Plusieurs questions, une seule réponse » La dignité des Algériens doit primer sur toutes autres considérations « Propos recueillis par Youcef Aouchiche Tribune des lecteurs 30 décembre 2009 _____________________ Myriem Mehdi, vous êtes à votre 20ème journée de grève de la faim à cause de votre licenciement abusif par les responsables de la société British Gas. Pourriez-vous revenir avec plus de détails sur votre situation ? Effectivement, j'ai été licenciée le 08 novembre 2009 par les responsables de la multinationale British Gas. Après une campagne d'intimidation et d'humiliation menée contre ma personne, ces derniers ont référé, comme dernière mesure, à mon licenciement, sans tenir compte du contrat de travail qui me lie avec cette entreprise. Avant que cela ne se produise, les harcèlements ont duré plus de trois mois. Au cours de cette période, j'ai vécu un calvaire interminable. Mais j'ai fait face avec courage. Et cela grâce au soutien et à l'appui de mes collègues. Chose qui n'a pas plu aux responsables de cette société, qui ont, depuis, durci le ton des harcèlements. Par cette honteuse démarche, ils ont voulu me pousser à la démission ou à la dépression. Ni l'une ni l'autre n'a été atteinte. Ma résistance les a conduits à user de l'ultime recours pour se débarrasser de moi. Après deux réunions de conciliation ils ont décidé, en faisant fi de mon contrat de travail, de me licencier. Pour contester contre ce licenciement abusif, j'ai décidé, après avoir constaté que toutes les portes étaient fermées devant moi, de recourir à la grève de la faim . Avez-vous déposé officiellement une plainte contre les responsables de British Gas ? Oui, la première action que j'ai faite après l'échec prémédité des deux réunions de conciliation, suivi de mon licenciement abusif, j'ai saisi la justice de mon pays dans l'espoir d'avoir un jugement équitable concernant mon affaire. Mais les échos que j'ai eus sur l'affaire du syndicaliste Yacine Zaid et le calvaire qu'il vit actuellement dans les couloirs des tribunaux ont fait que l'optimisme que j'avais au début s'est dissipé avec le temps. Et mes inquiétudes se sont confirmées du jour au lendemain. A ce jour, je n'ai pas reçu de suite à ma plainte. Désormais je me suis référée à la grève de la faim pour faire entendre mon mécontentement et mon désarroi vis-à-vis du laisser-aller et du silence des autorités algériennes. Cela ne veut pas dire que j'ai abandonné la plainte que j'ai introduite au niveau du tribunal de Hassi Messaoud. Au contraire, j'y tiens beaucoup. D'autant plus qu'il y a plusieurs personnes qui ont manifesté leurs volontés de témoigner en ma faveur. Je sais que le marchandage et les pressions exercées sur eux rendent la chose très difficile, mais je compte beaucoup sur leurs dévouements, leurs courages et leurs amours pour le pays pour me venir en aide. Les travailleurs algériens qui exercent leurs métiers dans les multinationales doivent se rendre à l'évidence qu'ils sont dans leur pays et personne n'a le droit de leur réserver un traitement pareil. Toujours dans le même ordre d'idées, est-ce que vous avez envoyé des requêtes aux responsables algériens ? Et quelles ont été leurs réponses ? Je n'ai ménagé aucun effort pour faire entendre ma voix et mes souffrances au plus haut responsable de mon pays. Au premier jour de ma grève de la faim, j'ai adressé une lettre ouverte au président de la République M. Abdelaziz Bouteflika pour le mettre au courant de mon cas. A travers celle-ci, j'ai tenu à expliquer en détail mon affaire, dans l'espoir qu'il intervienne pour mettre un terme à ce genre de dépassement, répété dans le sud. Je tiens à vous informer que mon cas n'est ni le premier et ne sera pas le dernier. Partant de cette crainte, j'ai espéré une intervention rapide et contraignante des pouvoirs publics. Malheureusement, je n'ai pas reçu de réponse à mes doléances, pourtant légitimes. J'espère que ce silence ne va pas durer dans l'avenir. Et je compte beaucoup sur les patriotes de l'Algérie indépendante pour venir en aide aux Algériens opprimés dans leur propre pays. Le SNAPAP a rendu public un communiqué à travers lequel il indique que le comité de femmes de cette organisation syndicale a saisi les instances internationales. Est-ce que cela est vrai ? Effectivement, après m'être retrouvée confrontée au silence injustifié des autorités algériennes, j'ai recouru à la saisine des instances internationales habilitées à se prononcer sur ce genre d'affaires. En premier lieu on a adressé un rapport au niveau du Conseil des droits de l'Homme des Nations unies. Etant une instance crédible, cette dernière est en mesure de se prononcer sur toutes les violations des droits de l'Homme notamment, le droit politique, économique et social. C'est pour cette raison et d'autres que je l'ai saisi, dans l'espoir d'agir dans la logique de défense et de préservation de la personne humaine et de ses droits. En plus de ce conseil, nous avons adressé un autre rapport au bureau international du travail (BIT)…etc. Les responsables de British Gas continuent de faire la sourde oreille aux appels des différentes parties qui soutiennent votre cause. Quel commentaire pouvez-vous nous faire sur ce point ? Avant de répondre à votre question, laissez-moi clarifier certaines choses. Je ne me suis pas référée à la grève de la faim pour la simple raison d'obtenir ma réintégration. Au contraire, je veux par mon action que justice soit rendue et que de pareils dépassements ne se reproduisent pas. Ma seule attente est le respect de la dignité des Algériens. Pour ce qui est de mon cas, vous avez parfaitement raison. Les responsables de British Gas font semblant d'ignorer ma situation et cela avec la complicité de certains cercles du pouvoir algérien. Les demandes formulées par les différentes parties qui ont apporté leurs soutiens à ma cause auprès des représentants de cette firme en Algérie, afin de trouver une solution viable et juste à mon affaire, se sont retrouvées confrontées à la sourde oreille de cette entreprise. Elle refuse tout compromis favorable à ma situation. Le meilleur exemple de cette obstination s'est produit lors du sit-in organisé devant la direction de l'entreprise. Lors de cet événement le siège de la direction générale de cette multinationale a été fermé devant les visages des contestataires. Aucun responsable n'a été sur les lieux. Pis encore, même le drapeau algérien a été enlevé de l'entrée de ce siège. Et j'irai plus loin dans mon raisonnement : » les dirigeants de cette firme étrangère ont transgressé toutes les lois de la République algérienne démocratique et populaire « . Tout cela s'est passé sous le regard des autorités. Vraiment je n'ai rien à ajouter. Faisant allusion au Sit-in de mardi passé, Comment avez-vous vécu tout cet élan de solidarité ? Croyez-moi, c'est grâce à cette mobilisation et cette solidarité que je garde encore aujourd'hui le souffle pour vous parler. Ce que les syndicalistes, les membres de la société civile, et les citoyens sont en train de faire est vraiment extraordinaire. Je suis doublement contente et fière que l'Algérie dispose toujours de ses patriotes qui ne laissent pas sombrer dans le noir un Algérien là où il se trouve. Cet élan de solidarité est la seule chose qui pourra changer l'ordre établi. Ce que je souhaite est que ma cause soit entendue par les citoyens et les populations de l'Algérie entière. Pour cela, notre peuple ne manque ni de volonté ni de courage et encore moins d'expérience. Il a prouvé son refus à la soumission, à la résiliation et à l'exploitation à travers tous les temps. Je suis fière d'appartenir à un peuple pareil. Outre que ces parties citées, plusieurs partis politiques ont affiché leur solidarité entière avec mon combat. Par ailleurs, plusieurs ONG internationales ont apporté leur solidarité. Je vous cite à titre d'exemple la SGT espagnole et plusieurs organisations de défense des droits de l'Homme. Cependant, je suis très réticente et je dénonce le black-out médiatique imposé à mon affaire. Les médias algériens n'ont pas fait ce qu'il faut jusqu'ici. Nous avons appris que votre état de santé s'est dégradé ces derniers jours. Comment vous sentez-vous actuellement ? Je suis au bout de mes forces. Le constat vous pouvez le faire vous-même. Je ne bouge pas de mon lit. Et je ne parle pas trop par peur de m'évanouir. J'ai été évacuée à plusieurs reprises vers les services d'urgence de l'hôpital Zmirli. Cliniquement, j'ai présenté ces derniers jours des signes d'hypoglycémie avec vertiges. Des crampes musculaires généralisées surtout accentuées aux membres inférieurs. Pire encore, des fois je ne me sens pas dans le monde des vivants. Et durant ma 20ème journée de grève, j'ai eu également des vomissements suivis de crachats de sang. Comptez-vous rester sur votre position ? Et quelles sont les démarches que vous comptez entreprendre en cas de refus de répondre à votre SOS ? Je suis déterminée à aller jusqu' au bout dans ma protestation. Je compte rester sur ma position. Malgré la détérioration de mon état de santé je ne compte pas interrompre ma grève. Plusieurs personnalités m'ont sollicité pour que je cesse, mais je ne compte pas le faire. Pour ce qui est des actions à entreprendre, je crois que j'ai fait tout ce qui était en mes possibilités. Pour le reste, je compte sur la mobilisation des citoyens et de la société civile. J'espère que les autorités comprendront également que la cause pour laquelle je me bats est la leur. Ils doivent réagir et agir pour mettre fin à mes souffrances et celles de plusieurs travailleurs algériens au sud. Certains n'hésitent pas à vous qualifier de Haider algérienne. Qu'en dites-vous ? Je suis fière qu'on me compare à cette militante courageuse. A travers sa grève de la faim à l'aéroport des îles Canaries Aminatou Haider a démontré au monde entier que les causes justes de ce monde finissent par triompher. Malgré les obstacles et les pressions, la femme en question a su comment défier les dictateurs et leurs empires. Un dernier mot ? Merci de m'avoir accordé cette occasion pour exprimer et crier mes souffrances. Je vous assure que la mobilisation des patriotes algériens a apaisé mes douleurs. Votre soutien aujourd'hui a fait que mon licenciement devient comme un coup d'épée dans l'eau. Y. A.