Jusqu'où monteront les prix du pétrole ? A 126 dollars, le baril a battu un nouveau record.Les cours, qui atteignaient 62 dollars il y a un an, ont donc doublé. Ils ont été multipliés par cinq en six ans. Cette envolée, certains experts la voient se poursuivre encore sur plusieurs années. Une étude que vient de publier Goldman Sachs, une banque d'investissement américaine, prévoit même un baril à 200 dollars d'ici à deux ans. Le franchissement de la barre des 100 dollars le baril, vécu comme un évènement majeur, semble avoir libéré le marché du blocage psychologique qui le lié. Aujourd'hui, comme l'explique François Lescaroux, économiste à l'Institut français du pétrole (IFP), “tant que le consommateur est prêt à payer, le prix continuera de monter. Et si on veut rester dans une économie de marché, on voit mal les gouvernements intervenir pour le faire baisser”. Il tient d'ailleurs à nuancer le terme de “flambée” des prix, en remarquant que “c'est surtout le dollar qui s'effondre : en euros, on serait passé de 68 à 75 euros depuis le début de l'année”. Le pétrole, qui s'échange à 126 dollars le baril, reste bon marché par rapport aux services rendus, soulignent certains experts. L'emballement de la bulle pétrolière trouve sa source dans un certains nombres de facteurs, différemment appréciés selon que l'on soit producteur ou consommateur. Il y a d'abord l'argument des consommateurs sur l'équilibre de plus en plus serré, au fil des années, entre offre et demande et la réticence de l'Opep à augmenter sa production. Une analyse contestée, cependant, par l'Organisation des pays exportateurs de pétrole. “Il n'y a clairement pas de manque de pétrole sur le marché”, a encore insisté jeudi Abdallah Salem Al-Badri, le secrétaire général de l'Opep, qui assure 40 % de la production mondiale. Pointant du doigt les besoins énergétiques des pays émergents comme la Chine ou l'Inde, les pays industrialisés n'arrêtent de clamer que la demande n'arrêtent d'augmenter. Il est vrai que jusqu'à présent, les puissances économiques du groupe BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) continuent d'avoir une forte croissance, tandis que les vieilles nations industrialisées se dirigent assurément vers une récession. Néanmoins, ces pays consomment toujours la majeure partie du pétrole. Les Etats-Unis, malgré la crise, demeurent les plus gros consommateurs de pétrole au monde. L'autre facteur déterminant dans cette flambée des prix de l'or noir reste incontestablement l'affaiblissement du dollar. La baisse du billet vert pousse en effet les traders à acheter des produits comme le pétrole ou les matières premières pour se prémunir contre l'inflation, souvent inhérente à la faiblesse de la devise américaine. Dans une récente déclaration, le président de l'Opep, M. Chakib Khelil, a souligné qu'un renforcement de 10% du dollar permettrait un réajustement de 40 dollars sur le prix du baril. Par ailleurs, devant une ascension si rapide des cours du pétrole, un nouvel élément s'est vite invité sur le marché pétrolier. Il s'agit de la spéculation. Destinée à se couvrir contre les fluctuations de cours, elle favorise aujourd'hui la flambée des prix sous la pression d'opérateurs qui n'achètent que pour vendre plus cher et encaisser de confortables et rapides plus-values. L'afflux de fonds spéculatifs, délaissant des marchés boursiers encore fragiles, étaient d'ailleurs montrés du doigt par l'Opep. La “volatilité récente des prix est due aux événements sur les marchés financiers et à l'afflux d'argent spéculatif” vers le marché pétrolier, a réitéré Abdallah Al-Badri, secrétaire général du cartel.