La Cour des comptes française émet de sérieux doutes sur la capacité de la France à atteindre son objectif d'un déficit public ramené à 2,7% du PIB fin 2017 et souligne son retard dans le rétablissement des finances publiques, qui imposera des efforts "d'une ampleur inédite" sur les dépenses dans les années suivantes. La prévision pour 2017, qui correspond à un recul du déficit de 0,6 point de PIB par rapport à 2016 "sera très difficile à atteindre, du fait à la fois d'un risque de surestimation des recettes et d'une sous-estimation probable de certaines dépenses", note la Cour dans son rapport annuel publié mercredi. Elle fait état d'une prévision de recettes "optimiste", car fondée sur une prévision de croissance économique jugée "un peu élevée" par le Haut conseil des finances publiques. Pour cette année, le gouvernement table toujours sur une croissance de 1,5% du produit intérieur brut, un chiffre qui dépasse à la fois les prévisions des institutions internationales (de 1,3% à 1,4%) et les attentes des économistes interrogés par Reuters le mois dernier (1,1%). La Cour relève également que différentes dispositions de la loi de finances pour 2017 vont se traduire par une accélération des encaissements cette année et un report sur 2018 de différentes baisses de prélèvements.
Recettes majorées en 2017, réduites en 2018 Selon elle, les recettes profiteront cette année à hauteur de 1,6 milliard d'euros de la perception anticipée des échéances de certains impôts tandis que celles de 2018 seront au contraire amputées d'environ cinq milliards d'euros, principalement du fait de la hausse du crédit d'impôt compétitivité-emploi (CICE). Du côté des dépenses, en dépit d'une accélération en intégrant notamment la hausse de la rémunération des fonctionnaires et les revalorisations des tarifs des consultations prévues par la nouvelle convention médicale, "la progression annoncée des dépenses publiques est probablement sous-estimée". La Cour relève un risque "très significatif" de dépassements sur l'indemnisation du chômage - alors que la reprise des négociations sur la nouvelle convention Unedic est en suspens - et des risques "significatifs" de dépassement des dépenses d'assurance maladie. S'ajoutent à ces aléas identifiés la persistance des "sous-budgétisations récurrentes" de certains postes comme les opérations militaires extérieures ou encore le risque "significatif" qu'une dépense de 1,5 milliard d'euros inscrite au motif de la recapitalisation d'Areva soit prise en compte dans le déficit public, parce qu'elle concerne "une entreprise publique qui a enregistré des pertes au cours des cinq derniers exercices".
Retard français La Cour relève par ailleurs qu'il n'est pas exclu que la charge de la dette se révèle cette année supérieure au montant prévu, car "à la différence des années précédentes, la marge de bonne surprise laissée par (le scénario du gouvernement) paraît limitée". Au-delà de 2017, la Cour estime qu'une accentuation de l'effort de maîtrise des dépenses publiques devra atteindre "une ampleur inédite", d'autant plus que la prévisible remontée progressive des taux d'intérêt va peser sur les dépenses. Cet effort, d'autant plus nécessaire que la France a moins freiné sa dépense que la plupart de ses partenaires européens, est "indispensable pour (...) renforcer sa crédibilité financière auprès de ses partenaires de la zone euro". Sans compter que "le niveau particulièrement élevé des dépenses publiques en France est loin de conduire à des résultats à la hauteur des moyens engagés, comme l'illustrent les politiques du logement, de la formation professionnelle ou de la santé", souligne la Cour. Dans leur réponse à la Cour, le ministre de l'Economie et des Finances Michel Sapin et le secrétaire d'Etat au Budget Christian Eckert soulignent que le gouvernement a retenu pour 2017 "un scénario central équilibré et réaliste", même "si des aléas, à la hausse comme à la baisse, ne sont pas à exclure".