Comment des pays qui sont flattés d'être considérés comme émergents ou futurs émergents veulent-ils donner l'impression qu'ils seront capables d'affronter économiquement les pays riches et ultra-industrialisés alors qu'ils n'ont pas eu l'initiative de la mondialisation et que celle-ci a été conçue par et pour les pays riches ? Elle a été pensée au début de la décennie 70, au moment où le tiers monde luttait pour un ordre international plus juste. Des pays dont on dit qu'ils sont émergents mais dont une grande partie des populations vivent dans la pauvreté croient devoir forcément trouver leur intérêt dans la mondialisation, c'est-à-dire dans l'intégration de leur économie à l'économie mondiale alors qu'ils se savent extrêmement vulnérables et complètement isolés face à la solidarité entre tous les pays riches. Comment feront-ils pour s'en sortir sur le plan économique face à des pays extrêmement riches qui accordent des subventions à leurs entreprises sur le plan interne pour que celles-ci puissent offrir des prix inférieurs dans les appels d'offres ? Comment leurs entreprises, qui auront plutôt subi que bénéficié d'un court programme de mise à niveau, pourront-elles supporter la concurrence face à des multinationales qui disposent de budgets supérieurs à ceux de bien des nations productrices de pétrole, face à des multinationales dont certaines ont presque des attributs d'Etat car elles ont eu à intervenir activement dans le changement des géopolitiques. Quand bien même que parfois les dirigeants des entreprises publiques ne disent pas qu'il s'agit d'aller à l'économie de marché comme les moutons vont à l'abattoir, leurs collègues du secteur privé ne cachent pas leurs appréhensions, eux qui invoquent la protection de la production nationale, une protection difficile dans le cadre des engagements à respecter les règles de l'économie de marché et des accords d'association contractés et à contracter, sachant que la mondialisation nous est imposée et non pas proposée. Le représentant des patrons des PME/PMI demande à ce que les autorités pratiquent le patriotisme économique à l'occasion de l'élaboration de la stratégie industrielle, sans préciser ce qu'il en coûtera à un pays vulnérable qui a adhéré aux principes de l'économie de marché. Leurs appréhensions sont en réalité bien grandes, et il y a de quoi, surtout quand ils savent que c'est seulement le profit qui est l'enjeu principal et même le seul à l'être, car il serait douteux que les firmes étrangères puissent être sérieuses quand il leur arrive de dire qu'elles ont pour préoccupation le développement de notre pays et le transfert de technologie. Peut-être se donnent-ils de l'espoir en pensant pouvoir travailler et coopérer dans le cadre Sud-Sud, surtout suite à l'encouragement qui découle du constat que les pays du Sud ont pleinement conscience qu'ils doivent travailler ensemble, en complémentarité, ce qui serait quand même bien s'ils veulent tous jouer le jeu de la solidarité et de la clause de pays le plus favorisé. Des concepts nouveaux pour ce qui concerne l'économie mondiale de marché ont fait leur apparition pour lier les échanges commerciaux à la réduction de la pauvreté, mais rien n'annonce qu'en réalité la mondialisation va dans ce sens, surtout que les menaces de famine sont permanentes, notamment en Afrique. Le besoin de sécurité pour un pays s'exprime également par l'immunisation de son économie face à l'invasion de son territoire par des produits étrangers qui se présentent plus favorablement sur le plan des coûts.