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Syrie : la population civile « exterminée » aux bombes chimiques
Publié dans Le Quotidien d'Algérie le 22 - 08 - 2013


22 AOÛT 2013 | PAR CAROLINE DONATI
Alors qu'une mission de l'Onu est arrivée dimanche en Syrie pour recueillir des preuves d'utilisation d'armes chimiques, des bombes de gaz neurotoxique ont tué plus de 1 200 personnes dans la nuit de mardi à mercredi, en banlieue de Damas. « Dans la mesure où les grandes puissances n'ont rien fait dès le départ, le régime se moque des lignes rouges et regarde jusqu'où il peut aller », constate un médecin sur place.
« Le plus dur, c'était de voir ces regards tétanisés de peur, ceux des enfants, de leurs mères, un enfant de trois mois qui ne sait rien de ce régime, de l'opposition ni de quoi que ce soit. La peur et la terreur sont terribles ; à côté, la mort semble facile. » Majed est médecin au centre médical de Douma, dans la banlieue est de Damas, la Ghouta orientale. L'une des neuf zones touchées par une attaque de l'armée syrienne dans la nuit du mardi 20 au mercredi 21 août 2013.
Selon le comité de coordination de la localité, l'aviation de l'armée syrienne a largué dans la nuit 15 obus chargés de gaz mortels sur cette banlieue de plus d'un million d'habitants.
Carte des zones touchées© Syrian Map Center
* Lire aussi ici
D'une voix posée qui ne laisse en rien transparaître l'horreur vécue, le Dr Majed, 38 ans, raconte« les bombardements de vaste ampleur sur toute la banlieue de la Ghouta, qui commencent à 3 heures du matin ». De 3 heures à 7 heures du matin, son équipe a pris en charge 630 victimes, en grande majorité des femmes et des enfants. Soixante-cinq sont décédées, la moitié des autres cas étaient dans un état grave en début d'après-midi ce mardi.
Pour dispenser les soins, ils sont soixante en tout, médecins et secouristes. « Un nombre inférieur aux autres centres médicaux de la Ghouta, car nous avons été moins touchés que les autres zones », précise le docteur Majed.
Le bilan dressé en début d'après-midi ce mercredi par les comités de coordination locaux (LCCS) et notamment l'avocate Razan Zeitouneh (lire son précédent témoignage ici) faisait état de 140 morts pour la localité voisine de Kfar Batna et de 300 victimes pour Joumouriyeh.
Mais très vite, les nombres grimpent sur les réseaux sociaux : en début de matinée, 668 morts sont documentés ; trois heures plus tard, les LCCS en dénombrent 1 270.
À cette heure déjà, de nombreuses vidéos envoyées par les centres médiatiques de la Ghouta permettent de documenter la nature de l'attaque : les victimes ne portent aucune blessure physique et meurent par convulsions. Tout indique qu'il s'agit d'une intoxication par neurotoxique. Ce que confirme le Dr Majed : « Problèmes respiratoires, (bradycardie), ralentissement du rythme cardiaque, vomissements, sécrétions bronchiques, convulsions, les victimes portent tous les symptômes du gaz sarin », diagnostique le médecin. Dans la soirée de mercredi, l'ONG Human Rights Watch affirme que le témoignage qu'elle a recueilli sur place auprès de deux médecins fait état de ces mêmes symptômes, « ceux d'empoisonnements aux gaz neurotoxiques ».
À Jobar, lourdement touché, un autre médecin témoigne, fébrile, devant la caméra de ce qu'il a vécu au lever du jour et de la mobilisation des médecins et secouristes. C'est le premier témoignage d'un médecin.
25 000 doses d'atropine, 7 000 seringues d'hydrocortisone... Toutes les réserves de la panoplie anti-gaz neurotoxique y sont passées pour couvrir le secteur de Jobar et Ayn Tarma. Une goutte d'eau face à l'ampleur du massacre. Lui-même a vu mourir, impuissant, 50 enfants. Il n'a en tête que la protection des populations : « il est impératif d'organiser maintenant des campagnes de sensibilisation. »
« Banalisation » de l'arme chimique
Car l'attaque a visé des zones résidentielles à forte densité de population. Avant la révolution, la Ghouta charkiyé (orientale) comptait 1,5 million d'habitants ; ils seraient aujourd'hui moins d'un million à y vivre. 35 % de la population initiale a fui la banlieue tenue par les rebelles encerclée par l'armée de Bachar al-Assad depuis 4 mois, privée de tout service depuis 10 mois, ni eau, ni électricité. « En 60 jours, le four à pain de Douma n'a fonctionné qu'une seule journée », reprend le Dr Majed.
La population restée y vit terrorisée comme l'écrivait l'intellectuel Yassin al-Hajj Saleh dans une tribune prémonitoire en forme de cri d'alerte publiée en juillet dernier dans le quotidien britannique The Guardian.
La panique engendrée par des semaines de siège et de pilonnage quotidien explique le terrible bilan de l'attaque de la nuit de mardi à mercredi : au déclenchement du bombardement, les habitants se sont repliés vers les caves. Leurs abris habituels sont devenus un piège mortel : le gaz y décante, il faut donc se placer en hauteur pour avoir des chances d'en réchapper.
Les médecins syriens mettent surtout en cause la concentration de gaz utilisé. « Douma a déjà été touchée en zone civile il y a dix-sept jours, mais nous n'avions eu aucun cas mortel car la concentration de gaz était très faible, reprend le Dr Majed. Cette fois, la concentration était très forte : six membres du personnel médical de Douma sont dans un état critique après avoir soigné des victimes. »
La poursuite des bombardements sur Douma toute la matinée a contraint aussi les médecins à soigner les blessés dans des endroits confinés au lieu des points à l'air libre prévus à cet effet, favorisant d'avantage la suffocation et la propagation.
Preuve s'il en était besoin de la « banalisation » du recours à l'arme chimique, médecins et activistes se sont déployés avec une célérité remarquable, qui pour dispenser les soins, qui pour faire la tournée des centres médicaux, qui pour documenter les victimes.
Car pour la population syrienne, « l'attaque chimique » est devenue une réalité de leur quotidien de violence à l'instar des tirs de missiles Scud. Contrairement à ce que voudrait faire croire le débat en Occident qui se focalise depuis des mois sur la question de la preuve, offrant ainsi une carte blanche au régime.
« Il ne s'agit pas tant de l'utilisation des armes chimiques, forme de répression qui s'est relativement banalisée depuis l'hiver 2012, mais bien de l'usage massif qu'il en a été fait et qui constitue un saut qualitatif important dans la répression », souligne Mathieu Rey, chercheur associé au Collège de France.
Banlieue de Damas, 21 août 2013. Des cadavres rassemblés© REUTERS/Bassam Khabieh
L'attaque massive de la Ghouta s'inscrit en cela dans la même courbe ascendante de violence observée depuis des mois et de sa banalisation.
À titre d'exemple et pour la seule localité de Douma, jusqu'en février dernier, l'hôpital de Douma traitait une moyenne de 100 blessés par jour, depuis, le chiffre est passé à 140. Pour le Dr Majed, « le niveau de barbarie n'a pas évolué » : « Qu'il y ait 1 000 morts en un jour ou 1 000 morts en trois jours (référence au précédent massacre de Daraya d'août 2012 – ndlr. Lire notre article), ne change pas grand chose, dit-il. Ce qui est nouveau, c'est que le régime teste de nouvelles limites et de nouvelles armes. Car jusqu'à maintenant, les gaz étaient utilisés dans des zones contre l'armée libre et non des zones d'habitation civile. » À l'appui d'images satellitaires, HRW confirme là aussi que les zones touchées n'abritent aucune base ou installation militaires rebelles.
De fait, jusqu'ici, le recours à des armes neurotoxiques s'inscrivait dans une tactique de guerre contre les rebelles, dans leurs bases, en vue de reprendre des territoires contrôlés par ces derniers. « Jusqu'à présent, la stratégie consistait à viser les zones tenues par les rebelles, soit à l'intérieur, dans l'objectif de les faire fuir pour reprendre le contrôle de la zone, soit à l'extérieur pour les forcer à approcher et les atteindre, explique Thierry Boissière, chercheur au Groupe de recherches et d'études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient (Gremmo) à Lyon. Aujourd'hui, on est dans une extermination puisqu'il n'y a pas d'ambiguïté sur la cible : la population civile. »
Est-ce à dire que l'on assiste à une banalisation du recours à l'arme « chimique » dans des zones habitées par les civils après l'automatisation des bombardements sur les zones libérées et des tirs de missiles Scud dans les quartiers populaires d'Alep et sa région ?
Enquêteurs de l'Onu
Tout porte à le croire. Car si le massacre de la Ghouta constitue un point de rupture dans l'échelle de la violence, il s'inscrit néanmoins dans la même logique du régime. Depuis les premiers coups de feu tirés contre les manifestants de Déraa en 2011, au début du soulèvement populaire, au tir de missiles Scud deux ans plus tard.
« Le régime est dans une logique cohérente de politique de terre brûlée qui ne se soucie que de produire de la terreur et d'avancer des pions dans les zones qui lui sont vitales, reprend le chercheur. La zone de Damas en fait partie, mais il a aussi repris le contrôle de Homs et est engagé dans la reconquête des villages de la côte qui lui avaient échappé ces dernières semaines. C'est une logique de survie à tout prix, appliquée de manière froide et sans limite et qui signifie qu'il est prêt à tuer tous les Syriens qui s'opposent à lui. »
Si le massacre de la Ghouta dépasse toutes les limites de la violence et constitue un saut qualitatif dans l'horreur, il s'inscrit dans le cours de cette logique de reconquête, annoncée à maintes reprises par le président Assad.
« Lorsque le 26 juin 2012, Bachar al-Assad déclare qu'il est engagé dans une guerre totale, cela suppose l'utilisation de tous les moyens possibles pour éradiquer "l'ennemi total", ajoute Mathieu Rey. Il faut s'attendre à la multiplication de ce genre d'attaques sur l'ensemble des territoires entrés en rébellion. » « Est-ce une logique génocidaire ? interroge le chercheur.Certainement pas, si on entend par ce terme l'extermination d'un groupe spécifique de la population, en revanche, de telles pratiques de violence peuvent provoquer quantitativement un nombre de victimes qui rappellerait de tels précédents. »
La présence des enquêteurs de l'Onu à Damas, arrivés ce dimanche 18 août dans le but de recueillir des preuves d'armes chimiques, ne change pas grand chose. Bien au contraire, elle est un moyen pour le clan Assad de tester à nouveau l'impunité qu'il tire du soutien de ses alliés extérieurs qui bloquent toute solution à l'ONU, d'une part, et les contradictions de ses adversaires réticents à toute intervention, d'autre part.
Le massacre de la Ghouta s'est en effet déroulé à peine à un quart d'heure de l'hôtel où se trouve la mission onusienne. Cette dernière est arrivée en Syrie à l'issue de cinq mois de négociations interminables et son champ d'action est cantonné à l'inspection de trois zones choisies par Damas.
Autant dire que sa marge de manœuvre est aussi quasi nulle que celle de la précédente mission dépêchée pour enquêter sur la répression en décembre 2011, à l'issue de laborieuses tractations.« Le procédé n'est pas sans rappeler cette étrange convergence entre l'arrivée d'observateurs internationaux et des sauts dans les phénomènes de violence », poursuit Mathieu Rey. Les premiers observateurs onusiens avaient été en effet accueillis par une série d'attentats attribués à l'époque au régime et ils ont plié bagages au bout de six mois après avoir été pris pour cibles par des loyalistes.
« De la sorte, conclut Mathieu Rey, le régime teste la communauté internationale sur ses réactions comme il le fait depuis le départ et il la place face à ces contradictions en lui montrant qu'il est capable de faire un saut qualitatif et quantitatif dans la violence. »
Le soutien inconditionnel de Moscou, qui a imputé la responsabilité de l'attaque de la Ghouta Charqiyé aux rebelles, laisse prévoir en effet un nouveau blocage diplomatique à l'Onu. Plus, le nouveau contexte régional induit par la contre-révolution égyptienne – saluée par Damas – et la crainte des Occidentaux de l'internationalisation du conflit syrien sont vus par les dirigeants syriens comme une nouvelle fenêtre d'impunité sur laquelle ils peuvent jouer à venir.
« Dans la mesure où les grandes puissances n'ont rien fait dès le départ, le régime se moque des lignes rouges et regarde jusqu'où il peut aller », constate, lucide, le Dr Majed. Pour lui, la présence de cette nouvelle commission de l'Onu illustre la complicité du monde au même titre que l'envoi par les gouvernements de quelques masques et antidotes : « La France et les Etats occidentaux, en nous offrant des masques et des formations au risque chimique, se rendent complices des crimes du régime. C'est une insulte à l'humanité car c'est reconnaître au régime le droit à l'usage d'armes chimiques contre sa population. »
Et de conclure, sans illusion : « Je ne demande ni l'aide des Etats occidentaux et du monde arabe et islamique, je demande simplement à l'être humain d'être solidaire de ces hommes dont le seul tort est d'être né dans cette région du monde. »


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