Messaoud est très inquiet : il sait qu'avec l'âge « ça » ne s'arrange pas: Aïcha a un très grand défaut, celui de se lasser des choses. Les enfants avaient la fâcheuse habitude d'enlever et d'abandonner leurs souliers devant la porte d'entrée. Aïcha y a remédié en commandant au menuisier du quartier un meuble monté sur roulettes à cet effet. Quelques mois après, ledit meuble fut relégué au balcon pour servir de caisse à outils à Messaoud qui ne bricole plus depuis longtemps. Et c'est une espèce de « Lego » constitué de pièces en plastique démontables qui remplaça le meuble en bois. Peu de temps après, le «lego» disparut mystérieusement. Et ce qui est vrai pour les petits meubles est aussi vrai pour les rideaux, la cuisinière, les différents types de poubelles, les modèles de rideaux et de tringles qu'elle décline selon l'évolution de la mode et de ses goûts selon son humeur fantasque. Messaoud ne dit pas un mot, car pour lui c'est un moindre mal : il frémissait à l'idée de ce qui était arrivé à un ancien collègue à lui qui, jadis avait un train de vie très aisé : bon vivant, élégant, blagueur… Un beau jour, Messaoud rencontra cet homme devenu un vieillard, à l'aspect fatigué et dont la tenue délabrée en disait long sur son état. La confidence du collègue fut terrible : son épouse avait contracté une manie comparable à celle d'Howard Hughes : elle voyait de la saleté partout et n'arrêtait pas de nettoyer, d'astiquer, de laver, de rincer. Des psychologues, des psychiatres furent consultés : ils prescrirent au malheureux couple de ruineuses croisières, des excursions, des cures de réadaptation : rien n'y fit. La fortune du malheureux collègue fondit comme neige au soleil et la vieillesse arriva plus tôt que prévu. Messaoud aurait préféré ce mal qu'on attribue généralement à la bourgeoisie, et qui fait déplacer les meubles : la coiffeuse qui était en face du lit subit une translation latérale vers la gauche remplacée aussitôt par l'immense armoire dont la glace illumine la chambre à coucher à l'ambiance feutrée. C'est le salon ou le vestibule, espaces qui reçoivent les visiteurs qui subissent le plus souvent les initiatives répétées de ces maniaques du décor : les fauteuils, le guéridon, la table, les vases, les bibelots deviennent les pièces d'un jeu d'échecs dont la maîtresse, seule, connaît les règles. Ainsi certaines personnes, pour tromper leur ennui se donnent l'illusion du changement. Messaoud est très inquiet : il sait qu'avec l'âge « ça » ne s'arrange pas: Aïcha a un très grand défaut, celui de se lasser des choses. Les enfants avaient la fâcheuse habitude d'enlever et d'abandonner leurs souliers devant la porte d'entrée. Aïcha y a remédié en commandant au menuisier du quartier un meuble monté sur roulettes à cet effet. Quelques mois après, ledit meuble fut relégué au balcon pour servir de caisse à outils à Messaoud qui ne bricole plus depuis longtemps. Et c'est une espèce de « Lego » constitué de pièces en plastique démontables qui remplaça le meuble en bois. Peu de temps après, le «lego» disparut mystérieusement. Et ce qui est vrai pour les petits meubles est aussi vrai pour les rideaux, la cuisinière, les différents types de poubelles, les modèles de rideaux et de tringles qu'elle décline selon l'évolution de la mode et de ses goûts selon son humeur fantasque. Messaoud ne dit pas un mot, car pour lui c'est un moindre mal : il frémissait à l'idée de ce qui était arrivé à un ancien collègue à lui qui, jadis avait un train de vie très aisé : bon vivant, élégant, blagueur… Un beau jour, Messaoud rencontra cet homme devenu un vieillard, à l'aspect fatigué et dont la tenue délabrée en disait long sur son état. La confidence du collègue fut terrible : son épouse avait contracté une manie comparable à celle d'Howard Hughes : elle voyait de la saleté partout et n'arrêtait pas de nettoyer, d'astiquer, de laver, de rincer. Des psychologues, des psychiatres furent consultés : ils prescrirent au malheureux couple de ruineuses croisières, des excursions, des cures de réadaptation : rien n'y fit. La fortune du malheureux collègue fondit comme neige au soleil et la vieillesse arriva plus tôt que prévu. Messaoud aurait préféré ce mal qu'on attribue généralement à la bourgeoisie, et qui fait déplacer les meubles : la coiffeuse qui était en face du lit subit une translation latérale vers la gauche remplacée aussitôt par l'immense armoire dont la glace illumine la chambre à coucher à l'ambiance feutrée. C'est le salon ou le vestibule, espaces qui reçoivent les visiteurs qui subissent le plus souvent les initiatives répétées de ces maniaques du décor : les fauteuils, le guéridon, la table, les vases, les bibelots deviennent les pièces d'un jeu d'échecs dont la maîtresse, seule, connaît les règles. Ainsi certaines personnes, pour tromper leur ennui se donnent l'illusion du changement.