Rien ne va plus en Libye : le CNT aurait appelé le Pentagone à l'aide. 12 000 soldats américains seraient sur le point d'être déployés en Libye img /monde&art5&2012-01-25img1.jpg" Rien ne va plus en Libye : le CNT aurait appelé le Pentagone à l'aide. 12 000 soldats américains seraient sur le point d'être déployés en Libye On meurt encore en Libye. Le 23 octobre 2011, depuis Benghazi, le président du Conseil national de transition (CNT) proclamait officiellement que le pays était libéré ; trois jours plus tôt, le colonel Kadhafi, tentant de fuir son fief assiégé de Syrte, était abattu dans des circonstances qui restent troubles. Le 31 octobre, l'opération internationale « Unified Protector » prenait fin, et l'on assistait entre autres au « désengagement des moyens français ». L'Occident, à l'époque, s'était congratulé. Encore aujourd'hui, le site du ministère français de la Défense parle « d'engagement des volontés » et de « l'urgence de protéger ». Pourtant, trois mois plus tard, on peut se demander s'il n'y a pas toujours urgence à protéger la population libyenne. Car la paix est loin d'être revenue. A la fin de la guerre, ils auraient été 150.000 à avoir pris les armes, selon les estimations du CNT lui-même, reprises sur le site du Mouvement de la jeunesse libyenne. D'autres sources évaluent le nombre de ces volontaires désordonnés à au moins 200.000. Des chiffres considérables, pour un pays d'un peu plus de 6 millions d'habitants. Un peu comme si la Libye avait proclamé la mobilisation générale, mais une mobilisation improvisée, où chaque homme pouvait s'armer comme il l'entendait, sans avoir l'intention de rendre les armes une fois acquise la victoire contre le dictateur honni. Ce genre de confusion sanglante est souvent, il est vrai, symptomatique des révolutions. Que l'on songe au désordre qui régna dans les premiers jours de la Guerre d'Espagne, quand la République désemparée n'eut d'autre recours que d'armer la population pour faire face à l'insurrection militaire des Nationalistes. Qu'ils aient été 100.000 ou 200.000 au moment où le régime de Kadhafi s'effondra, il était évident qu'il serait difficile, voire impossible, de les renvoyer dans leurs foyers, et à plus forte raison de les faire rentrer dans le rang. Toutefois, alors qu'aujourd'hui, le problème n'est toujours pas résolu, on ne peut s'empêcher de se demander si la communauté internationale, déjà préoccupée par d'autres conflits apparemment plus pressants (comme en Syrie et en Iran), ne se contente pas de soutenir mollement le CNT tout en jetant un voile pudique sur la situation en Libye. Dépouilles du domaine de la famille Kadhafi Les « thowars », les ex-rebelles, ne sont pas que des combattants indisciplinés obéissant vaguement à des chaînes de commandement particulièrement floues. Ils constituent avant tout le bras armé de factions qui en sont encore à se disputer les dépouilles du domaine de la famille Kadhafi. Misrata et Benghazi sont leurs principaux centres, mais il est aussi fait état de « kadhafistes » toujours prêts à en découdre, de Touaregs dans le sud, de Berbères. La plupart disposent d'armes légères, fusils d'assaut, fusils-mitrailleurs, mitrailleuses lourdes et lance-roquettes, mais aussi de véhicules équipés de canons légers, et de blindés. L'armée libyenne officielle n'est plus ces temps-ci qu'une vue de l'esprit, puisqu'elle était majoritairement favorable au colonel. Et sa seule restructuration de la part des autorités est déjà source de tensions. « La nomination au poste de chef d'état-major de Youssef al-Mangouch par le CNT Libyen continue de faire débat, signale ainsi Le Journal du Mali. La légitimité de l'ancien colonel de l'armée libyenne - promu général, et déjà vice-ministre à la défense - à occuper ce poste est contestée par certains ex-rebelles. "Nous rejetons toute personne qui ne figure pas sur la liste des candidats présentée par les thowars […] » a fait savoir à Tripoli Bahloul Assid, un des membres fondateurs de la Coalition des thowars de Libye, une organisation qui regroupe plusieurs factions de différentes régions. Déstabilisation de l'ensemble de la région Du côté malien, justement, on s'inquiète du basculement progressif de la Libye dans une situation de non droit, évolution susceptible de déstabiliser l'ensemble de la région. Confronté à une rébellion récurrente des Touaregs, le gouvernement malien dénonce une recrudescence d'activité de ces derniers depuis la chute du colonel Kadhafi. Il y a quelques jours, selon les correspondants de Reuters sur place, « un soldat malien au moins et plusieurs assaillants ont été tués [le 17 janvier] quand des rebelles touaregs et d'anciens militaires de Libye ont attaqué une ville dans le nord du Mali et ont été repoussés par l'armée ». « D'anciens militaires » qui ont sans doute rallié les Touaregs en passant par le Niger, sans que le CNT ne puisse les en empêcher. Or, comment le pourrait-il, quand il ne parvient même pas à maintenir l'ordre dans le nord du pays qu'il est censé contrôler ? Ainsi, le week-end dernier, de violents affrontements ont éclaté à Gharyan, près de Tripoli, comme le rapporte la BBC. « Des groupes armés rivaux ont tiré des roquettes et ouvert le feu à la mitrailleuse lourde dans les environs de la ville de Gharyan, à 80 km au sud de la capitale. Les autorités libyennes affirment être en train de lever une force qui aura pour mission de désarmer ce qu'elles présentent comme des loyalistes de Kadhafi. Les notables de Gharyan reconnaissent ne pas être en mesure de contrôler leurs propres brigades révolutionnaires ». Les combats auraient éclaté quand des milices proches du CNT auraient voulu arrêter, dans Gharyan, des gens soupçonnés d'avoir soutenu l'ancien régime. Bilan : au moins neuf morts et une quarantaine de blessés. Un correspondant de la BBC aurait été témoin d'exactions et déclare qu'un « chef de brigade » (dont il est difficile de savoir à quel camp il appartenait) aurait été torturé. Imposer leur version intransigeante de l'islam Outre le partage du butin sur les ruines du pouvoir de Kadhafi, la situation est encore aggravée par la volonté des nouveaux maîtres du pays d'imposer leur version intransigeante de l'islam, au besoin par la force, et même contre leurs anciens alliés rebelles. Le CNT s'efforce de légaliser les bandes armées, les milices et autres « brigades révolutionnaires » en leur ouvrant les portes de la police et de la nouvelle armée libyenne, sans grand succès. Au 15 janvier, ils n'étaient qu'une centaine à avoir par exemple rejoint les rangs des forces de l'ordre. Autre solution envisagée, l'envoi de plusieurs centaines de ces combattants en… Syrie, pour soutenir l'Armée Libre de Syrie qui, depuis des bases en Turquie, fait le coup de feu contre les forces de Damas. Le désordre semble donc s'installer en Libye. Un site, qui se présente comme celui de la « Résistance libyenne », dresse quotidiennement une longue liste d'incidents, escarmouches et combats qui ensanglanteraient le pays, et rapporte les « victoires » remportées par la « Résistance verte » contre « le CNT/Al-Qaïda ». Des informations qu'il nous est impossible de vérifier indépendamment, mais qui contribuent à brosser un tableau apocalyptique de l'après-Kadhafi. Le CNT aurait appelé le Pentagone à l'aide La situation serait telle que le CNT aurait appelé le Pentagone à l'aide. 12.000 soldats américains seraient sur le point d'être déployés en Libye. Pour certains, ils viendraient surtout sécuriser les champs pétrolifères. Pour d'autres, ils auraient pour mission d'aider le nouveau régime à reprendre la main et à disperser les milices. Si, dans les semaines qui viennent, des troupes américaines commencent effectivement à s'installer en Libye, ce sera un peu comme un retour à la case départ.Du temps de la monarchie, et jusqu'au coup d'Etat de Kadhafi, le pays abritait la base aérienne Wheelus de l'US Air Force, la plus grande base américaine en Méditerranée à l'époque. C'était une plaque tournante stratégique pour les opérations américaines au Moyen-Orient et jusqu'en Asie du Sud-Est. Alors que les tensions montent autour de la Syrie et de l'Iran, on voit aisément l'intérêt qu'il y aurait pour le Pentagone à pouvoir déployer ses forces en Libye. Pour Washington, l'instabilité chronique de la nouvelle Libye est peut-être, en fin de compte, une bénédiction. On meurt encore en Libye. Le 23 octobre 2011, depuis Benghazi, le président du Conseil national de transition (CNT) proclamait officiellement que le pays était libéré ; trois jours plus tôt, le colonel Kadhafi, tentant de fuir son fief assiégé de Syrte, était abattu dans des circonstances qui restent troubles. Le 31 octobre, l'opération internationale « Unified Protector » prenait fin, et l'on assistait entre autres au « désengagement des moyens français ». L'Occident, à l'époque, s'était congratulé. Encore aujourd'hui, le site du ministère français de la Défense parle « d'engagement des volontés » et de « l'urgence de protéger ». Pourtant, trois mois plus tard, on peut se demander s'il n'y a pas toujours urgence à protéger la population libyenne. Car la paix est loin d'être revenue. A la fin de la guerre, ils auraient été 150.000 à avoir pris les armes, selon les estimations du CNT lui-même, reprises sur le site du Mouvement de la jeunesse libyenne. D'autres sources évaluent le nombre de ces volontaires désordonnés à au moins 200.000. Des chiffres considérables, pour un pays d'un peu plus de 6 millions d'habitants. Un peu comme si la Libye avait proclamé la mobilisation générale, mais une mobilisation improvisée, où chaque homme pouvait s'armer comme il l'entendait, sans avoir l'intention de rendre les armes une fois acquise la victoire contre le dictateur honni. Ce genre de confusion sanglante est souvent, il est vrai, symptomatique des révolutions. Que l'on songe au désordre qui régna dans les premiers jours de la Guerre d'Espagne, quand la République désemparée n'eut d'autre recours que d'armer la population pour faire face à l'insurrection militaire des Nationalistes. Qu'ils aient été 100.000 ou 200.000 au moment où le régime de Kadhafi s'effondra, il était évident qu'il serait difficile, voire impossible, de les renvoyer dans leurs foyers, et à plus forte raison de les faire rentrer dans le rang. Toutefois, alors qu'aujourd'hui, le problème n'est toujours pas résolu, on ne peut s'empêcher de se demander si la communauté internationale, déjà préoccupée par d'autres conflits apparemment plus pressants (comme en Syrie et en Iran), ne se contente pas de soutenir mollement le CNT tout en jetant un voile pudique sur la situation en Libye. Dépouilles du domaine de la famille Kadhafi Les « thowars », les ex-rebelles, ne sont pas que des combattants indisciplinés obéissant vaguement à des chaînes de commandement particulièrement floues. Ils constituent avant tout le bras armé de factions qui en sont encore à se disputer les dépouilles du domaine de la famille Kadhafi. Misrata et Benghazi sont leurs principaux centres, mais il est aussi fait état de « kadhafistes » toujours prêts à en découdre, de Touaregs dans le sud, de Berbères. La plupart disposent d'armes légères, fusils d'assaut, fusils-mitrailleurs, mitrailleuses lourdes et lance-roquettes, mais aussi de véhicules équipés de canons légers, et de blindés. L'armée libyenne officielle n'est plus ces temps-ci qu'une vue de l'esprit, puisqu'elle était majoritairement favorable au colonel. Et sa seule restructuration de la part des autorités est déjà source de tensions. « La nomination au poste de chef d'état-major de Youssef al-Mangouch par le CNT Libyen continue de faire débat, signale ainsi Le Journal du Mali. La légitimité de l'ancien colonel de l'armée libyenne - promu général, et déjà vice-ministre à la défense - à occuper ce poste est contestée par certains ex-rebelles. "Nous rejetons toute personne qui ne figure pas sur la liste des candidats présentée par les thowars […] » a fait savoir à Tripoli Bahloul Assid, un des membres fondateurs de la Coalition des thowars de Libye, une organisation qui regroupe plusieurs factions de différentes régions. Déstabilisation de l'ensemble de la région Du côté malien, justement, on s'inquiète du basculement progressif de la Libye dans une situation de non droit, évolution susceptible de déstabiliser l'ensemble de la région. Confronté à une rébellion récurrente des Touaregs, le gouvernement malien dénonce une recrudescence d'activité de ces derniers depuis la chute du colonel Kadhafi. Il y a quelques jours, selon les correspondants de Reuters sur place, « un soldat malien au moins et plusieurs assaillants ont été tués [le 17 janvier] quand des rebelles touaregs et d'anciens militaires de Libye ont attaqué une ville dans le nord du Mali et ont été repoussés par l'armée ». « D'anciens militaires » qui ont sans doute rallié les Touaregs en passant par le Niger, sans que le CNT ne puisse les en empêcher. Or, comment le pourrait-il, quand il ne parvient même pas à maintenir l'ordre dans le nord du pays qu'il est censé contrôler ? Ainsi, le week-end dernier, de violents affrontements ont éclaté à Gharyan, près de Tripoli, comme le rapporte la BBC. « Des groupes armés rivaux ont tiré des roquettes et ouvert le feu à la mitrailleuse lourde dans les environs de la ville de Gharyan, à 80 km au sud de la capitale. Les autorités libyennes affirment être en train de lever une force qui aura pour mission de désarmer ce qu'elles présentent comme des loyalistes de Kadhafi. Les notables de Gharyan reconnaissent ne pas être en mesure de contrôler leurs propres brigades révolutionnaires ». Les combats auraient éclaté quand des milices proches du CNT auraient voulu arrêter, dans Gharyan, des gens soupçonnés d'avoir soutenu l'ancien régime. Bilan : au moins neuf morts et une quarantaine de blessés. Un correspondant de la BBC aurait été témoin d'exactions et déclare qu'un « chef de brigade » (dont il est difficile de savoir à quel camp il appartenait) aurait été torturé. Imposer leur version intransigeante de l'islam Outre le partage du butin sur les ruines du pouvoir de Kadhafi, la situation est encore aggravée par la volonté des nouveaux maîtres du pays d'imposer leur version intransigeante de l'islam, au besoin par la force, et même contre leurs anciens alliés rebelles. Le CNT s'efforce de légaliser les bandes armées, les milices et autres « brigades révolutionnaires » en leur ouvrant les portes de la police et de la nouvelle armée libyenne, sans grand succès. Au 15 janvier, ils n'étaient qu'une centaine à avoir par exemple rejoint les rangs des forces de l'ordre. Autre solution envisagée, l'envoi de plusieurs centaines de ces combattants en… Syrie, pour soutenir l'Armée Libre de Syrie qui, depuis des bases en Turquie, fait le coup de feu contre les forces de Damas. Le désordre semble donc s'installer en Libye. Un site, qui se présente comme celui de la « Résistance libyenne », dresse quotidiennement une longue liste d'incidents, escarmouches et combats qui ensanglanteraient le pays, et rapporte les « victoires » remportées par la « Résistance verte » contre « le CNT/Al-Qaïda ». Des informations qu'il nous est impossible de vérifier indépendamment, mais qui contribuent à brosser un tableau apocalyptique de l'après-Kadhafi. Le CNT aurait appelé le Pentagone à l'aide La situation serait telle que le CNT aurait appelé le Pentagone à l'aide. 12.000 soldats américains seraient sur le point d'être déployés en Libye. Pour certains, ils viendraient surtout sécuriser les champs pétrolifères. Pour d'autres, ils auraient pour mission d'aider le nouveau régime à reprendre la main et à disperser les milices. Si, dans les semaines qui viennent, des troupes américaines commencent effectivement à s'installer en Libye, ce sera un peu comme un retour à la case départ.Du temps de la monarchie, et jusqu'au coup d'Etat de Kadhafi, le pays abritait la base aérienne Wheelus de l'US Air Force, la plus grande base américaine en Méditerranée à l'époque. C'était une plaque tournante stratégique pour les opérations américaines au Moyen-Orient et jusqu'en Asie du Sud-Est. Alors que les tensions montent autour de la Syrie et de l'Iran, on voit aisément l'intérêt qu'il y aurait pour le Pentagone à pouvoir déployer ses forces en Libye. Pour Washington, l'instabilité chronique de la nouvelle Libye est peut-être, en fin de compte, une bénédiction.