Alors qu'en France, la polémique gronde autour de la chloroquine et son dérivé l'hydroxychloroquine, comme solution thérapeutique à la lutte contre la pandémie du Covid-19, le Maroc l'a adoptée. Pour le Dr. Othmane Boumaalif, médecin et pharmacoéconomiste, les autorités sanitaires marocaines ont eu raison. Voici ses explications La pandémie du COVID-19 continue à faire des ravages. La mortalité est principalement due à un syndrome de détresse respiratoire aiguë survenant généralement entre 6 et 12 jours après les premiers symptômes (le temps médian entre premiers symptômes et syndrome de détresse respiratoire aiguë est de 8 jours). Ce qui est inquiétant avec le virus responsable désormais appelé (SARS-CoV-2) est cette transition rapide et sérieuse de symptômes souvent d'allure bénigne vers une détérioration rapide de l'état du patient. L'explication rationnelle que la science apporte aujourd'hui est celle d'une tempête de cytokines (cytokine storm) ou choc cytokinique, appellation utilisée pour désigner cette libération anormale, excessive et auto-entretenue dans l'organisme de médiateurs inflammatoires (cytokines) capables d'engendrer rapidement une défaillance de plusieurs organes vitaux (poumons, reins et coeur). L'enjeu n'est pas donc pas de contourner une maladie virale classique mais d'apporter rapidement et efficacement un traitement capable de moduler la réponse immunitaire et supprimer cette surproduction de cytokines, seul moyen de réduire l'aggravation et les taux de mortalité. Alors que tout le monde s'agite autour du Pr. Didier Raoult et sa proposition de généraliser la chloroquine/hydroxychloroquine comme traitements potentiels, personne ne se rend compte que cette découverte est plutôt celle de médecins chinois, les premiers qui ont été confrontés à cette pandémie. Le 17 février 2020, le Conseil des affaires de l'État de la République populaire de Chine avait indiqué que le phosphate de chloroquine, une vieille molécule initialement utilisée dans le traitement du paludisme, a démontré une efficacité remarquable et une tolérance acceptable dans un essai clinique multicentrique conduit en Chine. L'essai en question s'est déroulé dans plus de 10 hôpitaux à Wuhan, Jingzhou, Guangzhou, Beijing, Shanghai, Chongqing et Ningbo. L'essai en question avait porté sur 100 patients et a démontré une supériorité (par rapport aux groupes contrôle) dans l'inhibition de l'exacerbation de la pneumonie, l'amélioration des résultats d'imagerie, la promotion de la négativation de la charge virale et la réduction de la durée de maladie sans effets indésirables notoires. Ces résultats ont poussé une conférence d'experts chinois (gouvernement, autorités réglementaires et promoteurs d'essais cliniques) tenue le 15 février 2020 à considérer le phosphate de chloroquine comme un médicament potentiel contre le COVID-19 et recommander son inclusion dans les "guidelines" de prévention, diagnostic et traitement de la maladie publiées par la commission nationale de santé de la République populaire de Chine. Le Pr. Didier Raoult n'a donc fait que l'écho de découvertes faîtes d'abord par les chinois et l'attitude de l'establishment médical français a été tout simplement désastreuse. Les arguments en faveur de l'utilisation de la chloroquine (et sa molécule dérivée réputée moins toxique : l'hydroxychloroquine) sont nombreux : Elles ont un pouvoir immunomodulateur important (beaucoup plus qu'immunosuppresseur ), elles sont utilisées, à ce titre, dans certaines maladies systémiques (comme le Lupus ou la Polyarthrite Rhumatoïde) et leur potentiel immunomodulateur n'est plus à démontrer. Elles réduisent l'activation des lymphocytes T et la libération des cytokines inflammatoires par les lymphocytes T et B (notamment les IL-1, IL-6 et TNF) ce qui permet de comprendre leur rôle potentiel dans l'inhibition de la tempête de cytokines et des dommages tissulaires qui en résultent. Elles sont capables d'inhiber la fixation aux récepteurs et la fusion membranaire, deux étapes importantes pour la pénétration cellulaires des virus de la famille des Coronaviridae. Elles interfèrent avec la glycosylation de l'enzyme de conversion de l'angiotensine 2, une enzyme grandement impliquée dans la maladie du COVID-19. Les études in-vitro menée par les Chinois tout d'abord puis par le Pr.Didier Raoult ont démontré un potentiel inhibiteur important des deux molécules. Dans un contexte de pandémie, deux éléments sont importants : Le temps et les ressources financières. Comparées aux antiviraux ou aux biothérapies à pouvoir immunomodulateur, la chloroquine et l'hydroxychloroquine sont des molécules à faible coût et rapidement disponibles. Le contexte de pandémie ne se prête pas à un design classique des essais cliniques, il s'agit d'une urgence et d'une situation critique où le processus classique "à froid" est peut-être même un choix "non éthique". Il ne s'agit pas d'une expérimentation "in-vivo" mais d'une application des principes d'une discipline émergente : la médecine translationnelle qui est un véritable changement de paradigme qui établit une relation bidirectionnelle entre la recherche fondamentale (laboratoire) et le chevet du patient (les Anglo-saxons utilisent le terme bench to bedside).