L'appréhension exprimée par certains leaders africains, comme le président sénégalais Abdoulaye Wade, au sujet de l'érection de l'Afrique du Nord en barrière européenne avancée contre l'Afrique est “objective” et elle “ne doit pas être prise à la légère”. C'est du moins ce qu'a déclaré au journal Les Afriques M. Hadj Nacer, ancien gouverneur de la Banque d'Algérie. Pour lui, l'UPM n'aurait pas de sens sans la Ligue arabe et l'Union africaine. “C'est une relation triangulaire qui doit s'installer pour aller dans le sens d'un travail sérieux dans les domaines de l'éducation et de l'émergence de l'Etat de droit”. S'il faut admettre que l'immigration clandestine africaine vers l'Europe constitue un “vrai problème”, il estime néanmoins que les Européens se trompent lourdement “s'ils conçoivent l'Afrique du Nord comme une société de sous-policiers chargée de contenir les Africains”. C'est dans ce sens que Hadj Nacer dira que “l'Europe doit cesser de voir l'Afrique comme une mine à ciel ouvert”, elle doit comprendre que la question de l'immigration n'est soluble que par des “délocalisations des activités vers l'Afrique, ce qui implique qu'on accepte une nouvelle division du travail”. L'ancien gouverneur de la Banque d'Algérie perçoit dans les projets de Barak Obama, une vision intéressante de l'Afrique comme nouveau territoire pour l'économie, comme c'est d'ailleurs le cas pour la Chine, l'Inde et d'autres. A propos de l'attachement des pays d'Afrique du Nord à l'Occident au détriment de l'Afrique noire, l'ancien gouverneur de la Banque d'Algérie l'explique non par un choix, mais par un “défaut d'accumulation, un défaut d'anticipation et un défaut d'arbitrage”. C'est ce “triple A pour réussir qui manque”. La question fondamentale est de “se projeter quelque part. Aujourd'hui, le Nord nous entraîne dans ses propres projections et on a tendance à le suivre, avec cette fâcheuse habitude de croire que la solution est à l'étranger”, a-t-il dit.C'est dans ce sens, indique-t-il, que les signataires de la lettre ouverte adressée aux chefs d'Etat de l'UPM, au-delà des contraintes des officiels, ont exprimé ce qu'ils considèrent comme un “minimum pour rendre ce projet viable”. Les Européens, dans une vision stratégique du futur, voient dans la Méditerranée une question de survie politique et économique, “ils regardent le Sud, avec sa jeunesse et son énergie, avec peur et envie”. Dans ce futur, l'Europe veut compter sur la rive Sud de la Méditerranée, “c'est compréhensible, mais nous leur disons que nous n'allons pas leur servir de marchepied, que nous voulons un partenariat fondé sur des valeurs partagées. C'est une demande forte des populations qui doit être prise en compte, au lieu de voir dans les sociétés du Sud une source de menace”. Sur l'UPM, M. Hadj Nacer ne cache pas sa crainte de voir une vision “de court terme” l'emporter sur le long terme. Il en veut pour preuve l'idée de constituer une banque sur le modèle de la BERD n'a pas été retenue. “Mettre en place une banque, c'est avoir un véritable instrument d'action sur la durée. Je dois rappeler, pour contrer l'image fausse qu'on donne d'un Sud courant après les fonds, que la BERD n'a pas servi à distribuer de l'argent, elle a fonctionné comme une institution de mise à niveau”, a-t-il conclu.