Alger a vécu un second vendredi de grande mobilisation. Les rues de la capitale ont résonné aux sons des clameurs populaires disant non à un cinquième mandat, désignant sans détour des symboles du régime. Des hommes et des femmes de tous âges ont manifesté côte à côte, se réappropriant des espaces trop longtemps confisqués. Nawal Imès - Alger (Le Soir) - Les appels à manifester pacifiquement ont eu un très large écho auprès de pans entiers de la société. Dès midi, le ton était donné en ce vendredi ensoleillé. Par petits groupes ou en solo, les manifestants rejoignaient la Grande-Poste, lieu symbolique où les attendait un dispositif policier impressionnant. Tandis que les mosquées diffusaient les appels à la prière, ils étaient déjà très nombreux à avoir déjà répondu à l'appel de la rue. Des femmes, des hommes, jeunes et beaucoup moins jeunes, mais également des enfants étaient en ce vendredi dehors, battant le pavé avec une rare conviction inébranlable : celle du nécessaire départ du régime et de ses symboles. Venant de la rue Hassiba-Ben-Bouali, de Belcourt, à pied, drapés dans l'emblème national, ils étaient des centaines à vouloir rejoindre la Grande-Poste au rythme de «pas de cinquième mandat, Bouteflika». Sans heurts, ils ont longé l'avenue avant de croiser sur leur chemin des groupes venant dans le sens inverse. Les deux groupes n'en font plus qu'un. La rue désormais leur appartient : en couple, en famille, accompagnés de jeunes enfants, les Algériens ont créé en ce vendredi une fresque colorée, festive. L'ambiance dans les rues d'Alger était, en effet, ce vendredi détendue, presque joyeuse. Dans leur rejet du système, les manifestants ont réussi à recréer du lien, à se ressouder et à dépasser tous les clivages. Face aux nombreux policiers formant d'incalculables barrages, la réaction de la foule est la même : «Djaïch, chaâb, khawa, khawa.» La rue, intelligente, fait la part des choses entre des policiers obligés de respecter des ordres et des donneurs d'ordre qu'elle vomit. Ni provocation, ni heurts, à peine quelques moments de tension palpable, notamment au niveau de la Grande-Poste lorsque la foule a tenté de briser un cordon de sécurité. Les forces de l'ordre ripostent en lançant des bombes lacrymogènes, forçant les manifestants à renoncer. Les personnes incommodées par les gaz sont aussitôt prises en charge. Dans leurs sacs, beaucoup de manifestants avaient prévu du vinaigre pour justement mieux résister aux effets des gaz lacrymogènes. Des jeunes, portant des gilets jaunes, avec écrit dessus «secouristes» étaient mêlés à la foule. Il s'agit d'étudiants en médecine, venus prêter main-forte et assister en cas de besoin les personnes ayant besoin de soins. Dans la foule, des familles entières avec enfants sur les épaules ne se laissent pas impressionner. Des personnes âgées, fatiguées d'avoir trop marché, se reposent. Les plus téméraires continuent de hurler leur rejet du cinquième mandat, brandissant des slogans sans équivoque : «Non à une énième humiliation». Au niveau de la rue Didouche-Mourad, les scènes sont les mêmes. Les personnes n'ayant pas rejoint les manifestants poussent des youyous. D'autres agitent l'emblème national. La communion est totale. La rue a dit son refus. En fin de journée, c'est dans le calme que se dispersait la foule, commentant une journée riche en émotions. N. I.