Les cours du pétrole ont stagné vendredi à New York, en l'absence d'éléments nouveaux et tandis que l'Arabie saoudite semble souffler le chaud et le froid au sujet des réductions de la production. Le prix du baril de "light sweet crude" (WTI), référence américaine du brut, a pris 3 cents à 48,78 dollars sur le contrat pour livraison en avril au New York Mercantile Exchange (Nymex). A Londres, le cours du baril de Brent de la mer du Nord a avancé de 2 cents à 51,72 dollars sur le contrat pour livraison en mai à l'Intercontinental Exchange (ICE). "Nous n'avons eu aucune nouvelle de nature à faire bouger le marché", a mis en avant James Williams, de WTRG. Les investisseurs ont donc ruminé leurs interrogations concernant l'avenir des quotas de production mis en place le 1er janvier pour une période initiale de six mois par l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) et ses partenaires dont la Russie. "Est-ce que l'Opep va prolonger sa réduction de la production de l'offre ?", s'est interrogé Andy Lipow, de Lipow Oil Associates. La Russie dans le viseur L'Arabie saoudite, principal artisan de ces accords de baisse de l'offre, est de nouveau au centre du jeu après avoir déclaré jeudi par la voix de son ministre de l'Energie, Khakled al-Faleh être prête "à faire tout ce qu'il faudra pour ramener le secteur à une situation saine". "Ils ne sont pas prêts à le faire tout seuls", a nuancé James Williams. Dans le viseur du membre dominant de l'Opep, figure la Russie qui n'a jusque-là pas réduit autant que prévu sa production, selon M. Williams. La question d'une éventuelle prolongation de la régulation de l'offre au-delà de juin est d'autant plus cruciale que les efforts effectués jusqu'à présent tardent à se matérialiser par une baisse des stocks. Aux Etats-Unis, les réserves de brut ont certes subi un déclin hebdomadaire minime, d'après les chiffres publiés mercredi par le département américain de l'Energie (DoE), mais ils restent très proches de niveaux records. Leur très forte progression depuis le début de l'année avait d'ailleurs déclenché un plongeon de 10% des cours plus tôt dans le mois. Cette semaine, les cours ont réussi à enrayer cette chute en progressant légèrement, de 0,60% à New York. Toujours aux Etats-Unis, la reprise de la production se confirme, dopée par les extractions de pétrole de schiste des compagnies pétrolières non tenues par les accords de limitation de l'offre. Le nombre de puits de forage en activité, considéré comme un indicateur avancé de la production, a encore avancé cette semaine selon les chiffres hebdomadaires publiés vendredi par le groupe privé Baker Hughes. Des mouvements techniques sur le marché du brut, liés à des "ajustements de portefeuille" des investisseurs avant l'expiration, mardi, du contrat actuel de référence à New York sont possibles, a également signalé Tim Evans de Citi dans une note. Rebond en Asie Les cours du pétrole rebondissaient vendredi en Asie, encouragés par des propos saoudiens sur une possible prolongation de la réduction de la production au-delà du mois de juin. Vers 04H00 GMT, le baril de light sweet crude (WTI), référence américaine du brut, pour livraison en avril, prenait 10 cents, à 48,95 dollars, dans les échanges électroniques en Asie. Le baril de Brent, référence européenne, pour le mois de mai, gagnait cinq cents, à 51,79 dollars. Le ministre saoudien de l'Energie a déclaré jeudi à Bloomberg que les accords de réduction de la production -- conclus fin 2016 par l'Opep en son sein et avec d'autres -- pourraient être prolongés au-delà de la fin juin "si les marchés n'ont toujours pas confiance dans les perspectives" de l'industrie pétrolière. "Le prix du WTI est soutenu à 48 dollars et les propos saoudiens sont venus encourager encore les cours", a déclaré Jingyi Pan, analyste chez IG Markets Les accords Opep avaient provoqué une hausse des cours à plus de 50 dollars du baril, mais cela a encouragé la production américaine de pétrole de schiste, menaçant de réduire à néant les efforts de rééquilibrage du marché. "Selon les points de vue, on peut considérer que les cours sont en train de se consolider ou qu'il s'agit du rebond d'un chat mort", a déclaré Jeffrey Halley, analyste chez OANDA. "On a beaucoup parlé du respect des accords Opep/non Opep, mais le fait est que seule l'Arabie saoudite s'est bougée. Les marchés semblent commencer à s'apercevoir de cette réalité, comme les Saoudiens". Soutenir les cours L'Opep va devoir prolonger la limitation de sa production si elle veut soutenir les cours car le redressement de l'offre extérieure au cartel pourrait entraver ses efforts de réduction des stocks mondiaux, montre une enquête Reuters publiée vendredi. Sur 10 analystes interrogés par Reuters, six pensent que l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) prolongera au-delà du mois de juin son accord de réduction de la production entré en vigueur le 1er janvier pour une durée de six mois. Deux jugent que cela ne sera pas nécessaire et deux autres sont indécis. "Si l'Opep cherche sincèrement à atteindre un objectif de stocks, alors une prolongation de la réduction actuelle de son offre est nécessaire", dit Harry Tchilinguirian, analyste chez BNP Paribas. "Mais vu les récentes déclarations de producteurs indiquant qu'une prolongation de cette politique dépend de la coopération, l'Opep va être confrontée à un casse-tête quant aux décisions à prendre lors de sa prochaine réunion en mai", ajoute-t-il. Dans son rapport mensuel publié mardi, l'Opep a fait état d'une hausse des stocks en janvier et elle a relevé sa prévision de production hors-Opep en 2017, laissant ainsi transparaître ses difficultés à résorber l'excédent d'offre sur le marché. Le cartel continue toutefois de penser que, en raison de sa politique, "le marché devrait commencer à s'équilibrer et même voir le début d'une contraction des stocks de pétrole" au second semestre de cette année. "Si la principale ambition du groupe est d'abaisser effectivement les stocks mondiaux de brut à leur moyenne sur cinq ans, alors l'Opep doit accentuer ses réductions et fixer des quotas pour ses membres qui en sont exemptés", juge Daniela Corsini, analyste chez Intesa Sanpaolo. "La production totale de l'Opep devrait être plafonnée à peu près au niveau actuel d'environ 32,1 millions de barils par jour, bien en deçà des 32,5 millions de bpj, le niveau qui équilibrerait le marché cette année. Si le principal objectif de l'Opep est simplement de soutenir les cours au-dessus de 40-45 dollars, alors une reconduction automatique de l'accord existant pourrait suffire." Onze pays extérieurs au cartel, dont la Russie, ont décidé de participer à cet effort conjoint de réduction de l'excédent d'offre mais la production de pétrole de schiste aux Etats-Unis est en revanche en hausse.