Le "grand débat national" voulu par Emmanuel Macron à la suite du mouvement des "gilets jaunes" devra se faire au plus près des citoyens, a estimé lundi le président de l'Association des maires ruraux de France, Vanick Berbérian. Les maires entendent conserver "un rôle de facilitateur" entre les pouvoirs publics et les citoyens, en mettant notamment des salles à disposition, et attendent des précisions de la Commission nationale du débat public (CNDP) sur l'organisation du débat qui doit débuter à partir de la semaine prochaine. "Il faut quand même qu'il se passe des choses suite à cette consultation. Si c'est pour faire pareil qu'avant, ça ne sert à rien", a-t-il déclaré Vanick Berbérian. "On souhaite que ce soit une proposition faite au plus petit niveau, éviter les grandes messes", a insisté le président de l'AMRF.
"Injustice sociale" et "diminution de l'offre de services publics" Au moins 5.000 communes ont par ailleurs participé à l'opération lancée début décembre par l'AMRF, qui a mis des "cahiers de doléances" à la disposition des citoyens dans les mairies. "On souhaitait que les 'gens du quotidien' puissent s'exprimer. Ceux qui n'ont pas forcément accès au numérique, qui ne prennent pas la parole facilement", souligne le président. La question du pouvoir d'achat arrive en tête des préoccupations exprimées dans ces cahiers de doléances. "L'injustice fiscale" arrive en deuxième position devant "la diminution de l'offre de services publics, qui fait que les gens, notamment en milieu rural, se considèrent oubliés de la République", poursuit le président de l'AMRF. La gouvernance locale, mais aussi "le peu de cas qui est fait à l'avis des maires", ont également fait l'objet de nombreuses remarques. "Il y a un vrai espoir de réforme par rapport à ces sujets", estime le président de l'AMRF. Ces cahiers de doléances ont été déposés en préfecture et une synthèse doit être remise dès cette semaine au président du Sénat, puis à celui de l'Assemblée nationale et au chef de l'Etat. L'AMRF rassemble près de 10.000 maires de communes de moins de 3.500 habitants.
La taxe d'habitation pour les plus riches au menu Le ministre de l'Économie et des Finances, Bruno Le Maire, veut poser la question de la taxe d'habitation pour les plus riches dans le cadre du grand débat national. "On peut très bien demander aux Français s'il est légitime de supprimer la taxe d'habitation pour les 20% les plus riches." Invité d'Europe 1 le 6 janvier 2019, le ministre d'Économie et des Finances veut introduire ce sujet dans le cadre du grand débat national. La deuxième question "Comment faire évoluer le lien entre impôts, dépenses et services publics pour mieux répondre aux besoins des Français ?" s'y prête en effet particulièrement. Le Premier ministre avait certes annoncé en mai dernier "une suppression complète" de la taxe d'habitation (TH), mais dans son programme, Emmanuel Macron écrivait bien : "nous exonérerons 4 Français sur 5". Aussi, le 7 janvier 2019 sur France Inter, le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux n'a pas dit autre chose que son candidat : "La promesse de campagne de la supprimer pour 80% des Français est mise en place. La question de savoir si nous irons sur ces 20% restants, oui, elle est sur la table".
"Des mesures plus justes et plus ciblées" "Il y a une différence entre ce qui a déjà été ratifié par les parlementaires et des choses annoncées pas encore votées", insiste Bercy auprès de La Tribune. "Au moment où il y a une demande de justice fiscale, ça fera partie du grand débat sur la fiscalité. Quand certains payent 50-60 voire 80.000 euros de taxe d'habitation, il faut regarder comment on fait pour avoir des mesures plus justes et plus ciblées." Gérald Darmanin, le ministre de l'Action et des Comptes publics, s'est, lui aussi, déclaré sur RTL favorable à ce que les Français ayant de "gros revenus et de grosses habitations", s'acquittent de la TH. "Peut-être est-ce qu'on pourrait effectivement imaginer que ce ne serait pas juste de les exclure", a-t-il encore souligné. Sur la même antenne, le président (LR) de la commission des Finances de l'Assemblée nationale, Eric Woerth, a plaidé pour de la "stabilité". "C'est changer de pied sans arrêt, on n'y comprend plus rien", a accusé l'ancien ministre du Budget.
La compensation de la TH toujours en débat Si cette disposition est adoptée par le Parlement, elle risque toutefois d'être retoquée par le Conseil constitutionnel au nom de l'égalité devant l'impôt. Sur sa page Facebook, l'ex-secrétaire d'État (PS) au Budget Christian Eckert estime ainsi que "cela a été mal préparé". La majorité balaie cela d'un revers de main. "Si on ferme toutes les portes à toutes les réflexions qu'on peut avoir, alors on ferme le grand débat", a jugé le délégué général de La République en marche Stanislas Guerini sur CNews. En attendant, les maires, compensés par l'État à l'euro près jusqu'en 2020, ne savent toujours pas par quoi la taxe d'habitation sera remplacée. Contacté par La Tribune, le ministère de la Ville et du Logement assure en avoir conscience - "les élus nous ont fait remarquer qu'ils seraient moins enclins à lancer de nouvelles opérations" - mais possède un "scénario" visant à redescendre la taxe foncière des conseils départementaux vers le bloc communal. Le projet de loi de refonte sur la fiscalité locale, censé arriver au Conseil des ministres à la mi-avril 2019, "consolidera votre pouvoir fiscal", a déjà promis Édouard Philippe lors du congrès des maires de novembre dernier.
Durcir les sanctions contre les casseurs Invité au journal télévisé de TF1 lundi dernier, pour s'expliquer sur les violences survenues en marge de "l'acte 8" de la mobilisation des "Gilets jaunes" le week-end dernier, le Premier ministre Édouard Philippe a annoncé une série de mesures, dont une "nouvelle loi" pour punir plus sévèrement les casseurs. "Il n'auront pas le dernier mot". Edouard Philippe a annoncé la couleur pour les prochaines manifestations des "Gilets jaunes". Invité du journal télévisé de TF1, ce lundi soir, pour évoquer les violences survenues en marge de "l'acte 8" de la mobilisation des "Gilets jaunes" le week-end dernier, le Premier ministre a tenu un discours de fermeté et procédé à plusieurs annonces destinées à lutter contre les casseurs. Ce ne sont pas ceux qui remettent en cause les institutions qui auront le dernier mot. Le Premier ministre a d'abord annoncé "une mobilisation considérable des forces de l'ordre" dans le but de sécuriser les manifestations prévues samedi prochain sur tout le territoire. Ainsi, 80.000 agents des forces de l'ordre seront mis à contribution afin de "procéder à de nombreuses interpellations afin de garantir l'ordre public", a-t-il indiqué. Il y aura près de 80 000 forces de l'ordre, 5 000 à Paris, samedi prochain pour veiller à ce qu'il n'y ait pas de débordements et pour procéder à des interpellations. Dénonçant ceux qui "veulent mettre en cause les institutions", le Premier ministre a indiqué que le gouvernement allait également "changer de méthode" et procéder à certaines modifications comme "investir dans du nouveau matériel, être plus mobile", pour garantir le maintien de l'ordre et éviter les violences des dernières manifestations. Ceux qui profitent des manifestations pour casser changent leurs pratiques ; nous devons donc faire évoluer nos méthodes.
Une nouvelle loi Par ailleurs, "le gouvernement est favorable à ce que notre loi soit modifiée et sanctionner ceux qui ne respectent pas l'obligation de déclaration [de manifestation]", a ajouté le Premier ministre. Ce dernier a évoqué une "loi nouvelle" durcissant les sanctions contre "les casseurs" et les manifestations non déclarées qui serait votée, selon lui, dès le mois de février. "Aujourd'hui, si l'on veut défendre la liberté de manifester (...) il faut faire évoluer notre droit et compléter notre dispositif législation [...] Il faut faire en sorte que la responsabilité civile des casseurs soit concrètement engagée". "Nous ne pouvons pas accepter que certains profitent de ces manifestations pour casser, pour brûler", a estimé Édouard Philippe. Samedi soir, le secrétaire d'État à l'Intérieur Laurent Nunez avait déjà indiqué qu'une "réflexion" était "en cours" au gouvernement "pour savoir s'il faut durcir les textes pour éviter ce genre de débordements et surtout qu'ils soient punis". Il avait évoqué "la mesure éventuellement d'avoir un fichier, d'avoir un durcissement de la législation pénale dans un certain nombre de circonstances". S'agissant du maintien de l'ordre depuis le début du mouvement, le Premier ministre a fait savoir qu'au total "il y a eu plus de 1.000 condamnations, 5.600 gardes à vue depuis le début de l'événement". Concernant "les auteurs des dégradations scandaleuses dans l'Arc de Triomphe (...) 13 ont été interpellés et placés en garde à vue."
Des violences récurrentes De nouveaux débordements ont eu lieu, ce week-end, en marge de "l'acte 8" de la mobilisation des "Gilets jaunes" , qui a rassemblé quelque 50.000 personnes samedi. Au total, 345 personnes ont été interpellées dans toute la France, dont 281 placées en garde à vue. A Paris, des individus sont parvenus à défoncer la porte du ministère de Benjamin Griveaux, qui a dû être exfiltré, avec un engin de chantier, et à pénétrer dans l'enceinte du bâtiment.
32 millions d'euros pour financer le chômage technique " Près de 58.000 salariés ont été mis au "chômage technique" du fait des manifestations des "Gilets jaune", a déclaré dimanche la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, qui a débloqué 32 millions d'euros pour financer les indemnisations. Plus de 90% des salariés concernés travaillent dans des PME, principalement dans les secteurs du commerce, de la construction, de l'industrie et de l'artisanat, a ajouté la ministre qui s'est dite très "inquiète" par l'ampleur du phénomène. "C'est quatre millions d'heures de travail potentiellement perdues", a-t-elle ajouté sur BFMTV au lendemain d'une huitième journée de manifestations de "Gilets jaunes". "Aujourd'hui, c'est clair qu'un certain nombre d'entreprises et donc d'emplois sont menacés." Le chômage technique permet aux salariés qui connaissent une réduction de leur temps de travail de toucher une indemnité d'activité partielle versée par l'employeur. Celui-ci reçoit en contrepartie une allocation cofinancée par l'Etat et l'Unédic. Selon le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, le mouvement des "Gilets jaunes", qui a débuté le 17 novembre dernier et s'est poursuivi depuis tous les samedis, a coûté "chère à l'économie française". L'Insee estime son impact à 0,1 point son impact sur le produit intérieur brut (PIB) pour le dernier trimestre de 2018. "Nous avons intérêt à ce que cela cesse le plus vite possible", a-t-il répété dimanche au Grand Rendez-vous d'Europe 1, CNews et les Echos. Pour Muriel Pénicaud, "l'effet indirect est monstrueux". "On le voit sur l'investissement étranger, sur la confiance à investir, il y a déjà des effets. C'est clair que c'est un effet négatif", a-t-elle ajouté sans le chiffrer.