I-Dans l'interview de Monsieur Zine Cherfaoui: *Le titre: « Dans la pratique, la police politique existe toujours. » II-Dans l'analyse de Monsieur Hacen Ouali: *Le titre: Il excerce un contrôle systématique sur la société algérienne: Le DRS, l'armature du régime. *Le chapô: «Les services» jouissent de larges pouvoirs qui s'exercent souvent dans l'ombre et sans qu'ils soient soumis à un quelconque contrôledes instances démocratiquement élues, du reste inexistantes à cet effet ● L'omnipotence de cette police politique rend hypothétique toute possibilité de changement démocratique dans le pays. *Les sous-titres: 1/LE DEPARTEMENT DE RENSEIGNEMENT ET DE SECURITE OU LE «POUVOIR REEL» 2/NECESSAIRE DISSOLUTION DE LA POLICE POLITIQUE 3/DEPUIS 20 ANS, LE GENERAL TOUFIK EST PATRON DES SERVICES III-Dans l'interview de Monsieur Chafik Mesbah: *Le titre: «La reconversion des services de renseignements est inévitable, avant ou après le départ du président Bouteflika» Les textes de cet article et de ces deux interviews, ne sont pas moins percutants que leurs exergues. Un véritable tir groupé. Des mots vrais, des regards intransigeants, et des constats sans concession, sur des vérités trop longtemps voilées, niées. Je crois qu'il est nécessaire, avant de nous étaler sur le sujet, de souligner, et de répéter, que ce dossier, publié par « El Watan » est un précédent majeur dans la presse algérienne. Jamais, depuis l'indépendance du pays, ni pendant la période SM(Sécurité militaire), ni pendant celle du DRS(Département du Renseignement et de la Sécurité), et hormis les articles parus dans la presse électronique de l'opposition algérienne, de tels propos, et des révélations aussi crues, n'ont paru dans la presse algérienne. Serait-ce par allusions, ou entre les lignes, comme on dit habituellement. Rien! Personne n'aurait cru, qu'un journal algérien, dont nous savons tous qu'il pratique, comme tous ses confrères du reste, une autocensure érigée en règle journalistique, puisse publier, un jour, que l'Algérie est l'otage de ses « moukhabarates », que le Général Toufik est le patron de ces « moukhabarates » depuis 20 ans, donc celui de l'Algérie, et qu'il est nécessaire, aujourd'hui, de dissoudre cet organisme qui phagocyte l'Etat. Enorme! Et donc, passée la première surprise, revenus de la détonation assourdissante que ces articles ont produit dans notre entendement, nous en arrivons naturellement à nous demander le pourquoi du comment. Que s'est-il passé, pour que de tels articles soient autorisés à paraître ? Nous ne serons pas naïfs, bien sûr, au point de penser que El Watan vient de briser un tabou, de son propre chef, qu'il a décidé de prendre le taureau par les cornes, et d'écrire en noir sur blanc, ce que tous les Algériens savent pertinemment depuis des années, parfois dans leur chair, dans leurs carrières, et dans leur vie de tous les jours. Nous ne penserons pas, non plus, que El Watan a tout dit. Parce qu'en réalité, ce qui a été écrit, aussi révélateur et méritoire soit-il, n'est qu'une infime partie de tout ce que le DRS a perpétré comme crimes, captation frauduleuse et criminelle des pouvoirs, mise en place de dispositifs scélérats pour mettre le pays tout entier sous coupe réglée, manipulation de la violence contre des populations civiles, conception et mise en exécution de politiques subversives ayant entraîné des carnages de populations civiles, dévastations, déplacements de populations, enlèvements et séquestrations de milliers de personnes. Ces articles n'ont rien dit, non plus, sur l'institution de la torture en pratique systématique d'interrogatoire, et de terreur, sur les exécutions extrajudiciaires, et tant d'autres pratiques « ordinaires » de ce même DRS. Mais il n'en demeure pas moins que le peu qui a été publié est intrinsèquement phénoménal, si l'on considère le black-out intégral qui était de mise sur ce DRS, que les Algériens désignent sous le vocable évocateur de « Maison de l'ogre ».(Dar El Ghoul). Nous ne serons pas crédules, non plus, pour penser que l'ex-colonel Chafik Mesbah, dont les nombreux écrits, et autres interviews, sur le même sujet sont significatifs de ses ancrages, ait subitement buté sur une virginité intellectuelle, en sortant de son lit. La nuance, d'importance, qui figure dans le titre de son interview, en dit long sur les plis obstinés d'une certaine façon de penser, sur une sorte de difficulté à accepter l'inévitable. En écrivant, « avant ou APRES le départ de Bouteflika, Monsieur Mesbah nous renseigne sur une résistance latente, même si elle est vouée à l'échec, d'un certain clan du DRS. Non! ce n'est pas ainsi qu'a été décidée la parution de ce dossier. Ce n'est ni de la liberté de la presse, ni de l'honnêteté intellectuelle, ni du courage politique, encore qu'il faille considérer avec respect les auteurs de ces textes, autant que ceux qui les ont initiés. Des facteurs autrement plus déterminants ont pesé sur ce tournant décisif. Des décisions d'une extrême gravité ont vraisemblablement été prises. Un accouchement au forceps… Le dossier d'El Watan en est le premier vagissement. Dans un récent article, publié sur LQA, sous le titre « Que penser de cette supposée confrontation entre le DRS et Bouteflika », j'avais souligné que c'était là une sorte de mythe, entretenu savamment par les uns et les autres, et que le ralliement des chefs de l'armée, et du DRS, au clan Bouteflika, qui avait commencé timidement, presque en cachette, se faisait de plus en plus massif, jusqu'à tourner à la bousculade. J'ai tenté d'expliquer, dans cet article, comment le Président Bouteflika avait réussi à rallier à lui la quasi totalité de tout ce qui compte dans le cercle, jusque là très fermé, des généraux du Commandement, et dans celui, très hermétique, du DRS. Une autre lecture annexe, que m'a suggéré Addi Lahouari, consiste dans le fait que les généraux du Commandement, sur lesquels le DRS avait exercé une hiérarchie de fait, s'étaient progressivement libérés de cette étreinte. Ils ne reconnaissaient plus son autorité. Ils avaient opté pour le camp adverse. Celui de Bouteflika. C'est dire que l'affaiblissement du DRS ne s'est pas fait en un jour. Cela a été un long glissement. La lutte pour la main mise sur la totalité du pouvoir fut rude, et longue, mais le Président Bouteflika avait réussi à grignoter, à grands renforts de prébendes, de nominations massives de généraux de Corps d'Armée, de généraux majors, de généraux, et autres privilèges du genre, tous les espaces de décision politique, jusqu'à concentrer entre ses mains, non seulement le pouvoir sur tout l'espace politique, mais jusqu'à celui de nomination et de mise à la retraite des officiers supérieurs. Une prérogative qu'aucun président algérien, depuis 1992 n'avait pu exercer. Mais un autre élément, aussi imprévu qu'il est décisif, a été la déferlante des peuples de la région contre leurs dirigeants. Le Maroc et l'Algérie, tout à fait éligibles à de tels évènements, ont vite compris qu'ils n'avaient plus d'autre choix, pour ne pas être emportés à leur tour, que d'engager, par eux-mêmes, des changements en profondeur. Une course contre la montre. Le Roi du Maroc a annoncé, presque dans la précipitation, sa décision de procéder à une démocratisation institutionnelle de son royaume, pour aller progressivement vers une monarchie parlementaire. C'était sa seule possibilité de conjurer une colère qui grondait. Le régime algérien, qui jouit d'un très épais matelas financier, qui lui permet de débloquer un budget très conséquent, pour noyer la colère des couches sociales les plus défavorisées dans une prospérité relative, a finalement compris que ces mesures d'anesthésie provisoire devaient aller de pair avec un changement du système lui-même, à commencer par ses travers les plus outranciers, les plus décriés. Et le DRS en est l'archétype tout désigné. C'est dans ce climat politique, mêlé d'appréhension et de prudence, mais aussi de résignation forcée, qu'un consensus a pu s'imposer. La lutte sourde entre clans de « jeunes loups » du DRS, qui s'était envenimée à cause de la vacance du poste de la DCE(Direction du Contre Espionnage), depuis que son titulaire, Le général Smaïl Lamari, avait décédé, avait particulièrement affaibli le Général Toufik, le maître incontesté du pays pendant plus de quinze années. Les luttes intestines au sein de son propre appareil, ainsi qu'une infinités de contingences, le minèrent et l'isolèrent, jusqu'à le jeter dans les bras du président Bouteflika. C'est d'abord cela qui sonna le glas de la toute-puissance du DRS. Nous savions depuis des mois, que la « maison de l'ogre » n'était plus ce qu'elle fut. Et que Bouteflika était devenu, avec son pré-carré, le véritable maître du jeu. Ce dossier publié par « El Watan » en est l'annonce publique. Il ne fait plus de doute que des décisions majeures ont été prises. Que le DRS va être réaménagé en profondeur. Il ne sera pas dissous, mais il sera partiellement démantelé, neutralisé. Ses prérogatives initiales, celles de l'espionnage et du contre espionnage, lui seront redéfinies, et il y sera probablement confiné. Ce qui sera une révolution dans le genre. Il faudra néanmoins compter avec ses derniers irréductibles. Ceux qui fraîchement promus à des grades de généraux majors, et de généraux, pensaient être arrivés, enfin, à la dernière marche, avant d'atteindre le pouvoir absolu, celui qui fut celui de leurs chefs Smaïl et Toufik. Ils n'accepteront pas de gaieté de coeur, de se restreindre à l'exercice de leurs seules fonctions officielles, ou pire, d'être mis à la retraite. A plus forte raison qu'ils gardent la main sur le contrôle de l'AQMI. Et à de plus fortes raisons encore, qu'ils brillent par leur incompétence. Tout leur art consiste à subvertir, à manipuler, et à faire couler le sang. Et à piller le bien public, bien sûr. Mais Il est peu probable qu'ils puissent être encore capables d'instrumenter la violence terroriste avec la même capacité de nuisance qui a té la leur, en d'autres circonstances. Tout le monde aura remarqué que depuis quelques temps, l'AQMI est aux abonnés absents. Dans le Sahel, c'est le silence radio. Et en Kabylie, la violence, les attentats, et les rapts, ont subitement cessé. Ces généraux qui se servaient du terrorisme pour imposer leurs choix, n'ont plus la main. ils auront contre eux, non seulement Bouteflika, le désormais patron du pays, mais aussi tous les chefs de l'ANP, et surtout leurs propres collègues, les généraux du DRS. La publication de ce dossier sur le DRS est suffisamment explicite sur la question. Les jeux sont faits. Le pronostic vital du DRS est engagé. Du moins dans la configuration que nous lui avons toujours connue. Il ne fait plus de doute que le brigadier vient de frapper ses trois coups. Une pièce va se jouer, qui promet d'être très intéressante. Espérons que ce ne sera pas une tragi-comédie. Ni un mélodrame… Il n'est pas interdit de rêver. D.BENCHENOUF