réponse que j'avais donnée aux responsables algériens lorsque j'étais parti : «Je ne tournerai jamais le dos à l'Algérie».