La Réserve fédérale (Fed) a dévoilé lundi une nouvelle régulation visant les huit plus grandes banques américaines et mettant à l'index JPMorgan Chase, afin de réduire le risque que leur faillite ferait peser sur le système financier. Cette nouvelle règle contraint ces établissements, qui ont déjà levé des centaines de milliards de dollars, à renforcer leur coussin de sécurité de plus de 200 milliards de dollars supplémentaires au total. "Un des objectifs principaux de ces exigences supplémentaires en capital est d'exiger des entreprises qu'elles supportent elles-mêmes les coûts que leur faillite imposerait aux autres", a commenté la présidente de la Fed Janet Yellen. Ces directives s'attaquent aux problèmes des établissements "too big to fail" ("trop gros pour faire faillite") dont la chute pourrait déstabiliser l'ensemble du système financier et requérir un sauvetage sur fonds publics comme en 2008-2009 après l'effondrement de Lehman Brothers. Ce nouvel arsenal, qui vient s'ajouter aux réglementations internationales de Bâle III, concerne les géants bancaires dont les actifs consolidés dépassent les 250 milliards de dollars et entrera en vigueur par étapes à partir de janvier 2016 pour être pleinement opérationnel au 1er janvier 2019. Il impose aux géants bancaires américains de disposer d'une marge supplémentaire de fonds propres par rapport à leurs actifs risqués, qui varie en fonction de leur taille et viendra s'ajouter aux 7% déjà requis par les règles de Bâle III. La nouvelle règle vise notamment le financement de gros à court terme dont n'a pas tenu compte Bâle III. Les grandes banques en sont friandes pour leurs activités de marché mais il peut se tarir très vite en cas de crise. Première banque américaine en termes d'actifs, JPMorgan Chase fait face au défi le plus important et devra ainsi constituer une marge supplémentaire de 4,5%. Selon des responsables de la Fed, l'établissement est le seul à ne pas détenir aujourd'hui les fonds propres nécessaires et devra pour cela encore lever 12,5 milliards de dollars. En décembre, quand ces nouvelles règles avaient été pour la première fois discutées par la Fed, les besoins de JPMorgan étaient évalués à environ 20 milliards de dollars. Mais elle a réduit depuis les dépôts de 100 milliards.
La colère du lobby bancaire Les autres géants bancaires devront eux dégager une marge de fonds propres variant de 1% (Bank Of New York Mellon) à 3,5% (Citigroup) mais, à la différence de leur grande rivale, disposent déjà des ressources nécessaires pour y parvenir, estime la Fed. Pour se conformer à ce nouvel arsenal, JPMorgan a déjà écarté une opération d'augmentation de capital et promis d'être en règle dans les deux ans. La banque n'a pas souhaité faire de commentaires, renvoyant aux déclarations de son P-DG Jamie Dimon qui assurait la semaine dernière que le groupe "respecterait les exigences règlementaires". Citigroup s'est, elle, refusée à tout commentaire. Si ces exigences ne sont pas remplies, les banques seront sanctionnées par des "limitations" dans la distribution de leur capital et dans le versement de certains bonus, met en garde la Fed. "Cette règle mettra ces entreprises face à un choix: elles devront détenir beaucoup plus de capital et réduire la probabilité de faillite ou réduire leur empreinte systémique et le mal que leur faillite causerait au système financier", a ajouté Mme Yellen, selon qui le résultat sera, quoi qu'il arrive, de renforcer la "stabilité financière". Le lobby bancaire Financial Services Roundtable a vivement dénoncé ce nouvel arsenal, dévoilé le jour du cinquième anniversaire de la loi de régulation de Wall Street Dodd-Frank qui avait déjà suscité l'ire des milieux financiers. "Les régulateurs doivent s'attaquer raisonnablement au risque mais cette règle va priver l'économie de plusieurs milliards de dollars, réduire les prêts aux petites entreprises et familles", a déclaré le président de ce lobby Tim Pawlenty. Selon ce groupe de pression, les banques américaines seront par ailleurs "désavantagées" par rapport à leurs rivales européennes et asiatiques, dont le niveau des fonds propres doit équivaloir à seulement 7% de leurs actifs. Depuis l'éclatement de la crise financière de 2008 qui a plongé l'économie en récession, la Fed a renforcé son contrôle des géants bancaires en leur imposant notamment des tests de résistance annuels et en examinant la manière dont elles distribuent leur capital.