Les câbles américains diffusés par Wikileaks, pour ce qui concerne l'Algérie, ont ceci de déroutant : ils mettent la lumière sur ce qui peut être interprété comme une ambivalence dans la perception des relations bilatérales entre les deux pays. En effet, si les révélations faites par le site en question reprennent, de manière plutôt crue, l'opinion acérée que se font les représentants américains en Algérie, les positions allant dans le sens de louanges, exprimées tout récemment par des responsables US sur la situation sociale, politique et économique du pays ont de quoi laisser plus d'un pantois. Serait-ce la face émergée de l'iceberg ? Ou plutôt le vrai visage d'une diplomatie fondamentalement pragmatique ? La situation a-t-elle évolué depuis ce télégramme au point de voir les responsables américains réviser leurs positions à l'égard de l'économie algérienne ? Ou serait-ce la cagnotte mise sur la table par le plan quinquennal de développement lancé par le gouvernement algérien qui a changé la donne ? Devant le contraste dégagé par les deux tableaux, les questions demeurent plus nombreuses que les réponses. Si l'on se réfère au câble envoyé à partir d'Alger par l'ancien ambassadeur Robert Ford, à l'approche de la visite en Algérie du Secrétaire d'Etat-adjoint pour le Proche-Orient, David Welch, en février 2008, le regard américain sur l'économie algérienne, pour distanciér qu'il puisse paraitre à la lecture de ce câble, est acéré et sans concession. Le fait marquant dans ce message classé confidentiel, c'est la part belle qu'il accorde au volet économique. L'appréciation, citant une partie de l'élite politique et sociale, est sans équivoque à l'égard d'« un pays est à la dérive ». L'ancien ambassadeur Us à Alger se montre aussi tranchant sur la politique économique du pays. « Bouteflika et son équipe ont une seule approche pour dynamiser l'économie: dépenser des dizaines de milliards de dollars dans les infrastructures ainsi que des projets grandioses pour créer des emplois et aussi créer un héritage Bouteflika ». L'atonie économique est imputée à « La bureaucratie, des réglementations pesantes et la centralisation (qui) ralentissent la mise en œuvre des projets et entravent de nouveaux investissements privés ». Le diplomate US estime, dans son câble, que « Bouteflika et son équipe doivent choisir, soit l'Algérie sera une économie de marché dans laquelle les Algériens seront intégrés dans l'économie mondiale soit une économie dont le gouvernement continue de souscrire au vieux contrat social des années 1960 et 1970 ». Constatant que le gouvernement semble impuissant à résoudre ces problèmes systémiques, Robert Ford en attribue la responsabilité au « manque de vision au sommet ». Le tableau brossé par Robert Ford relève aussi l'offre de logements « terriblement faible, tandis que le chômage et le sous-emploi sont endémiques (au moins 50 pour cent chez les jeunes) ». Le diplomate admet tout de même que la situation globale en Algérie est beaucoup moins grave qu'au début des années 90.