Le président chypriote Nicos Anastasiades, a expliqué, avant-hier soir, qu'il a été contraint d'accepter le plan de sauvetage négocié avec l'Eurogroupe. Ceci pour éviter au pays une faillite financière.Ce plan "n'est pas celui que nous souhaitions mais il est le moins douloureux compte tenu des circonstances. J'assume le prix politique pour cela, afin de limiter autant que possible les conséquences pour l'économie et pour nos compatriotes", a déclaré le chef de l'Etat dans une brève allocution télévisée. Il s'est exprimé à la veille d'un débat parlementaire sur cet accord conclu la veille avec l'Union européenne. Intérêt du peuple En échange de cette mesure, ce plan prévoit une aide de 10 milliards d'euros à Chypre. Il s'agit du cinquième plan de sauvetage conclu dans la zone euro après ceux de la Grèce, de l'Irlande, du Portugal et de l'Espagne. "J'exhorte les parties au Parlement à prendre une décision. Je la respecterai pleinement, dans l'intérêt du peuple et du pays", a précisé Nicos Anastasiades. "J'espère qu'ensemble, nous prendrons la décision la plus sage", a dit le président. Il a assuré avoir "bataillé jusqu'à la fin" au sommet de l'Eurogroupe. Il a aussi admis que "la route ne sera pas facile". Débat repoussé Le Parlement, qui devait se réunir avant-hier en session d'urgence pour entamer le processus de ratification du plan controversé, devait se réunir finalement hier après-midi, a annoncé la télévision publique. Selon la chaîne privée Sigma TV, Nicos Anastasiades a repoussé le débat de crainte que le texte ne soit rejeté. Le parti du président, le Disy (droite), ne détient que 20 des 56 sièges. L'option la moins douloureuse Le président chypriote Nicos Anastasiades, a estimé avoir choisi l'option la moins douloureuse en acceptant d'instaurer une taxe exceptionnelle sur les dépôts bancaires, dans un discours télévisé à la nation. J'ai choisi l'option la moins douloureuse, et j'assume le prix politique pour cela, afin de limiter autant que possible les conséquences pour l'économie et pour nos compatriotes chypriotes, a dit le président dans une brève allocution solennelle. J'exhorte les parties au Parlement à prendre une décision. Je la respecterai pleinement, dans l'intérêt du peuple et du pays, a dit le président. J'espère qu'ensemble, à la lumière des développements, nous prendrons ensemble la décision la plus sage, a dit le président dans son discours admettant que la route ne sera pas facile. Il a assuré avoir bataillé jusqu'à la fin au sommet de l'Eurogroupe. La solution à laquelle nous sommes parvenus n'est certainement pas celle que nous voulions, mais c'est la moins douloureuse vu les circonstances, a-t-il assuré. Les avoirs russes durement touchés La taxe exceptionnelle sur les dépôts bancaires prévue dans le plan de sauvetage de Chypre négocié avec l'UE va toucher durement les avoirs russes dans l'île qui s'élèvent à au moins 20 milliards de dollars, selon des estimations citées avant-hier à Moscou. La confiance envers Chypre, comme un endroit sûr pour placer de l'argent, va être réduite à néant, a déclaré Anatoli Aksakov, député et président de l'Association des banques régionales de Russie, cité par Interfax. M. Aksakov a cité des estimations d'experts selon lesquelles les avoirs russes à Chypre pourraient atteindre 20 milliards de dollars (15,4 milliards d'euros), indique l'agence. L'édition russe du magazine américain Forbes cite de son côté, sur son site internet, des estimations beaucoup plus importantes. L'agence Moody's a ainsi estimé à 19 milliards de dollars (14,6 milliards d'euros) au 1er septembre 2012 les seuls avoirs de sociétés russes placés à Chypre. S'y ajouteraient 12 milliards de dollars (9,2 milliards d'euros) d'avoirs de banques russes dans des établissements chypriotes, selon la même source. Forbes cite également des estimations de la presse économique plaçant entre 8 et 35 milliards d'euros les avoirs de personnes physiques russes à Chypre. Les Russes ont perdu en une journée jusqu'à 3,5 milliards d'euros, titre Forbes sur son site internet. La nouvelle d'un prélèvement de 10% sur les dépôts dans les banques chypriotes a semé la panique parmi les hommes d'affaires russes figurant dans la liste des plus grandes fortunes, écrit encore cette publication. Le vice-président de l'Association de banques régionales russes, Alexandre Khandrouïev, a suggéré que la Russie négocie avec Chypre un assouplissement voire l'exemption de ces dispositions en échange d'une aide financière supplémentaire, selon Interfax. Le ministre chypriote des Finances, Michalis Sarris, est attendu cette semaine à Moscou, selon des sources citées par la presse russe, qui a d'abord annoncé sa venue pour hier, puis demain. Il n'a pas été possible de confirmer auprès du ministère russe. Moscou avait accordé en 2011 à l'île méditerranéenne un prêt de 2,5 milliards d'euros. Nicosie a ensuite sollicité un prêt supplémentaire de cinq milliards d'euros, mais celui-ci n'a pas été octroyé, Moscou estimant qu'il incombait à l'UE de trouver une solution. Le ministre russe des Finances, Anton Silouanov, a évoqué en février la possibilité d'une aide se traduisant par l'assouplissement des conditions du prêt de 2011. Compensations pour les militaires britanniques Le gouvernement britannique a annoncé qu'il verserait des compensations aux militaires et fonctionnaires britanniques en poste à Chypre, qui seraient concernés par la taxation des dépôts bancaires exigée en contrepartie d'un plan de sauvetage européen. En ce qui concerne les gens qui servent dans notre armée, et travaillent pour notre gouvernement à Chypre, parce que nous avons des bases militaires là-bas, nous allons verser des compensations à toute personne affectée par cette taxation bancaire, a déclaré le ministre des Finances George Osborne sur la BBC. Les gens qui font leur devoir en servant notre pays à Chypre seront protégés de cette taxe bancaire, a insisté le ministre, dont le pays, non-membre de la zone euro, ne participe pas au plan d'aide. Une porte-parole du ministère des Finances a précisé que ces compensations ne concerneraient pas l'ensemble des Britanniques résidant à Chypre. Ils sont quelque 80 000, selon les estimations du gouvernement. Quelque 3 000 militaires britanniques sont basés sur l'île, ancienne colonie et point stratégique en Méditerranée. Le ministre des Affaires étrangères William Hague a indiqué que le montant des compensations n'était pas encore connu avec précision. Nous travaillons sur les détails ce week-end et nous ferons des annonces dans la semaine là-dessus, a-t-il dit sur Sky News. Il a précisé que les dépenses engendrées ne seraient en tous cas pas comparables à une participation à l'ensemble du plan de sauvetage. A quelques jours de la présentation du budget demain à Londres, les deux ministres ont estimé que l'exemple chypriote prouvait le bien-fondé de la politique de rigueur budgétaire menée au Royaume-Uni. C'est ce qui se passe si vous ne montrez pas que vous pouvez payer ce que vous devez. C'est la raison pour laquelle en Grande-Bretagne, nous devons garder la confiance des marchés mondiaux, a déclaré George Osborne, estimant qu'il n'y avait pas de remède miracle aux difficultés économiques de son pays. George Osborne a souligné que les clients de banques chypriotes au Royaume-Uni ne seraient pas concernés par la taxe. Le chef de l'OCDE défend la taxation des dépôts bancaires Le secrétaire général de l'OCDE Angel Gurria, a estimé avant-hier que la taxation des dépôts bancaires exigée en échange du plan de sauvetage de Chypre était préférable pour les épargnants aux pertes sérieuses qu'ils auraient subi en cas de faillite du secteur bancaire. Aujourd'hui, tous ceux qui ont de l'épargne à Chypre protestent contre la taxe, mais ils seront très contents de la payer parce que l'alternative était naturellement d'avoir des pertes, très sérieuses, a lancé le dirigeant de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Il aurait pu y avoir des pertes énormes, en l'absence d'assistance financière, a-t-il martelé, et un plan d'aide sans contrepartie aurait créé un aléa moral, autrement dit un encouragement à des comportements risqués, a-t-il ajouté. C'est une solution originale, et on nous assure que ce ne sera pas un précédent pour d'autres pays de la zone euro, a également estimé M. Gurria, qui s'exprimait lors d'un entretien à Radio France internationale (RFI) et à la chaîne de télévision francophone TV5 Monde. Le plan de sauvetage doit être socialement acceptable Le plan de sauvetage de Chypre doit être socialement acceptable et ne pas toucher les petits épargnants, a déclaré avant-hier le président du parlement européen Martin Schulz, au lendemain de l'annonce de ce plan controversé de l'Union européenne et du FMI. La zone euro et le FMI ont trouvé la veille à Bruxelles un accord sur un plan de sauvetage d'un maximum de 10 milliards d'euros pour Chypre, en échange d'une taxe exceptionnelle sur les dépôts bancaires qui rapportera 5,8 milliards d'euros. Décision sans précédent, pour réduire leur participation les bailleurs de fonds ont demandé à Nicosie d'instaurer une taxe exceptionnelle de 6,75% sur les dépôts bancaires en-deçà de 100 000 euros et de 9,9% au-delà de ce seuil, ainsi qu'une retenue à la source sur les intérêts de ces dépôts. Il est normal de faire participer les clients des banques, a estimé le chef du parlement européen dans un entretien à l'édition en ligne du Welt am Sonntag, mais la solution doit être socialement acceptable. M. Schulz a estimé que le plan doit être modifié, par exemple avec une exemption de taxe, pour les comptes inférieurs à 25 000 euros. Les conservateurs de la CDU de la chancelière Angela Merkel, ont accueilli favorablement le plan de sauvetage tandis que les libéraux démocrates du FDP, partenaires de la coalition au pouvoir, n'ont pas encore dit s'ils voteraient en faveur du plan au parlement. Comme les précédents plans de sauvetage de l'Union européenne, le plan concernant Chypre doit être approuvé par la chambre basse allemande, le Bundestag. Le ministre des Finances allemand Wolfgang Schäuble a dit espérer que le plan pourra être soumis aux députés dans la deuxième moitié d'avril et précisé qu'il proposera immédiatement au Bundestag d'accepter le mandat de la troïka des créanciers de Chypre (UE-BCE-FMI) pour que les détails du plan puissent être négociés. Nous pourrions alors présenter dans la deuxième moitié d'avril au Bundestag le plan négocié avec tous les détails et le soumettre à son approbation, a-t-il indiqué dans un communiqué. Le porte-parole aux Finances du groupe parlementaire des sociaux-démocrates, principal parti d'opposition, a estimé auprès du journal Die Welt que le plan de sauvetage laissait de côté des questions importantes. Le chef du groupe des Verts Juergen Trittin a déclaré pour sa part avant-hier au quotidien Bild que son parti avait besoin de clarification sur la politique fiscale de Chypre avant de pouvoir éventuellement apporter son soutien à l'accord.