Déjà paralysé depuis plus de sept mois par une crise politique et institutionnelle sans précédent, le Liban replonge dans les pires souvenirs des années de la guerre civile. Les affrontements entre l'armée libanaise et le groupuscule Fatah al-Islam entament leur quatrième semaine et redoublent d'intensité dans le camp palestinien de Nahr-el-Bared, dans le nord du Liban. L'armée libanaise a lancé une opération commando hier contre les activistes du groupuscule et resserre l'étau autour d'eux. Mais ces derniers continuent d'infliger de lourdes pertes aux militaires libanais qui les encerclent avec la résolution «d'en finir avec ces terroristes », selon la mission impartie par le gouvernement. Le bilan officiel fait déjà état de 128 morts, dont 61 militaires. Une trêve de quelques jours a permis à la majorité des civils de fuir le camp - où demeurent malgré tout quelque 3 000 réfugiés palestiniens, otages des tirs croisés - et d'épuiser toutes les tentatives pour obtenir une reddition négociée des islamistes. Une dernière médiation menée ce week-end ayant échoué, les combats ont repris de plus belle. Le moral des troupes est très haut, certains blessés légers insistent pour rester mobilisés, mais l'armée libanaise n'a pas la tâche facile, car elle est mal équipée - une petite escadrille de chasseurs aériens aurait été nettement plus expéditive - et elle est ligotée par la nécessité de limiter le nombre de victimes », explique un analyste militaire qui préfère conserver l'anonymat. Si le tabou d'une invasion du camp a été en grande partie levé, des considérations stratégiques retiennent cependant l'armée de franchir ce pas. «Pour venir à bout des combattants du Fatah al-Islam, il faudrait quasiment tout raser, ce qui serait très mal perçu. La stratégie de l'armée consiste donc à les cerner progressivement dans un périmètre de plus en plus réduit », explique le même expert. Une première opération commando a parallèlement été annoncée hier par un porte-parole militaire. Venu de la mer, il aurait détruit l'habitation du chef du Fatah al-Islam, Chaker al-Absi, après y avoir «saisi des documents importants». Les autorités libanaises ont par ailleurs signalé aux Nations unies des « concentrations » de forces armées palestiniennes prosyriennes dans la plaine de la Bekaa, frontalière de la Syrie. Il s'agit du Fatah Intifada (dont est issu le Fatah al-Islam) et du FPLP-CG d'Ahmad Jibril dont le siège est à Damas. Reprenant implicitement à son compte ces accusations, l'envoyé spécial de l'ONU au Proche-Orient, Terje Roed Larsen, a dressé « un tableau alarmant et très préoccupant » de la situation au Liban, affirmant que « ce qui se passe à Nahr el-Bared (...) pourrait n'être qu'un avant-goût ». Les combats attisent en effet la tension au Liban, déjà paralysé depuis plus de sept mois par une crise politique et institutionnelle sans précédent. Une éruption de violence a vite été circonscrite la semaine dernière dans un autre camp palestinien du Liban, celui de Ain el-Héloué, et cinq attentats ont été commis à Beyrouth et dans sa périphérie depuis le 20 mai, faisant deux morts et plusieurs dizaines de blessés.