«Quand j'entendais les «Zekrinho, Zekrinho» fuser dans le stade, j'en avais la chair de poule !» Vous êtes en Italie, comment se déroule pour vous ce mois de Ramadhan ? Je suis à Milan auprès de ma petite famille et tout va pour le mieux. Il est vrai que je ressens un peu de nostalgie. Combien de mois de Ramadhan avez-vous passé en Italie ? Celui de cette année est le 23e. Je me suis habitué car je me suis installé en Italie très jeune. Rien ne me manque dans ce pays qui m'a adopté. Il y a des mosquées et tout ce qu'il faut ici pour accomplir son devoir de bon musulman. Arrivez-vous à supporter le jeûne ? Le jeûne peut influer sur tout le monde, sauf sur Zekri. Je ne fume pas, je ne veille pas et j'évite tous les abus. Calme ou nerveux ? Très calme, même si, quand je suis en Algérie, il m'arrive de perdre mon sang-froid. Ici en Italie, je suis loin des racontars. Je suis même arrivé à ne pas lire les journaux pour être totalement déconnecté. Fainéant ou actif ? Très actif même. Je suis, comme l'a recommandé le Prophète Mohammed (que la paix et la bénédiction de Dieu soient sur lui), très actif durant le mois de Ramadhan. Vous est-il arrivé de vous disputer durant le mois de Ramadhan ? Cela ne m'est jamais arrivé. Je me répète que je jeûne et que je dois garder mon calme. Cela marche à tous les coups. Est-ce que vous avez assisté à des scènes de bagarre en Italie ? Pas du tout. Ce pays diffère totalement du nôtre en ce qui concerne les mentalités. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, les gens sont très calmes. Vous ne verrez jamais des scènes de bagarre ou de la violence gratuite comme c'est malheureusement le cas chez nous. Qu'est-ce qui vous manque le plus, en ce mois de Ramadhan ? Mes proches et mes amis. Flâner dans les rues d'Alger, surtout du côté de Bab El Oued pour y rencontrer les Chnaoua. Je veux aussi revoir le quartier Langar de Sétif. Et le terrain ? Cela me manque terriblement. Je suis un technicien qui aime passionnément son métier. J'ai eu cette année des offres, mais ce n'est pas exactement ce que je voulais. J'espère que dans les jours qui viennent, je serai sollicité par le président d'un grand club qui soit à mon niveau. Quels sont les clubs qui vous ont sollicité ? Surtout de l'étranger. Je n'ai eu qu'un seul contact avec un club algérien. Des gens malintentionnées ont fait capoter les négociations avant qu'elles n'aboutissent. Je pense avoir fait jusque-là consciencieusement mon travail. C'est peut-être cela qui a déplu aux gens. A quel âge avez-vous jeûné pour la première fois ? J'avais 10 ans et je vivais à Batna. Y-a-t-il, dans votre famille, un rituel quand un enfant jeûne pour la toute première fois ? Pas spécialement. Seulement, après sa première journée de jeûne, ma fille, qui était alors âgée de dix ans, a reçu des cadeaux. Je ne me souviens pas avoir eu autant de chance qu'elle. Il faut dire que, pour ma famille, les temps étaient difficiles. Vous est-il arrivé de rompre le jeûne avant l'appel de l'Adhan ? De façon délibérée et volontaire, jamais. Cela m'est arrivé une ou deux fois, mais c'était par totale inconscience. En quelle occasion ? J'entraînais l'équipe de l'ESS et nous nous sommes déplacés au Zimbabwe pour y rencontrer l'équipe du Dynamos en match de poules pour le compte de la Champions League africaine. Le match était programmé à 14 heures. Il faisait une grande chaleur avec un taux d'humidité très élevé. Au retour des vestiaires lors de la pause, j'ai eu une réaction étonnante. Laquelle ? Un de mes joueurs m'a fait la réflexion suivante : «Cheikh, t'es-tu rendu compte de ce que tu as fait ?... Tu viens de vider une bouteille d'eau minérale !» Qu'avez-vous dit à vos joueurs après cela ? Tout simplement que c'était la volonté de Dieu. Il n'y avait pas de quoi s'affoler. J'ai continué à jeûner normalement jusqu'au soir parce que mon geste était totalement involontaire. C'était mon tout dernier match à l'ESS et peut-être que ce qui s'était passé ce jour-là était tout simplement un signe de Dieu. Vous arrive-t-il de faire le marché ? Assez régulièrement car c'est moi qui fais les courses pour les besoins de la maison. Y a-t-il ce tout ce qu'il faut en Italie ? A Milan, nous avons tout ce qu'il faut. Seulement, il manque une chose très importante et incontournable en ce mois de ce Ramadhan. Laquelle ? Le kalbellouz et pas n'importe lequel, celui de Bab El Oued. On m'en a ramené de Marseille mais ça n'a rien à voir avec celui d'Alger. Après avoir lu cet entretien, les Chnaoua vont vous en envoyer des kilos ! Rien ne me ferait plus plaisir. Les Chnaoua qui se rendent à Milan savent ce qu'il leur reste à faire. Quel est votre plat préféré ? Chorba frik avec de la kessra façon est du pays. Tout ce qui vient après n'a qu'une importance secondaire. Brik ou bourek ? Les deux et cela de façon alternative. Et pour ce qui est des plats préparés par votre épouse ? C'est le top... Je me régale. Hamoud ou Coca ? Je suis plutôt jus de fruits. Vous ne verrez jamais de bouteilles de Coca chez moi et les ulémas musulmans ont donné des explications à cela. Zlabia ou kalbellouz ? Kalbellouz. Thé ou café ? Café. L'ben ou raïeb ? L'ben, indispensable au moment de la rupture du jeûne. Viande de veau ou d'agneau ? Sans hésiter, viande de veau. Où vous trouvez-vous généralement juste avant l'appel de l'Adhan ? A table. Ensuite je romps le jeûne avec des dattes et du l'ben. Après cela, c'est moi qui dirige la prière avant que tout le monde prenne son repas. Quel est votre programme télé favori ? Kahwat Mimoun et Imarat El Hadj Lakhdar. Pour ce qui est de mes artistes favoris, Mustapha, Bokhors et Bouakkaz. Vous arrive-t-il de faire un tour à la cuisine ? Disons de toutes petites virées pour aider mon épouse qui doit allaiter notre petite Asma. Rancunier ou tolérant ? Très tolérant. Je pardonne très vite. Etes-vous prêt à vous réconcilier avec une personne qui vous a causé du tort ? Sans aucun souci et cela dès notre première rencontre. Je suis prêt à faire la paix avec tout le monde, sauf avec le diable. Avez-vous pensé à effectuer une Omra au mois de Ramadhan ? J'ai effectué une Omra et une Hadja. Il est fort possible, si Dieu le veut, que la prochaine fois, ce sera une Omra en plein mois de Ramadhan. L'idéal serait d'avoir une offre d'un club saoudien, cela faciliterait bien des choses dans ce domaine. Je dois avouer que je n'ai pas su saisir cette opportunité quand elle s'est présentée à moi. Quelles sont les bonnes actions que vous effectuez en ce mois sacré ? Donner à manger aux nécessiteux. Il m'arrive de donner des fonds aux associations caritatives qui activent au mois de Ramadhan. Vers qui se dirigent vos prières en ce mois sacré ? Vers les personnes qui nous sont chères et qui nous ont quittés. Je prie Dieu de pardonner aux personnes qui m'ont fait du tort gratuitement. Quel est votre point faible ? La faim. C'est difficilement supportable. Quelles sont les choses que vous ne supportez pas chez les Algériens ? Ils se bagarrent tout le temps. Bien sûr, jeûner dans ces conditions n'a plus aucun sens. Avec qui aimais-vous vous retrouver à table ? Tous les membres de ma famille. Jeu de cartes ou dominos ? Nordine Zekri ne joue ni aux cartes ni aux dominos et encore moins à tout ce qui est jeux de hasard. Je suis très attaché à ma religion. Il vous reste 5 minutes à vivre... Je médite sur mon aptitude à me présenter devant Dieu tout-puissant. Bien sûr je prie jusqu'à la dernière seconde. Que pensez-vous de ceux qui balancent des sachets poubelles à partir de leurs fenêtres ? Qu'ils n'ont aucune éducation et qu'ils ne peuvent pas être de bons musulmans. Et ceux qui se rendent coupables d'excès de vitesse à l'approche de l'Adhan? Je conseille aux conducteurs de véhicules d'avoir en permanence sur eux quelques dattes et une bouteille d'eau. Cela aiderait à préserver des vies humaines. Les Chnaoua vous manquent-ils ? Enormément. Quand j'entendais les «Zekrinho, «Zekrinho» fuser dans le stade, j'en avais la chair de poule ! Nous avons vécu des moments merveilleux. Ils ne sont pour rien dans mon départ. Ce sont des personnes malfaisantes qui ont tout planifié. Suivez-vous l'actualité sportive en Algérie ? Absolument, j'ai même quelque chose à vous raconter à ce sujet. Oui ? Il y a des personnes qui ont rigolé quand j'avais dit, pour plaisanter, que mon équipe pouvait battre le Barça et voilà que maintenant ils disent que le Mouloudia ressemblera à Chelsea. Un autre affirme qu'il ramènera l'équipe de Messi à Alger. Pensez-vous que le Barça pourrait se produire à Alger ? Jamais ! Regardez ce qui est arrivé au RAJA qui a encaissé huit buts dont il ne se relèvera que très difficilement. Il nous faut être réalistes. Il ne nous reste qu'à vous remercier et à vous souhaiter un bon Ramadhan. Vous savez, le mois de Ramadhan revient chaque année, ce qui pourrait ne pas être notre cas. Prions Dieu pour qu'il nous accorde Son Pardon et Sa Miséricorde lors du jugement dernier. Bon Ramadhan à tous les Algériens.