Les cours du pétrole étaient mitigés, hier, dans les échanges matinaux en Asie, les investisseurs reprenant leur souffle après une séance euphorique due à de bons indicateurs économiques aux Etats-Unis et digérant l'accord sur le sauvetage de Chypre et ses conséquences en zone euro. Le baril de "light sweet crude" (WTI) pour livraison en mai perdait 12 cents, à 96,22 dollars, tandis que le baril de Brent de la mer du Nord à même échéance progressait de deux cents, à 109,38 dollars. Après avoir atteint un niveau inédit depuis le 14 février, le pétrole "résiste dans un marché peu animé", a observé Ric Spooner, analyste chez CMC Markets à Sydney. Les investisseurs "attendent de nouvelles informations (économiques) comme les chiffres des stocks de brut aux Etats-Unis", premier consommateur d'or noir au monde, a-t-il ajouté. Le pétrole new-yorkais a profité la veille du rebond des commandes de biens durables en février et de la hausse des prix des logements pour le douzième mois d'affilée en janvier qui ont compensé d'autres indicateurs moins positifs, dont la rechute de la confiance des ménages. Les chiffres sur le logement ont joué le rôle de "chevalier blanc dans une économie mondiale imprévisible", a noté IG Markets Singapore dans un rapport. A Londres, le Brent reste davantage sensible à la situation dans la zone euro, "région la plus volatile" qui "a tout fait pour saper les chances d'un redressement économique cette année", selon IG Markets. Le marché a d'abord salué l'accord sur un plan de sauvetage financier de Chypre avant de s'inquiéter de ses répercussions sur d'autres économies fragiles de la zone. La restructuration du secteur bancaire chypriote et une ponction sur les dépôts non garantis (au-delà de 100 000 euros) dans les deux principales banques chypriotes pourraient augurer de mesures aussi drastiques imposées ailleurs en cas de risque de faillite. C'est l'idée accréditée par le président de l'Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, qui a estimé que le modèle chypriote pourrait être répliqué à l'avenir dans d'autres pays fragiles de la zone euro, avant d'assurer face à la vive réaction des marchés que le cas de Chypre était spécifique. La veille, le cours du pétrole coté à New York a grimpé à son plus haut niveau en cinq semaines, aidé par des indicateurs économiques de bonne tenue aux Etats-Unis et réduisant l'écart avec le brut échangé à Londres, plus affecté par les inquiétudes liées à Chypre. Le baril de light sweet crude (WTI) pour livraison en mai a gagné 1,53 dollar pour terminer à 96,34 dollars sur le New York Mercantile Exchange (Nymex), un prix qu'il n'avait plus atteint depuis le 14 février. A Londres, le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en mai a terminé à 109,36 dollars sur l'Intercontinental Exchange (ICE), s'appréciant de 1,19 dollar par rapport à la clôture de la veille. Le pétrole new-yorkais a profité de deux bons chiffres positifs, le rebond des commandes de biens durables, plus prononcé que prévu en février, et la hausse des prix des logements pour le douzième mois d'affilée en janvier, a relevé Michael Lynch, de Strategic Energy and Economic Research. Ces indicateurs, occultant des informations moins reluisantes pour l'économie américaine comme une rechute de la confiance des ménages, ont un effet boule de neige: les gens ne s'inquiètent plus d'un possible retour en récession mais estiment désormais que la reprise aux Etats-Unis repose sur des bases solides, et va in fine se traduire par une plus forte demande énergétique, a-t-il expliqué. Les prix du pétrole restent aussi aidés, selon Bart Melek de TD Securities, par la résolution à court terme de la crise chypriote via un prêt de 10 milliards d'euros, qui permet à l'île de conserver sa place au sein de la zone euro. Cela réduit le risque d'une contagion au reste de l'Europe, source d'instabilité et d'inquiétudes pour les investisseurs qui se sont détournés pendant quelques jours des actifs jugés risqués, a noté l'analyste. Toutefois, le marché essaie encore de déterminer si le plan de sauvetage de Chypre est une bonne ou une mauvaise nouvelle, selon Phil Flynn, de Price Futures Group. Un sauvetage est plutôt positif pour les marchés, sauf si on commence à penser qu'à l'avenir, la sécurité de votre compte bancaire est soumise aux caprices des régulateurs et à la stabilité des banques et que votre argent peut être gelé pendant plusieurs jours pendant qu'ils décident de combien ils vont vous ponctionner, a-t-il ajouté. Parmi les conditions imposées dans le cadre du plan de sauvetage, il est notamment prévu une ponction sur les comptes de plus de 100.000 euros auprès de la Bank of Cyprus, premier établissement bancaire du pays. Et la réouverture des banques de Chypre a été repoussée à aujourd'hui par crainte d'une fuite massive de capitaux. La fébrilité qui continuait à entourer la situation chypriote joue en faveur de la réduction de l'écart entre le Brent et le WTI, a noté M. Flynn. Alors que le brut américain est stimulé par l'impression d'une croissance de la demande aux Etats-Unis, alimentée notamment par la récente accélération de l'activité des raffineries américaines au sortir de leur traditionnelle période de maintenance, le pétrole coté à Londres est plus directement affecté par l'incertitude qui pèse sur l'Europe.