Merouane Korso,Maghreb Emergent, 07 Février 2011 « Un travail digne, un salaire décent, une protection sociale » : cet appel poignant lancé dimanche par de jeunes chômeurs, rassemblés par centaines devant le ministère du Travail, de l'Emploi et de la Sécurité sociale, résume les afflictions que vivent les jeunes Algériens. Pour autant, du côté des pouvoirs publics, on ne semble toujours pas percevoir l'imminence d'une déflagration sociale à la tunisienne ou à l'égyptienne. Ils ont été des centaines à venir de plusieurs wilayas du pays réclamer un emploi digne et un salaire décent devant un ministère du Travail quadrillé par les forces anti-émeute. A l'appel du tout nouveau Comité national pour la défense des droits des chômeurs (CNDDC), des jeunes de Skikda, Médéa, Aïn Defla et Ouargla ont lancé un sérieux avertissement aux autorités quant à une déflagration sociale qui serait nourrie par la colère des sans-emplois. Les mêmes manifestations ont été également organisées dimanche à Annaba avec la même intensité. « Tous les dispositifs pour l'emploi des jeunes ont échoué et ont montré leur inefficience », a déclaré le porte-parole du CNDDC, Samir Larabi, ancien journaliste à la Radio nationale. La colère des jeunes du sud La colère est encore plus palpable chez les jeunes chômeurs des wilayas du sud, où le ressentiment d'une jeunesse marginalisée, désœuvrée et sans le sou est d'autant plus grand qu'ils vivent là où des milliards de dollars sortent du sous-sol du Sahara pour partir vers le nord. « Il y a lieu de se demander pourquoi le sud connaît le plus grand nombre de tentatives de suicide de chômeurs alors que ses ressources souterraines profitent à toute l'Algérie», s'interroge un jeune sans emploi et dont les deux frères, chômeurs aussi, se sont donné la mort. Devant la presse, Samir Larabi aura ces mots durs : « Nous ne voulons pas devenir des patrons, nous voulons juste du travail. Un travail digne, un salaire décent. Nous voulons une vraie politique de l'emploi, qu'on mette fin au CCD, qu'on nationalise les entreprises stratégiques, qu'on remette sur pied les entreprises communales. Nous voulons une allocation chômage à hauteur de 50% du SNMG pour tous les chômeurs.» A Annaba, les jeunes chômeurs sont même allés jusqu'à menacer, dans le cas où ils n'obtiennent pas gain de cause, de recourir à d'autres moyens pour se faire entendre. Une bombe à désamorcer Le chômage des jeunes, et particulièrement celui des diplômés, est devenu plus que problématique en Algérie. Et alors que la colère s'amplifie, les solutions tardent à venir. Selon une étude de l'institut Carnegie Moyen-Orient, le chômage des jeunes diplômés en Algérie était estimé à plus de 21,5% en 2008, alors qu'officiellement le chômage est de 10,1% en 2010. A Annaba et à Alger, lors de leurs sit-in, plusieurs jeunes chômeurs avaient tenté de s'immoler. Les émeutes en Tunisie qui avaient eu raison du clan Ben Ali, et celles en cours en Egypte où Moubarak tente de négocier une sortie « honorable », alimentent l'idée, ici, que seul le recours à la force peut déboucher sur une solution.