L'ex-général chrétien Michel Aoun, âgé de 81 ans, a été élu lundi président du Liban par un vote du Parlement qui met fin à un vide institutionnel de 29 mois. Il a été élu par 83 des 127 députés présents, a annoncé le président de la Chambre des députés Nabih Berri. 36 ont voté blanc tandis que 8 bulletins étaient déclarés nuls. M. Aoun a été élu au second tour après n'avoir pas réussi à obtenir les deux tiers des voix au premier. Cette élection met fin à 29 mois de vide institutionnel, car le Liban n'avait plus de président depuis mai 2014 en raison des profondes divergences qui paralysaient la vie politique, notamment à cause du conflit ravageant la Syrie voisine. Le nouveau président a prêté serment avant de rejoindre pour six ans non renouvelable le palais présidentiel de Baabda, d'où il avait été chassé il y a 26 ans par l'armée syrienne. Il devient le troisième général à accéder à la magistrature suprême. Je jure devant Dieu, que je respecterai la Constitution et ses lois et que je préserverai l'indépendance de la nation libanaise et la paix sur sa terre, a déclaré M. Aoun devant les députés. Son élection marque le spectaculaire retour en grâce de l'ex-commandant en chef de l'armée libanaise, qui avait dû se réfugier à l'ambassade de France en octobre 1990 avant d'être exfiltré vers l'Hexagone. Il devient le troisième général à accéder à la magistrature suprême. Au premier tour de scrutin, il lui avait manqué deux voix pour réunir sur son nom la majorité qualifié des deux tiers, fixée à 86 voix. N'était plus requise à partir du second tour qu'une majorité simple d'au moins 65 voix. Le "pacte national", accord non-écrit conclu en 1943, réserve la présidence du Liban à un chrétien maronite, le poste de chef du gouvernement à un sunnite et la présidence de la Chambre des députés à un chiite. Réaction internationale L'Iran, qui soutient le puissant mouvement chiite Hezbollah au Liban, a rapidement salué l'élection lundi de Michel Aoun à la tête de l'Etat libanais, a rapporté l'agence officielle Irna. Et dans la soirée, le président iranien Hassan Rohani a appelé le nouveau président libanais pour le féliciter. La République islamique d'Iran félicite le peuple libanais et les différents groupes politiques de ce pays, a déclaré Bahram Ghassemi, le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, selon Irna. Il s'agit d'un pas important pour enraciner la démocratie et assurer la stabilité du Liban, a déclaré M. Ghassemi, pour qui cette élection est le symbole de la coexistence des différentes religions. M. Rohani a pour sa part affirmé au nouveau président libanais que la République islamique d'Iran soutenait le gouvernement, le peuple et la résistance libanaise, toujours selon l'agence Irna. Vous prenez vos fonctions alors que la région fait face à une double menace, les (...) groupes terroristes et l'avidité du régime sioniste (Israël, ndlr). Nous sommes certains qu'avec votre élection, le front de la résistance sera renforcé face à ces deux menaces, a ajouté le président iranien à l'adresse de M. Aoun. Dans la bouche des responsables iraniens, le front de la résistance est synonyme du Hezbollah et de ses alliés. Formation rapide d'un gouvernement Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a salué lundi l'élection de Michel Aoun comme président du Liban et a appelé les Libanais à former sans attendre un gouvernement capable de relever les graves défis qu'affronte le pays frontalier de la Syrie. Les Etats-Unis ont également réclamé la mise sur pied rapide d'un gouvernement à Beyrouth. Dans un communiqué, M. Ban a félicité le nouveau président et lui souhaite du succès dans ses fonctions de chef de l'Etat. Il espère que les parties libanaises vont continuer désormais d'oeuvrer dans un esprit d'unité et dans l'intérêt national. Les Libanais méritent d'avoir des institutions étatiques efficaces, a-t-il souligné. L'ONU continuera d'aider le Liban à préserver sa sécurité et sa stabilité et à améliorer ses perspectives socio-économiques, ajoute le communiqué. Le porte-parole de l'ONU Stéphane Dujarric a rendu hommage à la générosité incroyable du Liban qui accueille des centaines de milliers de réfugiés syriens. L'important est que tous ceux qui ont une influence l'utilisent pour mettre fin au conflit syrien, a-t-il ajouté. Dans un communiqué très prudent, le département d'Etat américain s'est borné à féliciter le peuple du Liban pour l'élection du président Michel Aoun. La diplomatie américaine a souligné que c'était l'occasion de rétablir les fonctions gouvernementales et de construire un avenir plus stable et plus prospère pour tous les citoyens libanais. Mais lors de son point de presse quotidien, le porte-parole du département d'Etat John Kirby s'est montré très critique sur le soutien du Hezbollah chiite au nouveau chef de l'Etat libanais. Nous sommes conscients de l'appui qu'il a obtenu du Hezbollah qui est une organisation terroriste étrangère. Ce n'est pas comme si nous étions aveugles et nous restons évidemment très préoccupés par ce que fait le Hezbollah dans la région, a dénoncé le responsable américain. Mais nous jugerons le président sur les décisions et les actions qu'il prendra en formant et en dirigeant le gouvernement libanais, a poursuivi M. Kirby. Interrogé sur un plus grand rôle éventuel du Hezbollah au sein du gouvernement libanais, le porte-parole américain a concédé que ce n'est évidemment pas un résultat que nous aimerions voir. Il y a dix jours, le secrétaire d'Etat John Kerry s'était déjà montré sceptique sur le laborieux compromis entre les principales factions politiques libanaises ayant permis l'élection de M. Aoun. Le chef de la diplomatie américaine s'exprime très rarement sur le Liban, où il s'était rendu pour quelques heures seulement en juin 2014, une première pour un secrétaire d'Etat depuis 2009.