Chérif Kheddam est incontestablement l'un des plus grands noms de la chanson algérienne d'expression kabyle. C'est un artiste qui a beaucoup donné. Il a chanté, composé, écrit, mais aussi formé d'autres chanteurs grâce, entre autres, à l'émission «Chanteurs de demain» qu'il a animée pendant des années au niveau de la radio kabyle, Chaîne II. Chérif Kheddam est un artiste que malheureusement, les nouvelles générations ne connaissent pas pour une multitude de raisons. C'est sans doute dans le but de le faire découvrir aux jeunes que son cousin, Tayeb Kheddam, a écrit un livre de plus de 400 pages que viennent d'éditer les éditions El Amel. L'ouvrage est intitulé tout simplement Chérif Kheddam, l'artiste et a été rédigé en langue arabe. L'auteur de cet ouvrage n'est autre que le cousin de Chérif Kheddam, mais aussi un ami à lui, l'ayant côtoyé pendant longtemps. Tayeb Kheddam est un fan inconditionnel de l'artiste. Cet ex-directeur du lycée Amirouche de Réghaïa a eu l'ingénieuse idée de réaliser cet ouvrage. Le livre est compartimenté en plusieurs parties, toutes aussi intéressantes les unes que les autres. Le premier chapitre est un retour avec moult détails sur l'enfance de Chérif Kheddam dont, notamment la vie dans les villages de la wilaya de Tizi Ouzou, comme Boumes-saoud, Agoussim et Tizi Kefrès. Dans ce même chapitre, l'auteur revient sur l'enregistrement du premier disque de Cherif Kheddam. Dans ce passage, Tayeb Kheddam explique que même si Chérif Kheddam n'était pas doté d'un niveau d'instruction élevé, il n'en demeurait pas moins très différent des autres, particulièrement en ce qui concernait ses ambitions. «Chérif Kheddam avait pris la décision de chanter pour la vie et pour l'amour de la vie», écrit l'auteur en page 67. Et pour réaliser ce rêve, l'artiste était convaincu qu'il fallait deux choses: le travail et l'espoir. L'auteur raconte la première fois où Chérif Kheddam avait acheté un luth ainsi que ses premiers contacts avec d'autres artistes ayant pignon sur rue à l'époque. Mais Chérif Kheddam voulait aller loin, très loin, aussi loin que son talent et son espoir le lui permettaient. Sa première chanson était A yellis n tmurt iw. Artistiquement, ajoute l'auteur, cette chanson était acceptable. C'est du moins ce qui lui a été dit. Mais par la suite, cette chanson devint la clé qui permit à Chérif Kheddam de concrétiser ses rêves. Chérif Kheddam avait enregistré son premier disque auprès d'une maison d'édition anonyme, qui n'avait pas de nom. Le disque est sorti sans sa photo et c'était l'artiste lui-même qui avait payé les frais de l'édition. Ces derniers s'élevaient à l'époque à 600 francs français. C'était en 1955. Depuis, Chérif Kheddam est entré de plain-pied dans un parcours des plus brillants. Le premier disque, à l'instar de bien d'autres, connut un accueil triomphal de la part du public aussi bien en Algérie que chez les Kabyles de France. L'auteur du livre revient sur les relations de Chérif Kheddam avec d'autres célébrités comme Mohamed El Djamoussi et évoque l'impact qu'avaient sur Chérif Kheddam des sommités du Moyen-Orient comme Mohamed Abdelwahab, Farid El Atrache, Fayrouz et tant d'autres dont il admirait les voix et les mélodies. Le livre de Tayeb Kheddam consacre une autre partie à des témoignages de gens ayant connu et approché Chérif Kheddam. Il s'agit de Tassadit Yassine, Tahar Boudjeli, Mohand Oubelkacem Kheddam, Abdelmadjid Bali, Saïd Dilmi, Mohamed Hammouche et enfin Hacène Abassi. Tassadit Yassine a été la première auteure à avoir pensé à réunir et à traduire une partie des textes de Chérif Kheddam. Tayeb Kheddam déplore toutefois que Tasadit Yassine «n'ait pas réussi à bien traduire les textes de Chérif Kheddam». L'auteur a aussi souligné que Tassadit Yassine a ignoré des étapes importantes du parcours de Chérif Kheddam, dans son livre. Toutefois, l'auteur a tenu à mettre en exergue le grand travail réalisé par Tassadit Yassine dans l'optique de faire connaitre la culture berbère et ce, abstraction faite des insuffisances. Le chanteur Hacène Abassi a livré un bref témoignage sur Chérif Kheddam: «Dès mon enfance, j'ai découvert les chansons de Chérif Kheddam. J'avais constaté qu'elles se distinguaient des autres, notamment de par leur qualité. Depuis, j'écoutais continuellement toutes ses chansons et je suivais tout ce qu'il produisait. J'assistais également à ses spectacles avec régularité et passion.» Le dernier chapitre du livre de Tayeb Kheddam est une compilation des chansons avec des traductions en langue arabe ainsi que des explications et des analyses. L'auteur a classé les textes de Chérif Kheddam en trois ensembles: les chansons sentimentales, les chansons nationalistes et les chansons sociales.