Des tickets de stade pour l'Euro achetés par Internet L'Euro a fait des heureux. Pas en Europe seulement. En Algérie même. Selon des informations concordantes obtenues auprès de quelques Algériens vivant en Pologne et en Ukraine, des compatriotes ont profité de ce grand événement européen pour se faire la belle et tenter une émigration clandestine. Ils n'ont utilisé ni des barques ni des passeurs, encore moins de faux documents. Même si leur objectif inavouable est la «harga», ils ont agi de manière tout à fait légale. Des tickets de stade pour l'Euro achetés par Internet L'astuce ? Tout simplement s'offrir une «clef» d'entrée : un ticket d'entrée à l'un des matches de l'Euro-2012. En cette ère de technologie, il n'est plus besoin d'acheter le ticket à un guichet dans la ville où se déroule le match. L'Internet a tout réglé puisqu'il est possible d'acheter des tickets en ligne, avec une carte bancaire. On peut le faire soit sur le quota réservé aux «spectateurs» (il y a toujours une partie de la billetterie qui est vendue à un public neutre, en plus des quotas réservés aux supporters des deux sélections concernées par le match), soit sur celui des supporters en procédant à l'achat en deuxième main. Pour la carte bancaire, et vu que ce procédé de paiement en est à ses balbutiements en Algérie et qu'il n'est pas encore popularisé, le postulant a recours généralement aux services d'un Algérien résidant à l'étranger pour se faire acheter et acheminer le ticket en Algérie. Les ambassades ne pouvaient pas refuser les visas Des dizaines d'Algériens ont tenté le coup et il y en a plusieurs qui ont pu acheter des tickets d'entrée à des matches du premier tour de l'Euro. Munis de ces tickets, ils se sont présentés aux ambassades de Pologne et d'Ukraine, suivant le pays de domiciliation du match, pour se faire délivrer un visa en toute légalité. Quand le dossier est réglementaire et que les postulants ne se sont jamais vu refuser un visa par le passé, les services consulaires des ambassades ne peuvent qu'octroyer le visa d'entrée. Pour ceux dont les tickets correspondent à des matches en Pologne, c'est du pain béni : ils sont envoyés directement dans un pays de l'espace Schengen, donc avec la possibilité, sans contraintes et sans contrôles aux frontières, à rejoindre l'un des pays d'Europe occidentale considérés, à tort ou à raison, comme étant des Eldorados : l'Allemagne, l'Italie, la Suisse, la France, l'Espagne... D'Ukraine, il est aisé de traverser la frontière pour rejoindre l'espace Schengen Pour ceux ayant acquis des tickets de matches se déroulant en Ukraine, ils ne perdent pas beaucoup au change, sinon l'obligation de faire un petit détour. En effet, même si ce pays n'appartient pas à l'espace Schengen, il sera aisé aux candidats à la «harga», profitant de la densité de la circulation des personnes entre l'Ukraine et la Pologne en raison de l'Euro, de traverser la frontière sans trop se faire remarquer. Dans cette affaire, il n'y a absolument rien à reprocher aux représentations diplomatiques de la Pologne et de l'Ukraine, en Algérie, car elles ont délivré les visas dans le respect de leurs législations respectives, tout comme des représentations diplomatiques polonaises et ukrainiennes en ont de même avec des détenteurs de billets d'entrée partout dans le monde. Les 5 000 euros de réserve exigés par l'ambassade n'ont découragé personne D'ailleurs, pour prendre l'exemple de l'Ukraine, son ambassade en Algérie a pris les précautions qui s'imposent en exigeant de chaque postulant d'emporter avec lui une réserve de 5 000 euros comme garantie de couverture des frais de séjour pour un mois, histoire de décourager les aventuriers. Seulement, cela n'a fait qu'arranger ceux qui projettent de ne plus revenir car il faut toujours prendre avec soi un «fonds de roulement». Pour la précision, ce ne sont pas tous les jeunes Algériens ayant pu acheter des tickets pour l'Euro qui ont fait la «harga». Il y en a qui sont partis réellement pour voir des matches, se faire plaisir dans cet événement et rentrer en Algérie par la suite. En 2000, c'était la même chose à l'occasiondes JO d'Athènes Cette émigration clandestine sous couvert d'événement sportif ne constitue pas une première. En effet, en 2000, il y a eu également une «harga» massive via la Grèce à l'occasion des jeux Olympiques qui s'étaient déroulés à Athènes. Le gouvernement grec ne pouvait tout de même pas empêcher des Algériens d'assister aux jeux ! Eh bien, ils y ont assisté, notamment au sacre de Benida Nouria-Merah, qui avait remporté une médaille d'or, mais avaient décroché le sésame d'or : un visa légal. Cela remonte à 12 ans et il y en a qui ne sont jamais revenus, alors que certains d'entre eux ont pu, avec le temps, régulariser leur situation. C'est, d'ailleurs, à partir de là que la Grèce a durci ses conditions d'octroi de visas aux Algériens et que les autorités des pays de l'Europe de l'Ouest ont enjoint ce pays de resserrer les contrôles à ses frontières. L'Ukraine comme alternative à la Turquie et au durcissement de l'octroi des visas Payer une moyenne de 75 000 DA pour un billet d'avion et 30 000 DA pour obtenir le visa de l'Ukraine pourrait paraître un investissement lourd, mais ce n'est rien devant le fantasme du jeune Algérien de vivre «là-bas». Cela d'autant plus qu'il est devenu de plus en plus difficile pour de jeunes étudiants ou des jeunes sans emploi d'obtenir un visa Schengen. Même la Turquie, une destination prisée par les Algériens moitié pour tourisme ou le business et moitié pour la possibilité d'en faire un tremplin pour passer vers l'espace Schengen en rejoignant la Grèce, a durci sa procédure et ses contrôles aux frontières, surtout depuis que la Grèce est secouée par une crise économique qui pousse ses ressortissants à l'émigration clandestine. En somme, l'Euro-2012 a été une aubaine que certains ont su saisir. En attendant une autre opportunité : les jeux Olympiques de Londres dans un mois...