Le chef du gouvernement vient d'adresser une note aux walis leur ordonnant de geler tout projet d'investissement national et étranger en attendant probablement la prescription de nouvelles règles et procédures en matière de partenariat et de privatisation. C'est sur décision du président de la République qu'Ahmed Ouyahia vient d'ordonner aux walis de surseoir à tout nouveau projet d'investissement national et étranger en Algérie y compris ceux bien ficelés mais non encore lancés. Il semble que la note d'Ouyahia est la conséquence du dernier discours du président de la République. Pour rappel, c'est le 26 juillet dernier que Bouteflika s'est adressé aux responsables des collectivités locales notamment les présidents des assemblées populaires communales (P/APC) pour affirmer que «nous avons fait tout faux» particulièrement en matière de partenariat et de privatisation. Par des critiques acerbes, il avait remis en cause tout ce qu'a entrepris Abdelhamid Temmar à ce jour dans le domaine. Le chef de l'Etat estime que les opérations menées à cet effet n'ont pas été rentables pour le pays. «La privatisation dont vous parlez, je dis que je ne vends plus en gros. Chaque chose a son prix, je jure si on ne me le donne pas, personne ne prendra rien», avait-il martelé. Ainsi a-t-il fait savoir qu'il s'était rendu compte que les règles du jeu étaient totalement fausses. «Comment peut-on accorder 5 ans d'exemption de taxes à un investisseur qui apporte un million de dollars et un autre qui lui en apporte 500 ?», s'est-il interrogé étonné. Ou alors «un investisseur qui a apporté 700 millions de dollars pour engranger annuellement 2 milliards de dollars de gains». Il estime que «la mondialisation d'accord mais elle n'est pas la même d'un pays à un autre, ça se met en œuvre selon ce qu'a le pays». Les investisseurs étrangers sont ainsi mis à l'index. «L'investisseur étranger doit être rentable pour lui et pour le pays», a-t-il dit. «On donne 51% et on dit que c'est du partenariat ?», a-t-il relevé. Le président de la République n'en est pas resté là. Il dénigrera par d'autres propos acerbes le travail effectué jusque-là par l'Agence nationale du développement de l'investissement (ANDI). «Ce qui vient de l'ANDI, on n'en a pas besoin», lancera-t-il. L'investisseur national ne sera pas épargné. «Je ne donne pas au privé qui quelque temps après commencera à vendre le terrain au m² !», affirme-t-il. Pour lui, «créer des ressources, cela veut dire attirer les investisseurs nationaux et étrangers, les vrais !». Par tous ces grands reproches, Bouteflika visait sans nul doute le ministre de l'Industrie et de la Promotion de l'investissement. «Ceux qui nous donnent des fatawa, au lieu de nous dire comment régler les problèmes, nous rédigent des ordonnances qui nous compliquent les choses», a lancé le Président vraisemblablement à l'attention de Abdelhamid Temmar même s'il a précisé que «je ne vise personne, c'est de l'autocritique, je dis seulement que nous avons pris un chemin qu'on croyait nous amener au paradis, on s'est rendu compte que ce n'était pas ça, donc on change, on ferme, on ne se met pas en autarcie, je dis qu'il y a des règles, il faut les appliquer». Premier conseiller économique de Bouteflika depuis son intronisation à la tête de la présidence de la République, Temmar est non seulement interpellé pour avoir, à entendre le Président, échoué dans sa mission de privatiser le secteur public et d'engager le pays dans des partenariats rentables, mais il semble être appelé à revoir sa copie. Sa toute dernière est, pour rappel, la stratégie industrielle qu'il a lancée en grande pompe par la tenue d'assises où se sont rencontrés tous les animateurs de la sphère économique ainsi que les experts de tout ordre. C'est par la mise en oeuvre de cette stratégie que Temmar dit vouloir appliquer des politiques où s'entremêlent privatisation, partenariat, promotion de l'investissement et redéploiement du secteur public. Alors que le Président évalue les résultats des opérations de privatisation en rendements sonnants et trébuchants, Temmar, lui, dit vouloir de l'expertise et de la modernité. «Nous faisons exprès de mener lentement la privatisation parce que nous ne voulons pas par la vente des entreprises avoir de l'argent mais leur assurer de la technologie et de l'innovation», a déclaré le ministre lors de sa rencontre en juillet dernier avec les hommes d'affaires allemands. D'une part, le ministre affirme prendre tout son temps pour privatiser et de l'autre, le Président remet tout en cause. Le manque de coordination en matière de choix politiques est flagrant et nuit terriblement au pays lui faisant perdre un temps précieux pour son développement. Autre aberration, le Président remet en cause la gestion de la privatisation, du partenariat et de l'investissement pendant que son ministre continue d'en faire la promotion. Entre la présentation par Temmar de la stratégie industrielle devant les Allemands et le discours du Président devant les P/APC, il y a eu à peine une dizaine de jours. Par un «(…) ce n'était pas ça, donc on change, on ferme (…), je dis qu'il y a des règles, il faut les appliquer», le chef de l'Etat semble décidé à tout reformuler. Première décision pour revoir les choses en la matière, la note envoyée par le chef du gouvernement aux walis pour que tous les dossiers d'investissements soient gelés «jusqu'à nouvel ordre». Ce «nouvel ordre» est sans doute retenu en prévision d'une révision des lois et textes sur la privatisation, le partenariat et l'investissement et même ceux réglementant leur gestion par l'ANDI.