Par : Nabila Afroun, Liberté, 5 septembre 2010 Des familles expulsées du bidonville de Diar-El-Kef, au lieu-dit Sonatro (Bab El-Oued), sont toujours dans la rue. Exclues de la dernière opération de relogement initiée dans le cadre de l'éradication de l'habitat précaire, ces familles passent leur quarante-huitième nuit à la belle étoile. La place Saïd-Touati, ex-Basetta, dans la commune de Bab El-Oued, est devenue le seul refuge des 17 familles (40 personnes) du bidonville. Elles y passent leurs nuits et sont obligées de lever leur campement à l'aube avant l'arrivée de la police. Elles risquent même d'être chassées de cette place à tout moment. Leurs enfants ne peuvent même pas se réinscrire à l'école, car n'ayant pas de certificat de résidence. Ils sont déclarés SDF. Des matelas posés sur des tapis en plastique ou à même le sol sont alignés le long du mur du lycée Saïd-Touati, des femmes âgées, des jeunes filles et des enfants y sont installés. Quant aux hommes, ils sont postés à l'entrée des lieux pour assurer la protection de leurs familles. Une bougie, quasiment consumée, déposée discrètement dans un trou du mur extérieur du lycée et des petites couvertures pliées déposées à côté, sont les seules preuves que ces familles ont passé leur nuit dans ce lieu. Epuisés par une nuit passée dans l'humidité, ces SDF racontent leur malheur. Ne figurant pas sur la liste des bénéficiaires de la dernière opération de relogement qui a touché leur quartier, et leurs baraques ayant été complètement rasées, ces familles traînent dans la rue depuis le 17 juillet dernier. “Nous vivons dans ce quartier depuis plusieurs décennies. Pour ma part, cela fait plus de 25 ans… Nous n'avons aucun bien immobilier, ni à Alger ni ailleurs. Aucune personne n'accepterait de vivre dans ces conditions si elle avait un bien ailleurs !”, nous dira Souad. Elle explique qu'au début – le 17 juillet dernier -, ils étaient beaucoup plus nombreux mais ceux qui avaient où aller ont quitté les lieux. “Ceux qui se trouvent ici sont les plus démunis et n'ont bénéficié d'aucun logement”, poursuit-elle. Les larmes aux yeux et avec beaucoup d'émotion, elle nous raconte son aventure depuis le début de l'opération de relogement. De Bab El-Oued à Bab-Ezzouar, à Baraki et à Birtouta et jusqu'aux Eucalyptus, avant de revenir à la case départ. “Arrivés enfin chez nous, il s'est avéré que nos baraques étaient déjà démolies”, relate-t-elle. “On nous a mis à la rue, nos enfants ont été tabassés, et nos affaires et nos meubles, on ne sait plus où ils sont”, ajoutera-t-elle. Toutes munies de documents attestant que leurs familles ne possèdent pas de biens immobiliers, les femmes ne dissimulent pas leur colère. Tour à tour, elles expriment leur rancune contre les autorités locales qui, selon elles, les ont “arnaquées”. Comme cela ne suffisait pas à leur malheur, la semaine dernière, une brigade de la Sûreté nationale a effectué une décente et a arraché les bâches qui leur servaient de toiture à leur campement. “La police qui assurait la sécurité dans le quartier est venue un matin et nous a arraché nos bâches qui nous servaient de toiture pour notre campement, prétextant que nous étions trop visibles avec les drapeaux et banderoles. Les policiers nous ont sommés d'être discrets afin qu'aucun officiel ne les aperçoit, sous peine d'être également délogés de cette placette”, ont-ils déclaré en chœur. Ils ont même donné des instructions aux gardiens du lycée d'à-côté, de ne pas nous laisser entrer dans l'établissement afin d'utiliser les sanitaires. Selon eux, ils n'ont même pas le droit d'utiliser une résistance pour préparer de quoi rompre le jeûne. “On est passé de mal en pis. Auparavant, nous vivions dans des baraques, maintenant nous sommes devenus des SDF. Sans nulle part où aller, où manger et où dormir. La dernière fois, il y a eu une averse la nuit, nous avons couru vers le lycée pour nous abriter, mais le gardien a refusé de nous ouvrir le portail. Nous nous sommes déplacés à la mosquée et ils nous ont dit que c'était interdit d'accéder à l'intérieur après la dernière prière”, nous dira Racha. En attendant une solution, certains ont déjà perdu leur travail et ne sont plus en mesure de subvenir aux besoins élémentaires de leurs familles.