«Je n'ai jamais pensé que les joueurs allaient mettre à exécution leurs menaces.» «Voilà le rôle qu'a joué Eto'o dans cette histoire.» Depuis l'annulation du match Algérie-Cameroun pour une histoire de prime de présence exigée par les Lions Indomptables, les Camerounais se sont retenus de faire des commentaires, excepté ceux faits par les coéquipiers de Samuel Eto'o et la Fédération camerounaise de football dans lesquels chacune des deux parties expliquait sa position. Ce n'est qu'hier que nous avons pu avoir le premier son de cloche venant du Cameroun, celui du sélectionneur en personne, Denis Lavagne. Celui-ci a bien accepté de revenir avec nous sur cette journée du 14 novembre qui a vu l'annulation du match amical face à la sélection algérienne. Il a tenu à nous relater ce qui s'est passé ce jour-là au Palmeraie Golfe Hôtel qui a servi de tanière aux Lions Indomptables, à l'occasion du tournoi de Marrakech. En tant que premier responsable technique de la sélection camerounaise, comment avez-vous réagi à l'annulation du match face à l'Algérie prévu mardi passé à Alger ? Tout d'abord, je dois dire que j'ai regretté que cette rencontre ait été annulée. Je ne vous cache pas que sur le plan sportif, j'aurais bien aimé que mon équipe dispute ce match. Comme chacun le sait, je viens de prendre la sélection nationale et mon souhait est de disputer un maximum de matchs pour me faire une idée précise sur l'ensemble de mon groupe. Je ne vous cache pas que j'avais une très belle opportunité de pouvoir jouer trois matchs successifs, deux dans le cadre d'un tournoi international, celui de Marrakech, et un troisième face à l'Algérie. Malheureusement, cela n'a pas été le cas pour des raisons que tout le monde connaît. Je profite de cette occasion pour présenter en mon nom personnel et celui de tous les membres du staff technique mes excuses à l'ensemble des Algériens. Vous évoquez un problème que tout le monde connaît, vous faites allusion à cette histoire de prime de présence exigée par vos joueurs, vous confirmez que c'est ce qui a poussé vos joueurs à refuser de jouer ce match contre les Algériens ? Je le confirme, tout a tourné autour de cette prime de présence que les joueurs ont exigée auprès de la Fécafoot. Vous qui étiez au cœur de l'événement, que s'est-il passé exactement en ce lundi 14 novembre, au Palmeraie Golfe Hôtel ? Comme je l'ai dit, déjà dans la matinée de cette journée, on avait commencé à parler de cette histoire de prime de présence. Il semblerait que les joueurs ont exigé cette prime au début du tournoi de Marrakech, non pas spécialement pour le match face à l'Algérie. Mais ne voyant rien venir, mes joueurs n'étaient pas contents que les responsables de la Fécafoot n'aient pas tenu leurs engagements. Ce problème n'ayant pas été réglé, ils ont jugé qu'ils étaient en droit de menacer de ne pas jouer ce troisième match amical contre la sélection algérienne. Finalement, cela n'est pas resté au stade de simples paroles puisque les joueurs ont mis à exécution leurs menaces ? Les discussions étaient au départ très sereines et tout se passait dans une bonne ambiance. Rien n'indiquait que les joueurs n'allaient pas jouer ce match. Je ne vous cache pas que j'ai été le premier à être étonné de leur décision de ne pas faire le déplacement à Alger. J'ai été tout simplement choqué par cette décision. Je ne m'attendais jamais qu'ils allaient opter pour l'annulation du match. Pourquoi un tel étonnement ? Je vous le dis, je n'ai jamais pensé que ce match face à l'Algérie ne se jouerait pas. Je pensais que les joueurs allaient juste faire durer le suspense pour montrer aux dirigeants qu'ils étaient mécontents et que certaines choses devaient changer en sélection. Les joueurs étaient d'ailleurs bien concentrés sur ce match qu'ils ont préparé avec le plus grand sérieux. Cela se voyait lors de la séance d'entraînement que nous avons effectuée la veille. C'est dire que rien ne présageait une telle issue. Nous nous sommes entraînés le plus normalement du monde. Autrement dit, nous étions décidés à affronter la sélection algérienne. J'avais même fait une déclaration au journal L'équipe dans laquelle j'avais affirmé que nous allions partir pour Alger. Que s'est-il passé par la suite ? Comment expliquer la radicalisation de la position des joueurs, alors qu'une somme d'argent leur a été débloquée de la part des autorités camerounaises ? En toute franchise, je n'ai pas pris part aux négociations entre les joueurs et les membres de la Fécafoot. Je ne sais pas trop ce qui a été dit durant ces réunions. Je ne vous cache pas que c'était un moment difficile pour nous les membres du staff technique, car nous étions pris entre deux feux : d'un côté il y avait des joueurs déterminés, et de l'autre côté, les responsables du football camerounais. Au début, on comprenait la revendication des joueurs car cette prime leur a été promise. Mais par la suite, je ne sais pas pour quelle raison leur position s'est radicalisée. Ce que nous n'avons pas compris nous les membres du staff technique. Vous estimez donc qu'ils sont allés trop loin… Oui, refuser de jouer un match, je trouve que c'est un peu exagéré. Une chose pareille est intolérable, vous en convenez, n'est-ce pas ? Oui, c'est sûr, je suis totalement d'accord avec vous. Je comprends parfaitement la désillusion des Algériens qui ont été pris de colère. Je ne peux que réitérer nos excuses aux Algériens. En tant que sélectionneur, avez-vous tenté de raisonner vos joueurs ? Bien évidemment que nous avons tenté de discuter avec les joueurs pour que la raison l'emporte, mais après on a laissé les choses se faire entre eux et les responsables qui étaient avec nous. Ces derniers ont tout tenté pour régler ce problème, en vain. J'ai été beaucoup plus spectateur qu'acteur. J'avais vraiment bon espoir qu'on allait jouer. Et Samuel Eto'o dans tout ça, certains disent que c'est lui qui tirait les ficelles ? Vous savez, sélection camerounaise rime avec Samuel Eto'o. Ce qui est tout à fait normal car c'est le joueur le plus important, le leader du groupe. Comme je vous l'ai dit, je ne sais pas ce qui s'est passé réellement lors des réunions entre les joueurs et les responsables. Je ne peux donc pas dire quel rôle a joué Eto'o dans toute cette affaire. Je sais seulement qu'en sa qualité de capitaine d'équipe, il avait le rôle d'intermédiaire. Mais je pense que ce sont tous les joueurs qui ont été solidaires. Ce n'est pas l'oeuvre d'un seul joueur. Il paraît que lui et le trio Makoun-Kameni-Song étaient les meneurs de la révolte ? Ces joueurs ont représenté le groupe, car ce sont les capitaines de la sélection nationale. Je ne dirais pas que ce sont les joueurs les plus radicaux du groupe. On dit aussi qu'il y avait des clans au sein de la sélection camerounaise… Je n'ai jamais ressenti une chose pareille durant tout le tournoi de Marrakech. Au contraire, il y avait une bonne ambiance, les joueurs ont bien travaillé, ils étaient motivés à gagner ce tournoi avec l'art et la manière pour ensuite se préparer pour affronter l'Algérie. Allez-vous sanctionner certains de vos joueurs ? Non, ce n'est pas mon rôle. Il y a un problème entre les joueurs et la Fécafoot. De mon côté, je n'ai rien reproché aux joueurs qui ont eu un comportement exemplaire durant le stage. On imagine que vous allez mettre la pression sur la Fécafoot pour régler ce problème ? Oui, voila ceci prioritaire. On doit revoir certaines choses sur le plan organisationnel, la logistique et le cadre de vie de la sélection pour éviter qu'une chose pareille se reproduise. Un dernier mot à ce sujet ? Je suis désolé pour les Algériens et pour le football camerounais. -------------------------- Le gouvernement camerounais demande des têtes Le coup de tête des Lions Indomptables a fait trembler tout le Cameroun. La «Haute Hiérarchie», comme il convient de l'appeler et qui est réputée avoir des lenteurs de toutes sortes, demande la tête de ceux qui ont sali la réputation du pays. C'est pour voir plus clair que le ministre des Sports, Michel Zoua, lui-même sur une chaise éjectable, a convoqué hier une réunion. Dans le lot des messages de soutien qui parviennent aux joueurs, David Mayebi, président du SYNAFOC, Syndicat national du football camerounais, a adressé une lettre de soutien au capitaine des Lions Indomptables, Samuel Eto'o.