Je n'oserais pas me présenter comme un ami de Sadek Hadjeres, car la distance imposée par le respect d'un si grand homme fut chez moi trop grande. Je ne vais pas évoquer le parcours riche et exceptionnel de ce grand dirigeant du parti communiste algérien et acteur majeur du mouvement national. D'autres l'ont fait et le feront beaucoup mieux que je ne saurais le faire. MA PREMIÈRE RENCONTRE AVEC SI SADEK SUR LES BANCS DE LA SORBONNE C'était en 1994, que je le voyais pour la première fois, il était assis devant moi dans une salle de cours à l'université de la Sorbonne (Paris 3). D'abord je n'y ai pas cru en me disant : que peut faire, l'un des dirigeants les plus emblématiques du mouvement national et de la gauche algérienne dans un séminaire universitaire au milieu de quelques étudiants et jeunes chercheurs ? Nous étions un petit groupe à suivre un séminaire portant sur le mouvement des réformistes de l'islam animé par le professeur Ali Merad. Ce dernier était un remarquable érudit, polyglotte et fervent défenseur du rapprochement des religions et dont la pensée était nourrie de deux mots : effort scientifique et altérité. À la pause, je suis allé voir Si Sadek pour me présenter à lui, il m'accueillit avec un large sourire qui conférait à son visage jovialité et bienveillance. Mon étonnement de le voir venir suivre ce cours à l'université, s'est vite dissipé. Assurément, Si Sadek, en plus d'être un médecin et un dirigeant politique historique, appartenait à cette catégorie d'intellectuels pour lesquels, le temps qui passe est joyeusement utile quand on choisit de toujours apprendre . Il avait une conviction que les efforts vers le savoir et la connaissance améliorent la condition des hommes. C'est ainsi que j'avais pris l'habitude de le rencontrer avec le même empressement et le même engouement après chaque cours hebdomadaire. Nous avions eu de belles conversations qui prolongeaient souvent les thèmes abordés par Ali Merad à l'exemple du célèbre échange entre Ernest Renan et Djamel Eddine Al Afghani et de la question de l'altérité culturelle, sujet central du séminaire. Il allait de soi que nos discussions débouchaient toujours sur la tragique situation politique de notre pays, les souffrances de notre peuple, la crise du militantisme et bien d'autres sujets. L'IMAGE QUE JE GARDE DE SI SADEK De ma première rencontre avec lui jusqu'à la dernière discussion téléphonique, le 16 septembre dernier, je garderai de Si Sadek, l'image d'un éminent dirigeant du mouvement national et de la gauche algérienne, d'un patriote dévoué à son pays, d'un ardent défenseur de la justice sociale et des causes justes, d'un intellectuel clairvoyant qui regarde le monde avec un mélange de détermination et de sagesse. Dans tous ses écrits, ses paroles et ses actes, je sentais une si merveilleuse humanité et un remarquable esprit d'ouverture et de tolérance. Ses prises de position émanaient de cette plénitude de vie accumulée à travers des décennies de lutte pour l'indépendance et pour sa défense de la liberté, de la démocratie et de la justice sociale. Je garderai à jamais le souvenir de cette joie irradiante qui faisait briller son regard lorsqu'il évoquait ses souvenirs au lycée de Ben Aknoun, assis à la même table que Hocine Ait Ahmed. Les deux n'étaient pas dans la même classe, mais partageaient le même cours d'arabe. Ils appartenaient au fameux groupe de Ben Aknoun (1944-1945) dont les membres allaient jouer un rôle primordial dans l'histoire du mouvement national . Alors qu'ils avaient emprunté des chemins différents pour poursuivre leur combat, ils avaient gardé l'un pour l'autre, un respect fratenel et une profonde estime en public et en privé, j'en suis témoin. Merci de tout cœur, Si Sadek pour tout ce que tu as apporté à notre pays et à notre histoire. Merci d'avoir été un si grand homme homme, bon, soucieux des autres, libre, noble, généreux et humble. Puisse ton combat exemplaire, tes valeurs humaines et ton esprit de tolérance continuer à inspirer les jeunes générations de militants. Je suis persuadé que tous ceux qui veulent rester fidèles à ta mémoire vont continuer à te faire vivre parmi eux . Mes sincères condoléances à ton épouse et camarade de combat aliki papadomichelaki ainsi qu'à tous tes proches. Un grand adieu, un grand salut ému et triste pour toi Si Sadek. Repose en paix.